LA COLLECTION DUTUIT
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l'artiste en Italie, explique ces qualités, qui, chez lui, devaient être
assez fugitives. Très frappé par les peintures de Titien qu’il avait pu
admirer à Rome, surtout par deux de ses chefs-d’œuvre, Y Hommage
à la Fécondité et le Triomphe de Bacchus, qui se trouvaient alors à la
villa Ludovisi, Poussin en avait copié des fragments et, instruit par
l’étude de ces beaux ouvrages, il mettait lui-même quelque chose
de leur éclat dans les Bacchanales et les autres compositions qu’il
peignit à cette époque II avait encore conservé la fougue et « la
LE MASSACRE DES INNOCENTS, PAR NICOLAS POUSSIN
(Collection Dutuit.)
verve endiablée » que les biographes ses contemporains s’accordent
à lui attribuer pendant sa jeunesse, mais dont il devait peut-être un
peu trop se corriger avec l’àge, quand, mûri dans la pratique de son
art, il adoptait, avec une exécution plus rassise, ces tonalités amorties
et parfois même un peu éteintes qui caractérisent sa manière défi-
nitive. De Piles, qui constate avec raison ce changement, n’est pas
sans témoigner quelque regret de la trop complète transformation
du talent de Poussin et juge assez sévèrement cette atténuation
dans la vivacité de sa couleur. Il est bien vrai, dit-il dans un pas-
sage de son Dialogue sur le coloris, qu’ « après avoir copié des ouvrages
du Titien, ses tableaux en avaient quelque chose; mais ce n’en
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l'artiste en Italie, explique ces qualités, qui, chez lui, devaient être
assez fugitives. Très frappé par les peintures de Titien qu’il avait pu
admirer à Rome, surtout par deux de ses chefs-d’œuvre, Y Hommage
à la Fécondité et le Triomphe de Bacchus, qui se trouvaient alors à la
villa Ludovisi, Poussin en avait copié des fragments et, instruit par
l’étude de ces beaux ouvrages, il mettait lui-même quelque chose
de leur éclat dans les Bacchanales et les autres compositions qu’il
peignit à cette époque II avait encore conservé la fougue et « la
LE MASSACRE DES INNOCENTS, PAR NICOLAS POUSSIN
(Collection Dutuit.)
verve endiablée » que les biographes ses contemporains s’accordent
à lui attribuer pendant sa jeunesse, mais dont il devait peut-être un
peu trop se corriger avec l’àge, quand, mûri dans la pratique de son
art, il adoptait, avec une exécution plus rassise, ces tonalités amorties
et parfois même un peu éteintes qui caractérisent sa manière défi-
nitive. De Piles, qui constate avec raison ce changement, n’est pas
sans témoigner quelque regret de la trop complète transformation
du talent de Poussin et juge assez sévèrement cette atténuation
dans la vivacité de sa couleur. Il est bien vrai, dit-il dans un pas-
sage de son Dialogue sur le coloris, qu’ « après avoir copié des ouvrages
du Titien, ses tableaux en avaient quelque chose; mais ce n’en