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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Il paraît donc admis aujourd’hui que ce camée, trouvé à Pom-
péi, a été envoyé à Marie-Antoinette par sa sœur, Marie-Caroline.
Mais, comme dès le premier examen, on découvre que cette tradition
ne repose sur aucun document authentique, on doit immédiate-
ment commencer, dans l'inconnu, une véritable enquête.
Avant de s’occuper, par exemple, de l’envoi à la reine, ne fau-
drait-il pas d’abord savoir si la pierre provient vraiment des fouilles
de Pompéi?
Or, nous avons le Journal des fouilles1 ; une semblable pièce n’a
certes pas dû passer inaperçue. Mais non, rien! Fiorelli est muet à
son endroit.
Ne viendrait-elle pas, par hasard, d’IIerculanum? U n’en est pas
davantage question dans Barré1 2.
Enfin, n’aurait-il pu arriver qu’aussitôt découverte, elle ait été
remise au roi de Naples et envoyée à Paris? Dans ce cas elle aurait
peut-être pu échapper au Journal.
La contre-épreuve est possible par les sources françaises.
Nous avons, en effet, le Grand Inventaire général des Palais du Roi,
de 1787, qui se trouve aux Archives Nationales |0‘3478). Par lui
nous pouvons reconstituer, d’après les inventaires par spécialités,
l’état du mobilier et des objets d’art qui garnissaient chaque palais,
Trianon comme les autres. Nulle part on n’en voit trace.
Mais encore, il aurait pu être apporté après 1787. Sous la date
de 1810, on a Y Inventaire général des Palais impériaux (Archives
Nationales, 02763).Dans aucun chapitre on ne trouve le camée. Et
cependant Trianon a un inventaire particulier, où sont relevés et
décrits sommairement cinquante-huit objets de musée, coupes, vases
de jaspe, d’onyx, de cristal de roche, de bronze, et camées qui gar-
nissaient les vitrines de la galerie.
Rien non plus dans l’inventaire de 1821 ; rien dans celui dressé
sous Charles X en 1827. Bref, disons, sans nous attarder à parler
d’autres infructueuses recherches, que le camée fait son apparition,
sous le n° 89 de l’inventaire de 1834. La première mention officielle
imprimée s’en lit dans Dussieux3 : « Au salon [de Trianon], un
grand camée représentant un sacrifice au dieu Pan. »
La tradition, toujours répétée, devient donc bien inquiétante,
1. (i. Fiorelli, Pompeianarum antiquitatum historia. Naples, 1860-64, 3 vol.
in-8°.
2. L. Barré, Herculanum et Pompéi. Paris, 1837-40, 8 vol. in-8°.
3. Le Château de Versailles. Versailles, Bernard, 1881, in-8°, L H, p. 369.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Il paraît donc admis aujourd’hui que ce camée, trouvé à Pom-
péi, a été envoyé à Marie-Antoinette par sa sœur, Marie-Caroline.
Mais, comme dès le premier examen, on découvre que cette tradition
ne repose sur aucun document authentique, on doit immédiate-
ment commencer, dans l'inconnu, une véritable enquête.
Avant de s’occuper, par exemple, de l’envoi à la reine, ne fau-
drait-il pas d’abord savoir si la pierre provient vraiment des fouilles
de Pompéi?
Or, nous avons le Journal des fouilles1 ; une semblable pièce n’a
certes pas dû passer inaperçue. Mais non, rien! Fiorelli est muet à
son endroit.
Ne viendrait-elle pas, par hasard, d’IIerculanum? U n’en est pas
davantage question dans Barré1 2.
Enfin, n’aurait-il pu arriver qu’aussitôt découverte, elle ait été
remise au roi de Naples et envoyée à Paris? Dans ce cas elle aurait
peut-être pu échapper au Journal.
La contre-épreuve est possible par les sources françaises.
Nous avons, en effet, le Grand Inventaire général des Palais du Roi,
de 1787, qui se trouve aux Archives Nationales |0‘3478). Par lui
nous pouvons reconstituer, d’après les inventaires par spécialités,
l’état du mobilier et des objets d’art qui garnissaient chaque palais,
Trianon comme les autres. Nulle part on n’en voit trace.
Mais encore, il aurait pu être apporté après 1787. Sous la date
de 1810, on a Y Inventaire général des Palais impériaux (Archives
Nationales, 02763).Dans aucun chapitre on ne trouve le camée. Et
cependant Trianon a un inventaire particulier, où sont relevés et
décrits sommairement cinquante-huit objets de musée, coupes, vases
de jaspe, d’onyx, de cristal de roche, de bronze, et camées qui gar-
nissaient les vitrines de la galerie.
Rien non plus dans l’inventaire de 1821 ; rien dans celui dressé
sous Charles X en 1827. Bref, disons, sans nous attarder à parler
d’autres infructueuses recherches, que le camée fait son apparition,
sous le n° 89 de l’inventaire de 1834. La première mention officielle
imprimée s’en lit dans Dussieux3 : « Au salon [de Trianon], un
grand camée représentant un sacrifice au dieu Pan. »
La tradition, toujours répétée, devient donc bien inquiétante,
1. (i. Fiorelli, Pompeianarum antiquitatum historia. Naples, 1860-64, 3 vol.
in-8°.
2. L. Barré, Herculanum et Pompéi. Paris, 1837-40, 8 vol. in-8°.
3. Le Château de Versailles. Versailles, Bernard, 1881, in-8°, L H, p. 369.