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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
San Paolo (Panne), que Carie avait certainement vus U Saint-Aubin,
en une note, explique le sujet : « Des Amours qui embellissent un
appartement où ils entrent les armes à la main. »
Jugé avec trop de sévérité par la génération de David, Carie
Vanloo est pour nous le peintre de la Halte de chasse'1, qui est une de
ses toiles les plus séduisantes, et de la Conversation espagnole, si
connue par la magnifique gravure de Beauvarlct. 11 est fort bien re-
présenté au Louvre comme interprète de la vie élégante, comme
peintre religieux, comme portraitiste. Depuis longtemps le fameux
verbe « vanloter » n’est plus synonyme de mal peindre.
Les Pastorales et Paysages, sous le même numéro (9), envois de
Boucher, étaient au nombre de six. Ici Saint-Aubin nous fait plus que
jamais apprécier sa virtuosité. A droite, voici une composition ovale :
un berger cueille des fleurs pour sa bergère assise amoureusement
contre lui; à gauche, en pendant, voilà deux nymphes endormies,
surprises par un satyre1 2 3. Au-dessous, en un ovale plus grand, l’épi-
sode de Jupiter et de Callisto, ainsi que l’indique Saint-Aubin lui-
même. Jupiter, sous la figure de Diane, trompe par cette métamor-
phose une nymphe trop crédule. « Tout ce que la volupté peut dire
aux yeux avec décence, déclare \Observateur littéraire, est exprimé
dans ce sujet, orné d’ailleurs de tous les accessoires familiers au
génie galant et fertile du peintre. »
Restent, au bas du feuillet, trois paysages, un grand surtout devant
lequel Diderot s’écrie : « Quelles couleurs ! quelle vérité ! quelle ri-
chesse d’objets et d’idées ! Cet homme a tout, excepté la vérité. » Præ-
cipuo Apellis in arte venustas fuit, dit le Mercure qui cite volontiers
du latin. Cet immense paysage,traité à la manière de Benedetto di Cas-
tiglione, comprenait une multitude de ligures,une infinité de fruits et
d’ustensiles. « Quel sujet a jamais rassemblé dans le même endroit,
en pleine campagne, sous les arches d’un pont, loin de toute habita-
tion, des femmes, des hommes, des enfants, des bœufs, des vaches,
des moutons, des chiens, des bottes de paille, de l’eau, du feu, une
1. Conduit tout jeune en Italie, Carie Vanloo eut des leçons de BenedeLto
Tutti et sut profiter de son séjour au delà des monts. Du reste, il était né peintre
comme on naît apôtre, et ne savait ni lire, ni écrire.
2. La Conversation galante, à Sans-Souci, est également une gracieuse scène
du xvme siècle. Ce tableau est reproduit dans le bel ouvrage de Lady Dilke :
Frenchpointers of the xvmth century, p. 36.
3. Sous le titre de Bacchantes endormies, il y a plusieurs estampes de B. Gaillard
et de Vidal, dont la composition ne concorde pas avec le croquis de Saint-Aubin;
mais elles représentent le même sujet.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
San Paolo (Panne), que Carie avait certainement vus U Saint-Aubin,
en une note, explique le sujet : « Des Amours qui embellissent un
appartement où ils entrent les armes à la main. »
Jugé avec trop de sévérité par la génération de David, Carie
Vanloo est pour nous le peintre de la Halte de chasse'1, qui est une de
ses toiles les plus séduisantes, et de la Conversation espagnole, si
connue par la magnifique gravure de Beauvarlct. 11 est fort bien re-
présenté au Louvre comme interprète de la vie élégante, comme
peintre religieux, comme portraitiste. Depuis longtemps le fameux
verbe « vanloter » n’est plus synonyme de mal peindre.
Les Pastorales et Paysages, sous le même numéro (9), envois de
Boucher, étaient au nombre de six. Ici Saint-Aubin nous fait plus que
jamais apprécier sa virtuosité. A droite, voici une composition ovale :
un berger cueille des fleurs pour sa bergère assise amoureusement
contre lui; à gauche, en pendant, voilà deux nymphes endormies,
surprises par un satyre1 2 3. Au-dessous, en un ovale plus grand, l’épi-
sode de Jupiter et de Callisto, ainsi que l’indique Saint-Aubin lui-
même. Jupiter, sous la figure de Diane, trompe par cette métamor-
phose une nymphe trop crédule. « Tout ce que la volupté peut dire
aux yeux avec décence, déclare \Observateur littéraire, est exprimé
dans ce sujet, orné d’ailleurs de tous les accessoires familiers au
génie galant et fertile du peintre. »
Restent, au bas du feuillet, trois paysages, un grand surtout devant
lequel Diderot s’écrie : « Quelles couleurs ! quelle vérité ! quelle ri-
chesse d’objets et d’idées ! Cet homme a tout, excepté la vérité. » Præ-
cipuo Apellis in arte venustas fuit, dit le Mercure qui cite volontiers
du latin. Cet immense paysage,traité à la manière de Benedetto di Cas-
tiglione, comprenait une multitude de ligures,une infinité de fruits et
d’ustensiles. « Quel sujet a jamais rassemblé dans le même endroit,
en pleine campagne, sous les arches d’un pont, loin de toute habita-
tion, des femmes, des hommes, des enfants, des bœufs, des vaches,
des moutons, des chiens, des bottes de paille, de l’eau, du feu, une
1. Conduit tout jeune en Italie, Carie Vanloo eut des leçons de BenedeLto
Tutti et sut profiter de son séjour au delà des monts. Du reste, il était né peintre
comme on naît apôtre, et ne savait ni lire, ni écrire.
2. La Conversation galante, à Sans-Souci, est également une gracieuse scène
du xvme siècle. Ce tableau est reproduit dans le bel ouvrage de Lady Dilke :
Frenchpointers of the xvmth century, p. 36.
3. Sous le titre de Bacchantes endormies, il y a plusieurs estampes de B. Gaillard
et de Vidal, dont la composition ne concorde pas avec le croquis de Saint-Aubin;
mais elles représentent le même sujet.