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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de constater d’assez frappantes analogies d’expression et de style.
A côté de ces Anges de pierre viendront prendre place trois
Anges tourangeaux, en bois, porteurs des instruments de la Passion.
L’un fut trouvé chez un marchand parisien; les deux autres furent
découverts par mon collaborateur et ami Paul Vitry, au cours d’un
voyage d’études pour la préparation de son beau livre sur Michel
Colombe. Je lui laisse le plaisir et l’honneur de les présenter aux
lecteurs de la Gazette.
Un autre fragment de notre sculpture provinciale, si diverse et si
féconde au début du xvie siècle, provient de la Champagne et avait été
recueilli par Julien Gréau, de la succession de qui le musée l’a
acquis. C’est une tète de Christ couronnée d’épines qui appartenait
originairement soit à un Calvaire, soit à un Portement de Croix, soit
à une Pitié. Les ateliers champenois ont eu souvent à traiter ce sujet
pathétique, et MM. Raymond Kœchlin et Marquet de Vasselot, à qui
nous devons une enquête si documentée et si bien conduite sur la
sculpture à Troyes, comparant le Christ du Louvre à ceux de Bayel,
de Mussy-sur-Seine, de Saint-Nizier de Troyes, de Saint-Pbal, l’ont
reconnu comme « le plus remarquable de la série1 ».
Quoiqu’il provienne d’une région champenoise, on hésiterait à
classer le beau bas-relief du Père Eternel entouré d'anges qui vient
d’être exposé — faute d’autre place — dans la salle André Beau-
neveu, comme une œuvre caractéristique des ateliers champenois.
Nous ne connaissions de ce monument qu’une photographie obli-
geamment communiquée par M. Boyslève, avec cette indication qu’il
était encastré dans le mur d’une maison des environs de Chaumont
(Ilaute-Marne). M. Paul Leprieur voulut bien aller sur place l’exa-
miner et il le rapporta au Louvre, qui l’accueillit avec empressement.
Une indication de M. Roserot, ancien archiviste de la Haute-Marne,
à qui l’histoire de l’art doit tant d’utiles contributions, m’a permis
d’en retrouver la provenance. L’abbé Godard (Histoire et tableaux
de l'église Saint-Jean-Baptiste de Chaumont. — Chaumont, Langrcs
et Paris, 1848, in-8°), après avoir raconté la démolition de la cha-
pelle fondée en 1460 et dont le « Sépulcre » n’avait été commencé
qu’après 1471, aux frais de Geoffroy de Saint-Rabin, ajoute : « On voit
dans une maison du faubourg Saint-Jean, dite maison du Père-
Eternel, un superbe haut-relief provenant de la démolition de ces
ouvrages. Dieu le Père est en pape, de l’àge mûr et barbu. Une tren-
1. La Sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au XVIe siècle, par
M. R. Kœchlin et Marquet de Vasselot. Paris. 1900, Armand Colin, p. 118.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de constater d’assez frappantes analogies d’expression et de style.
A côté de ces Anges de pierre viendront prendre place trois
Anges tourangeaux, en bois, porteurs des instruments de la Passion.
L’un fut trouvé chez un marchand parisien; les deux autres furent
découverts par mon collaborateur et ami Paul Vitry, au cours d’un
voyage d’études pour la préparation de son beau livre sur Michel
Colombe. Je lui laisse le plaisir et l’honneur de les présenter aux
lecteurs de la Gazette.
Un autre fragment de notre sculpture provinciale, si diverse et si
féconde au début du xvie siècle, provient de la Champagne et avait été
recueilli par Julien Gréau, de la succession de qui le musée l’a
acquis. C’est une tète de Christ couronnée d’épines qui appartenait
originairement soit à un Calvaire, soit à un Portement de Croix, soit
à une Pitié. Les ateliers champenois ont eu souvent à traiter ce sujet
pathétique, et MM. Raymond Kœchlin et Marquet de Vasselot, à qui
nous devons une enquête si documentée et si bien conduite sur la
sculpture à Troyes, comparant le Christ du Louvre à ceux de Bayel,
de Mussy-sur-Seine, de Saint-Nizier de Troyes, de Saint-Pbal, l’ont
reconnu comme « le plus remarquable de la série1 ».
Quoiqu’il provienne d’une région champenoise, on hésiterait à
classer le beau bas-relief du Père Eternel entouré d'anges qui vient
d’être exposé — faute d’autre place — dans la salle André Beau-
neveu, comme une œuvre caractéristique des ateliers champenois.
Nous ne connaissions de ce monument qu’une photographie obli-
geamment communiquée par M. Boyslève, avec cette indication qu’il
était encastré dans le mur d’une maison des environs de Chaumont
(Ilaute-Marne). M. Paul Leprieur voulut bien aller sur place l’exa-
miner et il le rapporta au Louvre, qui l’accueillit avec empressement.
Une indication de M. Roserot, ancien archiviste de la Haute-Marne,
à qui l’histoire de l’art doit tant d’utiles contributions, m’a permis
d’en retrouver la provenance. L’abbé Godard (Histoire et tableaux
de l'église Saint-Jean-Baptiste de Chaumont. — Chaumont, Langrcs
et Paris, 1848, in-8°), après avoir raconté la démolition de la cha-
pelle fondée en 1460 et dont le « Sépulcre » n’avait été commencé
qu’après 1471, aux frais de Geoffroy de Saint-Rabin, ajoute : « On voit
dans une maison du faubourg Saint-Jean, dite maison du Père-
Eternel, un superbe haut-relief provenant de la démolition de ces
ouvrages. Dieu le Père est en pape, de l’àge mûr et barbu. Une tren-
1. La Sculpture à Troyes et dans la Champagne méridionale au XVIe siècle, par
M. R. Kœchlin et Marquet de Vasselot. Paris. 1900, Armand Colin, p. 118.