BIBLIOGRAPHIE
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ment visible et discret, par leur mesure, autant que par leur justesse et la sensi-
bilité qu'ils témoignent. On a voulu relever, ici et là, quelques influences. A qui
n’en trouve-t-on pas? L’essentiel est que l’on reste soi, et Jeanniot, comme Legros,
comme Cliéret et Helleu, ces deux originaux, si différemment inspirés de
Watteau, est bien lui-même toujours.
Ces illustrations ne sont point seulement remarquables par leur caractère
artiste, elles le sont encore par leur adaptation au livre. L’illustrateur, employant
l’eau-forte, l’a fait à la façon de ses prédécesseurs du xviu0 siècle. Pas une seule
fois il n’a oublié qu’il n’exécutait pas une estampe, mais une illustration, qu’il
devait accorder le blanc et noir
de la page imprimée avec le
blanc et noir de sa gravure,
qu’il les devait équilibrer l’un
par l’autre et se bien garder
d’encombrer par des teintes la
totalité des blancs du papier1. »
Les lumières sont franches, les
tailles nettes; parfois, un grain
léger ou de rapides accents à
la pointe sèche viennent colo-
rer le morceau, mais dans l’en-
semble il n’y a que des traits
cursifs cernant des blancs, et,
sans que la nature du procédé
soit en rien dissimulée, c’est
la préoccupation de réunir l’as-
pect du bois avec la chaleur, la
vibration de l’eau-forte, qui
paraît avoir été celle de l’ar-
tiste.
Une telle œuvre ne plaira
pas — et je l’en loue — aux
amateurs de fignolage, qui n’ont de sympathie que pour le maniéré, pour les
fondants d’un Boisson et d’un Champollion!
« Le public, écrivait Duranty en 1876 R n’admet guère et ne comprend que la
correction, il veut le fini avant tout. L’artiste, charmé des délicatesses et des
éclats de la coloration, du caractère d’un geste, d’un groupement, s’inquiète
beaucoup moins de ce fini, de cette correction, les seules qualités cle ceux qui ne
sont point artistes 2. »
Adolphe n’aura pas à souffrir cette indignité. Il a déjà fait son chemin. Il
aura eu la faveur exceptionnelle d’être apprécié des bibliophiles avertis et des
artistes. Gela montre la distance parcourue depuis qu’écrivait Duranty; nous
allons peut-être assister à une rénovation du goût; il faut noter ce symptôme et
remercier M. Jeanniot, ainsi que quelques autres, de l’avoir provoqué.
CLÉMENT-JANIN
1. Bracquemond, Élude sur la gravure sur bois et la lithographie, 1897.
2. Duranty, La Peinture nouvelle, 1876, p. 33.
ÉTUDE PO UU UNE DES PLANCHES d’ « A D O L P II E i)
DESSIN PAU M. GEOHGES JEANNIOT
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ment visible et discret, par leur mesure, autant que par leur justesse et la sensi-
bilité qu'ils témoignent. On a voulu relever, ici et là, quelques influences. A qui
n’en trouve-t-on pas? L’essentiel est que l’on reste soi, et Jeanniot, comme Legros,
comme Cliéret et Helleu, ces deux originaux, si différemment inspirés de
Watteau, est bien lui-même toujours.
Ces illustrations ne sont point seulement remarquables par leur caractère
artiste, elles le sont encore par leur adaptation au livre. L’illustrateur, employant
l’eau-forte, l’a fait à la façon de ses prédécesseurs du xviu0 siècle. Pas une seule
fois il n’a oublié qu’il n’exécutait pas une estampe, mais une illustration, qu’il
devait accorder le blanc et noir
de la page imprimée avec le
blanc et noir de sa gravure,
qu’il les devait équilibrer l’un
par l’autre et se bien garder
d’encombrer par des teintes la
totalité des blancs du papier1. »
Les lumières sont franches, les
tailles nettes; parfois, un grain
léger ou de rapides accents à
la pointe sèche viennent colo-
rer le morceau, mais dans l’en-
semble il n’y a que des traits
cursifs cernant des blancs, et,
sans que la nature du procédé
soit en rien dissimulée, c’est
la préoccupation de réunir l’as-
pect du bois avec la chaleur, la
vibration de l’eau-forte, qui
paraît avoir été celle de l’ar-
tiste.
Une telle œuvre ne plaira
pas — et je l’en loue — aux
amateurs de fignolage, qui n’ont de sympathie que pour le maniéré, pour les
fondants d’un Boisson et d’un Champollion!
« Le public, écrivait Duranty en 1876 R n’admet guère et ne comprend que la
correction, il veut le fini avant tout. L’artiste, charmé des délicatesses et des
éclats de la coloration, du caractère d’un geste, d’un groupement, s’inquiète
beaucoup moins de ce fini, de cette correction, les seules qualités cle ceux qui ne
sont point artistes 2. »
Adolphe n’aura pas à souffrir cette indignité. Il a déjà fait son chemin. Il
aura eu la faveur exceptionnelle d’être apprécié des bibliophiles avertis et des
artistes. Gela montre la distance parcourue depuis qu’écrivait Duranty; nous
allons peut-être assister à une rénovation du goût; il faut noter ce symptôme et
remercier M. Jeanniot, ainsi que quelques autres, de l’avoir provoqué.
CLÉMENT-JANIN
1. Bracquemond, Élude sur la gravure sur bois et la lithographie, 1897.
2. Duranty, La Peinture nouvelle, 1876, p. 33.
ÉTUDE PO UU UNE DES PLANCHES d’ « A D O L P II E i)
DESSIN PAU M. GEOHGES JEANNIOT