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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
tant; aussi a-t-il recours à ses amis Dejoux et Foucou1. Grâce à
cette précieuse collaboration, les travaux avancent rapidement, et en
juin 1787 il ne reste plus que F un des bas-reliefs à terminer. A ce
moment les sculptures sont mises à leur place respective. Tout est
prêt, la Cour peut venir.
Marie-Antoinette, accompagnée de sa suite, se dirige vers les nou-
velles constructions du roi, situées au loin dans le parc. De chaque
côté de la grille d’entrée sont placés deux pavillons : la reine les
visite. Quel n’est pas son étonnement, en sortant, de voir, un peu
au loin, un petit temple ! — Une haute palissade, que l’on venait de
faire disparaître, avait d'abord caché à sa vue ce gracieux monu-
ment. — Elle avance, et lit sur le fronton : Laiterie de la Reine.
Les portes s’ouvrent; la reine frappée d’admiration contemple en
silence l’œuvre de Julien. Le groupe en marbre se détachant sur
l’ombre profonde du rocher est d’une blancheur et d’une transpa-
rence incomparables. N’est-elf® pas vivante,cette chèvre qui se penche
pour se désaltérer à l’eau limpide coulant du rocher? Et cette jeune
fille qui avance doucement le pied vers Fonde qui l’entoure et jette
un regard prudent autour d’elle, ne va-t-elle pas, à l'instant, glisser
de son siège rustique pour se plonger dans l’eau bienfaisante? Les
bas-reliefs s’harmonisent bien avec le ton de la pierre; le jour plon-
geant leur donne de la profondeur. Tout est calme : le silence n’est
interrompu que par la douce mélodie de l’eau tombant à travers les
rochers dans les bassins. C’est la nature mêlant sa voix aux jouis-
sances esthétiques que procure la contemplation de toutes ces
œuvres d’art. — La reine est charmée de l’agréable surprise de son
royal époux, et l’artiste est félicité par le roi et toute la Cour.
L’heure des compliments passée, Julien aborde la délicate ques-
tion du prix de ses travaux. Il a parlé au directeur général de
67 000 livres, mais M. d’Angiviller semble avoir arrêté son prix à
44 000 livres. Julien lui écrit de Paris, le 9 juin 1787 2, disant qu’il
se soumet à sa juste appréciation 3.
1. Dejoux se trouvait à Rambouillet en février-mars 1797 (Arcli. Nat., O1 1920,
lettre du 10 sept. 1788). — L’un des modèles des grands bas-reliefs se trouvait
dans son atelier à la mort de Julien. — Foucou, dans une lettre du 15 juillet 1787
(Arch. Nat., O1 1920), dit avoir travaillé à l’un des bas-reliefs de Julien.
2. Arch. Nat., O1 1919, année 1787, n° 133.
3. Quelle fut la décision du directeur général ? Julien fut-il complètement
payé? Le 5 mai 1789, il écrit au comte pour solliciter un secours sur ce qui
lui est dù pour Rambouillet. Le 13, il reçoit un acompte de 3 000 livres, et nous
sommes à la veille de la Révolution. (Arch. Nat., O1 1182. Lettre du Directeur
général à M. Julien, Versailles, 3 juin 1789.)
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tant; aussi a-t-il recours à ses amis Dejoux et Foucou1. Grâce à
cette précieuse collaboration, les travaux avancent rapidement, et en
juin 1787 il ne reste plus que F un des bas-reliefs à terminer. A ce
moment les sculptures sont mises à leur place respective. Tout est
prêt, la Cour peut venir.
Marie-Antoinette, accompagnée de sa suite, se dirige vers les nou-
velles constructions du roi, situées au loin dans le parc. De chaque
côté de la grille d’entrée sont placés deux pavillons : la reine les
visite. Quel n’est pas son étonnement, en sortant, de voir, un peu
au loin, un petit temple ! — Une haute palissade, que l’on venait de
faire disparaître, avait d'abord caché à sa vue ce gracieux monu-
ment. — Elle avance, et lit sur le fronton : Laiterie de la Reine.
Les portes s’ouvrent; la reine frappée d’admiration contemple en
silence l’œuvre de Julien. Le groupe en marbre se détachant sur
l’ombre profonde du rocher est d’une blancheur et d’une transpa-
rence incomparables. N’est-elf® pas vivante,cette chèvre qui se penche
pour se désaltérer à l’eau limpide coulant du rocher? Et cette jeune
fille qui avance doucement le pied vers Fonde qui l’entoure et jette
un regard prudent autour d’elle, ne va-t-elle pas, à l'instant, glisser
de son siège rustique pour se plonger dans l’eau bienfaisante? Les
bas-reliefs s’harmonisent bien avec le ton de la pierre; le jour plon-
geant leur donne de la profondeur. Tout est calme : le silence n’est
interrompu que par la douce mélodie de l’eau tombant à travers les
rochers dans les bassins. C’est la nature mêlant sa voix aux jouis-
sances esthétiques que procure la contemplation de toutes ces
œuvres d’art. — La reine est charmée de l’agréable surprise de son
royal époux, et l’artiste est félicité par le roi et toute la Cour.
L’heure des compliments passée, Julien aborde la délicate ques-
tion du prix de ses travaux. Il a parlé au directeur général de
67 000 livres, mais M. d’Angiviller semble avoir arrêté son prix à
44 000 livres. Julien lui écrit de Paris, le 9 juin 1787 2, disant qu’il
se soumet à sa juste appréciation 3.
1. Dejoux se trouvait à Rambouillet en février-mars 1797 (Arcli. Nat., O1 1920,
lettre du 10 sept. 1788). — L’un des modèles des grands bas-reliefs se trouvait
dans son atelier à la mort de Julien. — Foucou, dans une lettre du 15 juillet 1787
(Arch. Nat., O1 1920), dit avoir travaillé à l’un des bas-reliefs de Julien.
2. Arch. Nat., O1 1919, année 1787, n° 133.
3. Quelle fut la décision du directeur général ? Julien fut-il complètement
payé? Le 5 mai 1789, il écrit au comte pour solliciter un secours sur ce qui
lui est dù pour Rambouillet. Le 13, il reçoit un acompte de 3 000 livres, et nous
sommes à la veille de la Révolution. (Arch. Nat., O1 1182. Lettre du Directeur
général à M. Julien, Versailles, 3 juin 1789.)