DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:Bertaux, Émile: Victor Hugo, [1]: artiste
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UAZETT E DES BEAUX-ARTS
son où le jeune romantique s’était établi à trente ans les reliques con-
servées dans l’hôtel, entouré de jardins, d’où le cortège triomphal de
l’aïeul était parti pour l’Arc de triomphe et pour le Panthéon. Un autre
héritier de Victor Hugo, M. Louis Koch1, neveu de Mmo Drouet, céda
tout le legs qu’il tenait de celle qui fut la compagne élue du poète,
avant et après la mort de Mme Victor llugo; M. Paul Beuve offrit son
amusante collection de Victor Hugo en images populaires, en boîtes
d’allumettes et en têtes de pipes. Tout est prêt, et la maison de la place
Royale (aujourd’hui place des Vosges) a reçu ses premiers pèlerins.
A côté de la chambre mortuaire, reconstituée par des mains
filiales, toutes les chambres sont tapissées de curiosités parlantes :
éditions rares et contrefaçons introuvables, affiches de spectacle, cos-
tumes des acteurs, brochures de parodies, charges du maître et de ses
héros; — ces coulisses bariolées de l’histoire littéraire, cette figura-
tion des feuilletonnistes et des caricaturistes évoque autour des œu-
vres acquises à l’histoire le bruit des sifflets et des bravos qui depuis
longtemps ont fait silence. Parmi les daguerréotypes et les photo-
graphies, les tableautins et les gravures, apparaissent, au second
étage de la Maison, une foule d’œuvres de Victor Hugo qui ne sont
pas des livres. Aux murs et sous les vitrines, des suites de dessins
de tout format, sur tout papier, depuis le croquis minuscule jus-
qu’au lavis large et profond comme une toile patinée par le temps,
sont signés des initiales magistrales V. IL, ou de tout le nom épique :
Victor Hugo. Près des cadres se dressent des meubles de forme inso-
lite et de couleur bruyante, des panneaux de vieux chêne sculpté
et des planches de sapin laquées de grosse peinture, avec des
silhouettes exotiques et d’étranges guirlandes gravées d’une main
pesante et forte : le tout assemblé avec une fantaisie insolente
et signé parfois au couteau des mêmes initiales que les dessins.
Feuillets de papier noirci et pièces de bois travaillé ne sont pas de
simples objets d’écritoire et de mobilier bons pour amuser les
curieux. Tel dessin et tel meuble est une création d’artiste, digne
d’être citée à côté des tableaux qu’a peints avec sa plume d’écrivain
l’homme qui a donné au vers français une sonorité plastique.
La maison de la place Royale révélera au public le Victor Hugo
des dessins et des meubles, que peu de familiers ou de chercheurs
connaissaient autrement que par des légendes2. Ce Victor Hugo
J. M. I .ouis Koch a été nommé eonservatenr de la Maison de Victor Hugo.
2. Après les pages magnifiques de Théophile Gautier, écrites en 1838 et en
1863, et qui seront citées plus loin, le seul essai de quelque importance qui ait été
UAZETT E DES BEAUX-ARTS
son où le jeune romantique s’était établi à trente ans les reliques con-
servées dans l’hôtel, entouré de jardins, d’où le cortège triomphal de
l’aïeul était parti pour l’Arc de triomphe et pour le Panthéon. Un autre
héritier de Victor Hugo, M. Louis Koch1, neveu de Mmo Drouet, céda
tout le legs qu’il tenait de celle qui fut la compagne élue du poète,
avant et après la mort de Mme Victor llugo; M. Paul Beuve offrit son
amusante collection de Victor Hugo en images populaires, en boîtes
d’allumettes et en têtes de pipes. Tout est prêt, et la maison de la place
Royale (aujourd’hui place des Vosges) a reçu ses premiers pèlerins.
A côté de la chambre mortuaire, reconstituée par des mains
filiales, toutes les chambres sont tapissées de curiosités parlantes :
éditions rares et contrefaçons introuvables, affiches de spectacle, cos-
tumes des acteurs, brochures de parodies, charges du maître et de ses
héros; — ces coulisses bariolées de l’histoire littéraire, cette figura-
tion des feuilletonnistes et des caricaturistes évoque autour des œu-
vres acquises à l’histoire le bruit des sifflets et des bravos qui depuis
longtemps ont fait silence. Parmi les daguerréotypes et les photo-
graphies, les tableautins et les gravures, apparaissent, au second
étage de la Maison, une foule d’œuvres de Victor Hugo qui ne sont
pas des livres. Aux murs et sous les vitrines, des suites de dessins
de tout format, sur tout papier, depuis le croquis minuscule jus-
qu’au lavis large et profond comme une toile patinée par le temps,
sont signés des initiales magistrales V. IL, ou de tout le nom épique :
Victor Hugo. Près des cadres se dressent des meubles de forme inso-
lite et de couleur bruyante, des panneaux de vieux chêne sculpté
et des planches de sapin laquées de grosse peinture, avec des
silhouettes exotiques et d’étranges guirlandes gravées d’une main
pesante et forte : le tout assemblé avec une fantaisie insolente
et signé parfois au couteau des mêmes initiales que les dessins.
Feuillets de papier noirci et pièces de bois travaillé ne sont pas de
simples objets d’écritoire et de mobilier bons pour amuser les
curieux. Tel dessin et tel meuble est une création d’artiste, digne
d’être citée à côté des tableaux qu’a peints avec sa plume d’écrivain
l’homme qui a donné au vers français une sonorité plastique.
La maison de la place Royale révélera au public le Victor Hugo
des dessins et des meubles, que peu de familiers ou de chercheurs
connaissaient autrement que par des légendes2. Ce Victor Hugo
J. M. I .ouis Koch a été nommé eonservatenr de la Maison de Victor Hugo.
2. Après les pages magnifiques de Théophile Gautier, écrites en 1838 et en
1863, et qui seront citées plus loin, le seul essai de quelque importance qui ait été