VICTOR HUGO ARTISTE
489
Le jour où il écrivait cette adjuration solennelle, le poète sem-
blait faire le dénombrement de ses dessins.
Le dessinateur ramène ainsi à l’écrivain ; il attire surtout parce
qu’il peut aider à mieux connaître Victor Hugo tout entier. Un cata-
logue chronologique des dessins réunis dans la maison de la place
des Vosges sera un document plus précieux pour l’histoire de la poésie-
française que pour celle de l’art français. Peut-être le précis de ce
catalogue, tel qu'il vient d’être esquissé, aura-t-il inspiré des réflexions
que je laisse à d’autres le soin de poursuivre. Je veux seulement
montrer, par un simple rapprochement de dates, l’intérêt des résultats
qui pourront être obtenus.
Victor Hugo reste le poète de l’ombre ; mais il ne l’a pas toujours
été ; il l’est devenu dans une période de sa vie que l’on peut délimiter.
En 1829, il écrit la pièce qui a pour titre : Soleils couchants; en
1835, il publie les Chants du Crépuscule ; en 1840, Les Rayons et les
Ombres. Les titres s’assombrissent, mais les poèmes restent colorés
et clairs : la tristesse d’Olympio est consolée par une nature lumi-
neuse. Dix ans se passent. Le poète, regardant la mer du haut de
Marine-Terrace, écrit en 1853 cette strophe :
L’homme est brumeux; le monde est noir; le ciel est sombre;
Les formes de la nuit vont et viennent dans l’ombre,
Et nous, pâles, nous contemplons...
Rien, dans les vers à sa fille morte, écrits après 1843, dans ces
vers d’où jaillit, sous le crêpe, toute une floraison de printemps,
n’annonçait le débordement d’ondes noires qui va s’étendre toujours
plus épais sur la seconde partie de l’œuvre du poète. Mais c’est vers
1850 que Victor Hugo a composé les grands tableaux sombres dont
le plus étonnant est le Burg à la Croix. Au moment où il exécutait
ce lavis profond, il avait à peu près cessé d’écrire des vers. Entre les
poèmes lumineux et les poèmes sombres la transition est préparée,
non point par des poèmes en pénombre, mais par des dessins faits
de nuit et d’éclairs.
E. B E R T A U X
XXIX. — 3e PÉRIODE.
62
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Le jour où il écrivait cette adjuration solennelle, le poète sem-
blait faire le dénombrement de ses dessins.
Le dessinateur ramène ainsi à l’écrivain ; il attire surtout parce
qu’il peut aider à mieux connaître Victor Hugo tout entier. Un cata-
logue chronologique des dessins réunis dans la maison de la place
des Vosges sera un document plus précieux pour l’histoire de la poésie-
française que pour celle de l’art français. Peut-être le précis de ce
catalogue, tel qu'il vient d’être esquissé, aura-t-il inspiré des réflexions
que je laisse à d’autres le soin de poursuivre. Je veux seulement
montrer, par un simple rapprochement de dates, l’intérêt des résultats
qui pourront être obtenus.
Victor Hugo reste le poète de l’ombre ; mais il ne l’a pas toujours
été ; il l’est devenu dans une période de sa vie que l’on peut délimiter.
En 1829, il écrit la pièce qui a pour titre : Soleils couchants; en
1835, il publie les Chants du Crépuscule ; en 1840, Les Rayons et les
Ombres. Les titres s’assombrissent, mais les poèmes restent colorés
et clairs : la tristesse d’Olympio est consolée par une nature lumi-
neuse. Dix ans se passent. Le poète, regardant la mer du haut de
Marine-Terrace, écrit en 1853 cette strophe :
L’homme est brumeux; le monde est noir; le ciel est sombre;
Les formes de la nuit vont et viennent dans l’ombre,
Et nous, pâles, nous contemplons...
Rien, dans les vers à sa fille morte, écrits après 1843, dans ces
vers d’où jaillit, sous le crêpe, toute une floraison de printemps,
n’annonçait le débordement d’ondes noires qui va s’étendre toujours
plus épais sur la seconde partie de l’œuvre du poète. Mais c’est vers
1850 que Victor Hugo a composé les grands tableaux sombres dont
le plus étonnant est le Burg à la Croix. Au moment où il exécutait
ce lavis profond, il avait à peu près cessé d’écrire des vers. Entre les
poèmes lumineux et les poèmes sombres la transition est préparée,
non point par des poèmes en pénombre, mais par des dessins faits
de nuit et d’éclairs.
E. B E R T A U X
XXIX. — 3e PÉRIODE.
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