LA SCULPTURE AU MUSÉE JACQUEMART-ANDRÉ 59
lant et un peu soucieux, et toutes les indications du modelé, serré,
attentif et précis, contribuent à l’intimité d’une ressemblance indi-
viduelle que l’on sent véridique et qui inspire confiance.
Le maître de ce débutant qui devait faire une si belle carrière,
Jean-Baptiste Lemoyne, était alors dans tout l’éclat d’un talent uni-
versellement prisé. Son premier portrait de LouisXV— dont il devait
rester le sculpteur préféré et à la gloire de qui il devait consacrer tant
de monuments — celui qu’avait commandé la ville de Bordeaux,
était déjà en place. Professeur à l’Académie, il compta parmi ses
élèves Pigalle, Falconet et Pajou, qui sont tous représentés ici par
des œuvres importantes. Lui-même y occupe une place d’honneur.
Trois bustes de femmes inconnues et deux bustes d’hommes portent
sa signature ou peuvent lui être attribués. Le portrait de femme en
marbre, où se lit avec le nom de l’auteur la date de 1779 et qui est
par conséquent l’œuvre de son extrême vieillesse, est encore d’une
grâce séduisante et bien persuasive. Mrae André l’aimait d’une affec-
tion très particulière et tenait beaucoup à y reconnaître Mme de
Polignac elle-même, l’amie de Marie-Antoinette (dont un petit
buste, presque contemporain de son mariage, étonnant de vérité,
sincèrement, presque durement observé, se voit un peu plus loin).
Il n’a pas paru que la ressemblance fût assez suffisamment établie
pour maintenir au catalogue ce nom historique et évocateur, encore
que, dans le caractère de la figure ronde, gracieuse et poupine,
« quelque chose » rappelle le portrait de Mme Vigée-Le Brun. L’arran-
gement de la haute coiffure surmontée de trois roses piquées dans
l’épaisseur des cheveux est charmant. Les deux autres bustes fémi-
nins représentent l’un une dame gracieusement coiffée d’un voile
négligemment jeté, petite cousine de la Veuve de Greuze : simple
attribution ; l’autre une « actrice », en tout cas une jeune femme
au minois chiffonné et qui pourrait jouer les soubrettes de Mari-
vaux, tout à fait selon l’esprit d’un temps où le Mercure de France
et les poètes qui travaillaient pour les graveurs multipliaient les
quatrains dans le style de celui-ci, imprimé sur le piédouche du
buste :
En lui formant un cœur sensible et tendre,
Le ciel y réunit l’esprit et la beauté.
Qui veut garder sa liberté
Ne doit ni la voir ni l’entendre.
Des bustes d’hommes, le plus intéressant est celui, en marbre, du
lant et un peu soucieux, et toutes les indications du modelé, serré,
attentif et précis, contribuent à l’intimité d’une ressemblance indi-
viduelle que l’on sent véridique et qui inspire confiance.
Le maître de ce débutant qui devait faire une si belle carrière,
Jean-Baptiste Lemoyne, était alors dans tout l’éclat d’un talent uni-
versellement prisé. Son premier portrait de LouisXV— dont il devait
rester le sculpteur préféré et à la gloire de qui il devait consacrer tant
de monuments — celui qu’avait commandé la ville de Bordeaux,
était déjà en place. Professeur à l’Académie, il compta parmi ses
élèves Pigalle, Falconet et Pajou, qui sont tous représentés ici par
des œuvres importantes. Lui-même y occupe une place d’honneur.
Trois bustes de femmes inconnues et deux bustes d’hommes portent
sa signature ou peuvent lui être attribués. Le portrait de femme en
marbre, où se lit avec le nom de l’auteur la date de 1779 et qui est
par conséquent l’œuvre de son extrême vieillesse, est encore d’une
grâce séduisante et bien persuasive. Mrae André l’aimait d’une affec-
tion très particulière et tenait beaucoup à y reconnaître Mme de
Polignac elle-même, l’amie de Marie-Antoinette (dont un petit
buste, presque contemporain de son mariage, étonnant de vérité,
sincèrement, presque durement observé, se voit un peu plus loin).
Il n’a pas paru que la ressemblance fût assez suffisamment établie
pour maintenir au catalogue ce nom historique et évocateur, encore
que, dans le caractère de la figure ronde, gracieuse et poupine,
« quelque chose » rappelle le portrait de Mme Vigée-Le Brun. L’arran-
gement de la haute coiffure surmontée de trois roses piquées dans
l’épaisseur des cheveux est charmant. Les deux autres bustes fémi-
nins représentent l’un une dame gracieusement coiffée d’un voile
négligemment jeté, petite cousine de la Veuve de Greuze : simple
attribution ; l’autre une « actrice », en tout cas une jeune femme
au minois chiffonné et qui pourrait jouer les soubrettes de Mari-
vaux, tout à fait selon l’esprit d’un temps où le Mercure de France
et les poètes qui travaillaient pour les graveurs multipliaient les
quatrains dans le style de celui-ci, imprimé sur le piédouche du
buste :
En lui formant un cœur sensible et tendre,
Le ciel y réunit l’esprit et la beauté.
Qui veut garder sa liberté
Ne doit ni la voir ni l’entendre.
Des bustes d’hommes, le plus intéressant est celui, en marbre, du