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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 11.1914

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Nr. 2
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Lafenestre, Georges: La peinture au Musée Jacquemart-André, 3, Les peintres français
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https://doi.org/10.11588/diglit.24888#0128

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

après avoir donné au peintre vingt-cinq louis d’or. « C’était, dit
M i Ile, le marché que j’avais fait, car c’étail moi qui avais engagé
M. Bacheracli de se faire peindre par cet habile artiste. » Le 19,
invité par Greuze à prendre le chocolat avecMme Greuze, il s’y rend de
grand matin. « Gela fail, M. Greuze me pria de m’asseoir auprès de
son chevalet; là, à ma grande surprise, il commença mon portrait;
l’ébauche en fut faite d’une manière admirable et digne d’un
Rubens ou d’un Van Dyck. Je dînai chez lui, après quoi il travailla
encore autant que le jour le permit. Je suis fort flatté de la façon
d’agir de cet ancien ami. »

Le 21, seconde pose pour le portrait, « qui sera admirablement
bien fait, car M. Greuze en est content lui-même ». Le 29, troisième
pose, <( mais ce ne fut que pour l’habit, car M. Greuze ne se portait
pas assez bien pour toucher à la tête ». Le 1er décembre, quatrième
pose, encore pour l’habit, « qu’il peignit d’après moi », L’habit, en
effet, était chose importante, non seulement pour l’artiste, mais pour
son modèle, volontiers élégant, et même un peu faraud à ses heures,
car, dans sa jeunesse, crevant de misère, le premier emploi qu’il
avait fait d’une petite somme reçue d’Allemagne avait été de
s’acheter un beau gilet à fleurs, moins beau sans doute que celui de
son portrait, mais du même genre. Aussi, le 6 décembre, à la der-
nière séance, c’est encore « l’habit », le bel habit que M. Greuze,
ajoute-t-il glorieusement, « retoucha encore d’après moi ». Enfin,
le 10, M ille, avec son domestique Joseph, peut aller chercher le por-
trait « que son ami M. Greuze lui a fait d’une manière aussi parfaite
que généreuse ». On le rapporte en triomphe au cher logis du quai
des Grands-Augustins. « Comme ma femme et toute ma maison
ignoraient qu’il m’avait peint, je le fis paraître tout à coup, cela fit-
le plus grand effet du monde... Mon fils Frédéric s’écria en sautant :
« Ah ! c’est mon papa, c’est mon papa! » Et mon fils aîné, revenant
le soir du couvent des Chartreux où il dessine d’après les tableaux de
Lesuëur, ne le quitta pas pendant une heure. Effectivement, mon
portrait est bien la meilleure chose que le grand peintre a peut-être
faite jusqu’à présent. » Le soir du même jour, Wille retourne chez
Greuze pour offrir à Madame une écuelle d’argent avec son couvercle
« comme une petite reconnaissance de la peine qu’elle avait eue en
aidant à mettre la toile sur un autre châssis ». Madame accepte
(( après quelques difficultés d’usages ». Greuze était absent, mais dès
le lendemain matin il accourt chez M ille pour le gronder de sa géné-
rosité et lui dire, en l’embrassant, « qu’il se vengerait », n’ayant
 
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