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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
plus loin qu’en tout cas ce maitre exerça une profonde influence
sur ses œuvres de jeunesse. Benedetto Bonfigli a, du reste, égale-
ment agi sur lui. Des influences décisives semblent lui être venues
de Florence et, plus tard, aussi de Padoue.
L’une de ses premières œuvres, peut-être même la première
parmi celles qui nous sont parvenues, est le triptyque n° 21, qui
représente sur le panneau central la Vierge trônant dans une niche
avec l’Enfant Jésus sur ses genoux, entre deux anges agenouillés;
au pied du trône sont deux pénitents également agenouillés. Chacun
des volets porte les figures de deux saints debout et de propor-
tions trapues sur un fond d’or guilloché; ce sont, à droite, saint
Pierre et saint François; à gauche, saint André et saint Mustiole.
La prédelle est divisée en cinq compartiments. Sous le panneau prin-
cipal, on voit le Christ au tombeau entre Marie et saint Jean ; à droite
et à gauche, sous les volets, deux couples de saints : saint Jean-
Baptiste et saint Bernard, saint Jérôme et saint Sébastien (?)h Aux
revers, deux figures de pénitents. Ce tableau d’autel ne laisse pas
encore pressentir à quelle liberté, quelle légèreté et quelle grâce, à
quelle grandeur et quelle force, à quelle profondeur de sentiment
l’artiste atteindra dans son développement. Le coloris, très bariolé,
est dur et sans nuances; les vêtements tombent en plis raides, dis-
gracieux et cassés qui ne laissent pas deviner le corps. La composi-
tion, dans le panneau central, est trop tassée et surchargée, les figures
manquent d’air et sont serrées les unes contre les autres; les visages
sont encore peu expressifs. Non seulement les deux pénitents age-
nouillés, du tableau central (celui de droite est le mieux dessiné et
le mieux drapé du panneau), mais encore plusieurs personnages du
retable (par exemple saint Jérôme et saint Bernard), ainsi que les
deux donateurs aux extrémités de gauche et de droite, rappellent
Alunno. Les deux anges adorants décèlent l’influence de Benozzo
Gozzoli.
Cette peinture nous montre le style maladroit d’un artiste jeune
et peu personnel. Le dallage de marbre multicolore doit avoir été
emprunté à son contemporain plus âgé Benedetto Bonfigli. Toutefois
c’est l’influence florentine qui est prépondérante : elle se devine non
seulement dans le type de l’Enfant Jésus, mais aussi dans la façon
sévère et incisive de traiter le nu, et dans la rigidité des plis des
vêtements.
1. Il semble douteux que le fier et bel adolescent qui brandit une épée de
la main droite soit vraiment saint Sébastien, ainsi que l’indique le catalogue.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
plus loin qu’en tout cas ce maitre exerça une profonde influence
sur ses œuvres de jeunesse. Benedetto Bonfigli a, du reste, égale-
ment agi sur lui. Des influences décisives semblent lui être venues
de Florence et, plus tard, aussi de Padoue.
L’une de ses premières œuvres, peut-être même la première
parmi celles qui nous sont parvenues, est le triptyque n° 21, qui
représente sur le panneau central la Vierge trônant dans une niche
avec l’Enfant Jésus sur ses genoux, entre deux anges agenouillés;
au pied du trône sont deux pénitents également agenouillés. Chacun
des volets porte les figures de deux saints debout et de propor-
tions trapues sur un fond d’or guilloché; ce sont, à droite, saint
Pierre et saint François; à gauche, saint André et saint Mustiole.
La prédelle est divisée en cinq compartiments. Sous le panneau prin-
cipal, on voit le Christ au tombeau entre Marie et saint Jean ; à droite
et à gauche, sous les volets, deux couples de saints : saint Jean-
Baptiste et saint Bernard, saint Jérôme et saint Sébastien (?)h Aux
revers, deux figures de pénitents. Ce tableau d’autel ne laisse pas
encore pressentir à quelle liberté, quelle légèreté et quelle grâce, à
quelle grandeur et quelle force, à quelle profondeur de sentiment
l’artiste atteindra dans son développement. Le coloris, très bariolé,
est dur et sans nuances; les vêtements tombent en plis raides, dis-
gracieux et cassés qui ne laissent pas deviner le corps. La composi-
tion, dans le panneau central, est trop tassée et surchargée, les figures
manquent d’air et sont serrées les unes contre les autres; les visages
sont encore peu expressifs. Non seulement les deux pénitents age-
nouillés, du tableau central (celui de droite est le mieux dessiné et
le mieux drapé du panneau), mais encore plusieurs personnages du
retable (par exemple saint Jérôme et saint Bernard), ainsi que les
deux donateurs aux extrémités de gauche et de droite, rappellent
Alunno. Les deux anges adorants décèlent l’influence de Benozzo
Gozzoli.
Cette peinture nous montre le style maladroit d’un artiste jeune
et peu personnel. Le dallage de marbre multicolore doit avoir été
emprunté à son contemporain plus âgé Benedetto Bonfigli. Toutefois
c’est l’influence florentine qui est prépondérante : elle se devine non
seulement dans le type de l’Enfant Jésus, mais aussi dans la façon
sévère et incisive de traiter le nu, et dans la rigidité des plis des
vêtements.
1. Il semble douteux que le fier et bel adolescent qui brandit une épée de
la main droite soit vraiment saint Sébastien, ainsi que l’indique le catalogue.