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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 11.1914

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Nr. 3
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Monod-Herzen, Édouard: La gravure au marteau
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https://doi.org/10.11588/diglit.24888#0239

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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vement de roulis. La planche est mattée tout entière, uniformément,
si bien qu’au tirage elle donnerait un noir continu. On la travaille
au grattoir et au brunissoir, qui en font sortir les lumières, tout
comme, sur le bois, l’outil coupant, mais sans sa vigueur. En
effet, la gravure au berceau, ou « manière noire », permet de
rendre les modelés les plus souples, les reflets les plus doux, mais
le corollaire de ces qualités est la mollesse et le manque d’accent,
défauts communs à tous les procédés faciles. Et l’uniformité de son
grain, qui reste perceptible partout où il n’y a pas un noir complet
ou un blanc pur, achève de la rendre impersonnelle1.

❖ ❖

Pourtant, le principe même, le travail direct du métal par l’outil,
était excellent, et il est tout à fait singulier qu’en présence des
inconvénients qui précèdent, personne n’ait songé au oiselet.

La raison en est, sans doute, que la ciselure est un métier dont
l’apprentissage est assez long, dont la pratique demande un œil fin,
une main délicate, et exige un soin, peu compatible, peut-être, avec
la bâte fiévreuse qui dévore notre époque. Les artistes de jadis la
tenaient en grand honneur. Ceux d’aujourd’hui l’ignorent. Ils l’ont
abandonnée à des ouvriers, pleins de bon vouloir, mais mal instruits,
qui la traitent en dépit du bon sens, lui font mettre au jour des
enfants mal venus, et ainsi aggravent encore le discrédit où elle git
actuellement.

Et c’est vraiment grand dommage. Il n’est point de langue plus
noble, plus vigoureuse et plus douce à la fois, plus nuancée et plus
forte tout ensemble. La ciselure a cette qualité supérieure d’être la
technique spécifique du métal, c’est-à-dire particulière à lui et à lui
seul2. Fondée sur la propriété essentielle du métal, la malléabilité,
elle résulte d’une adaptation parfaite à la matière, ce qui lui assure
des accents inimitables. Et, comme tout bon ciseleur fait ses outils
lui-même, il n’est point de moyen d’expression qui possède autant
d’individualité.

Les ciselets sont des marteaux déguisés. Il ne serait pas pratique
d’avoir un jeu considérable de marteaux. Mieux vaut n’en avoir

1. La manière noire, elle aussi, a un ultime succédané en photographie,
qui est la gravure en fac-similé, ou simili-gravure, au quadrillé bien connu, à
l’aspect flou et « inexistant », comme disent les artistes.

2. Appliquer le mot ciselé à une matière autre que le métal est un abus de
langage que rien ne légitime.
 
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