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PEINTURE, SCULPTURE, GRAVURE, ARCHITECTURE, MUSIQUE, ARCHÉOLOGIE, BIBLIOGRAPHIE, BELLES-LETTRES, ETC.

PUBLIÉ SOUS LA. DIRECTION DE M. A. SIRET, MEMBRE CORRESPONDANT DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.

Paraissant deux fois par mois.

N° 19.

15 Octobre 1865.

Septième Année.

On s’abonne : à Anvers, chez De Coninck, éditeur;
à Bruxelles, chez Decq et Muquardt; à Gand, chez
IIoste ; à Liège, chez De Soer et Decq ; dans les autres vil-
les, chez tous les libraires. Pour l’Allemagne : R.Weigel,
Leipzig. Heberle, Cologne. Pour la France : Ve Renouard,
Paris. Pour la Hollande : Martinus Nyhoff, à La Haye.
Pour l’Angleterre et l’Irlande : chez Barthës et Lowell ,

14 Great Marlborough Street, à Londres. — Prix d’a-
bonnement : pour toute la Belgique, (port compris). —
Par an, 8 fr. — Étranger (port compris). —Allemagne ,
10 fr. — France, 11 fr. — Hollande, 5 fl. — Angleterre
et Irlande, 8 s. 6 d. — Prix par numéro 40 c. — Récla-
mes : 50 c. la ligne. Pour les grandes annonces on traite
à forfait. — Annonces 50 c. la ligne. — Pour tout ce qui

regarde l’administration ou les annonces, s’adresser à
J. Edom, imprimeur à St. Nicolas, rue Notre Dame,
N° 555, (Flandre-Orientale. Belgique) (affranchir). Les
lettres et paquets devront porter pour suscription, après
l’adresse principale : « Pour la direction du Journal des
Beaux-Arts. » — Il pourra être rendu compte des
ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.

Pour tout ce qui concerne la rédaction de la partie française, s’adresser à M. J. J. Guifîrey, rue d’Hauteville, N° 1, à Paris.

SOMMAIRE : Belgique Les Maîtres Flamands àl’étran-
ger (suite). — Correspondances particulières; Bruxelles.
!— Anvers. — Iconographie. — France. La légende du
chien de Monlargis diaprés les estampes. — Vente Olivier.
.— Chronique générale. — Annonces.

BELGIQUE.

Les Maîtres Flamands

a l’étranger.

(Suite. Voir n° 14).

A défaut de la vérité de l’accessoire, Véro-
nèse a souvent la vérité, bien autrement im-
portante, des types. En voulez-vous un ad-
mirable exemple ! Regardez la Madeleine la-
vant les pieds du Christ. Comme il a profondé-
ment étudié ces deux figures! Sa Madeleine
n’eslpas la première courtisane venue. Celle
qui versait sur les pieds du Christ des parfums
précieux — estimés 500 deniers par Judas
— se présente comme une sorte d’imperia
hébraïque; elle se coitfe de perles, elle s’ha-
bille de diamants, elle traîne après elle, dans
la poussière , .des flots de brocard. Son
visage, régulier et plein, rayonne de grâce,
de jeunesse, de santé, de prospérité. N’y
cherchez point les affaissements sinistres, le
regard morne, le sourire désespéré des pros-
tituées vulgaires. Celle-ci est cejle qui a beau-
coup aimé, la femme facile bien plus que la
femme vénale. Ce qui la jette aux pieds du
Christ, ce n’est pas le malheur d’une vie
souillée et perdue, c’est le pur attrait du vrai
et de 1 honnête. Marthe, la sœur vertueuse
et pédante de la pécheresse, a l’air de la mo-
rigéner; le Christ se retourne vers elle comme

pour lui imposer silence. Cette figure-ci
vautl’autre. Le profil oriental de Jésus respire
une clémence, une fierté souveraines, une
majesté à la fois douce et impérieuse qui ne
s’analyse pas. On y retrouve à la fois le Jésus
attendri qui appelait à lui les petits enfants,
et le Jésus fulgurant qui chassait les marchands
du temple; on y reconnaît le pasteur des
hommes, le descendant des rois, le fils de
Dieu. Tout l’Evangile se peint dans cette tête
inspirée. Après ces deux magnifiques évoca-
tions du Christ et de la Madeleine, que m’im-
porte le plus ou moins de ressemblance des
autres personnages, des comparses du drame?
Je ne puis demander qu’une chose à ces
figures innommées, c’est d’être jolies, et
elles sont radieuses. Il y a là quelque part,
entre deux colonnes, un homme portant sur
sa tête une corbeille, qui est beau comme
un Olympien; ailleurs se dresse, une coupe
à la main, un jeune nègre d’une élégance
antique et dont le costume, rayé de noir, de
bleu, d’orange et de rouge, présente l’har-
monie la plus délicieuse et la plus hardie
qu’un peintre puisse rêver. N’oublions pas
un groupe de mendiants accroupis dans
l’ombre, entre deux colonnes, et qui sont
des chefs-d’œuvre de réalisme. Leur vérité
pourtant ne tombe pas dans l’ignoble , car
Yéronèse, même dans ses laideurs, garde le
style le plus élevé; personne n’a mêlé plus
de beauté à plus de vie, et, de tous les grands
dessinateurs de la Renaissance, celui-ci est
peut-être celui qui a le plus fidèlement suivi
les traditions de Phidias.

Au point de vue général de l’aspect, la Ma-
deleine l’emporte de beaucoup sur la Reine de
Saba etle Moïse sauvé. Je ne sais si c’est parce-

que ces deux toiles sont juchées trop haut et
mal éclairées ; mais elles semblent fatiguées, le
ton a un peu poussé au noir (î). La Madeleine,
d’un bout à l’autre, est d’une fraîcheur ini-
maginable. Il n’y a peut-être pas au monde ,
un Véronèse mieux conservé. Pas une cra-
quelure, pas une tache! On ne saurait voir
des colorations plus mordantes, des ombres
plus souples, une peinture plus montée dans
des tons plus rompus, un modelé plus serré
et plus délicat dans une exécution plus em-
portée. Voir plutôt, à droite, les belles
mains du Saint Pierre, mains où apparais-
sent toutes les veines et toutes les rides de
la vieillesse et qui sont faites de quelques
touches.

Vous connaissez l’anecdote racontée, au
sujet de ce tableau, par le sceptique prési-
dent Des Brosses. — « C’est, dit-il, un des
plus célèbres morceaux du maître. Il était à
Venise, chez des moines bénédictins, de
qui Spinola l’acheta furtivement 40,000 livres,
sans compter tout ce qu’il fut obligé de don-
ner de belle main à chaque moine pour ga-
gner leurs suffrages. La république, qui avait
fait de grandes défenses de laisser sortir ce
tableau de Venise, mit à prix la tête de
Spinola, s’il était pris surles terres de Venise
et chassa de l’Etat tous les religieux de ce
couvent.»—L’historiette est-elle authentique?
S’applique-t-elle réellement, spécialement,
à la Madeleine? Rien n’est moins prouvé.
Mais le fait est qu’en face de la Madeleine,
tout cela ne semble ni très improbable, ni
même bien féroce.

(i) Ce sont les premières que Véronèse ait peintes
dans sa grande manière, et il lésa, dit-on, peintes sur
fond noir. J- R.
 
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