PEINTURE, SCULPTURE, GRAVURE, ARCHITECTURE, MUSIQUE, ARCHÉOLOGIE, BIBLIOGRAPHIE, BELLES-LETTRES, ETC,
PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE M. A. SIRET, MEMBRE DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
Paraissant deux fois par mois.
N° 21.
15 Novembre 1866.
Huitième Anisée.
On s’abonne : à Anvers, chez De Coninck, éditeur;
à Bruxelles, chez Decq et Muqijardt; à Gand, chez
IIoste ; à Liège, chez De Soer et Decq ; dans les autres vil-
les, chez tous les libraires. Pour l’Allemagne : R. Weigel,
Leipzig. Heberle, Cologne. Pour la France : Ve Renouard,
Paris. Pour la Hollande : Martinus Nyhoff, à La Haye.
Pour l’Angleterre et l’Irlande : chez Barthès et Lowell ,
14 Great Marlborough Street, à Londres. — Prix d’a-
bonnement : pour toute la Belgique, (port compris). —
Par an, 8 fr.— Étranger (port compris). —Allemagne,
10 fr. — France, 11 fr. — Hollande, 5 fl. •— Angleterre
et Irlande, 8 s. 6 d. — Prix par numéro 40 c. — Récla-
mes : 50 c. la ligne. Pour les grandes annonces on traite
à forfait. — Annonces 50 c. la ligne. — Pour tout ce qui
regarde l’administration ou les annonces, s’adresser à
J. Edom, imprimeur à St. Nicolas, rue Notre Dame,
N° 555, (Flandre-Orientale. Belgique) (affranchir). Les
lettres et paquets devront porter pour suscription, après
l’adresse principale : « Pour la direction du Journal des
Beaux-Arts. » — Il pourra être rendu compte des
ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.
Pour tout ce qui concerne la rédaction de la partie française, s’adresser à M. J. J. Guiffrey, rue d’Hauteville, N° 1, à Paris.
Avis.
Nous distribuons avec le présent n° un magnifique
dessin de Van Dyck, photolithographié par MM. Si-
monau et Toovey. Nous l’avons fait tirer expressé-
ment sur chine pour nos abonnés. Ceux qui voudront
le conserver et le faire valoir, n’auront qu’à le coller
sur papier fort ou carton.
Cette photolithographié est faite pour nos seuls
abonnés.
SOMMAIRE : Belgique. Le Musée des Offices. [Suite.)
— Corr. parti Bruxelles. —Jean, Jérôme et Antoine
Wierix, par L. Alvin. — De l’impropriété de certains
mots employés par Catel, dans son traité théorique de
l’harmonie moderne. — Bibliographie. 70. Catalogue
raisonné de l’œuvre des trois frères Wierix. — France.
Corr. part : Paris. — Chronique générale. — Annonces.
BEBG-IQTTE.
Le Musée des Offices
A FLORENCE.
(Suite.) •
La figure que les Offices nous donnent pour
le portrait de Masaccio, est celle qu’on a re-
connue plus tard représenter Filippino Lippi.
Il est curieux qu’on ait attendu les érudits
pour faire cette découverte. Tête de beau
garçon de vingt ans, hardiment dessinée,
savamment modelée, et qui pourrait être de
la main de Masaccio, n’était l’expression qui
est nulle. La bouche s’entr’ouvre, un peu
étonnée; nulle profondeur, nulle intimité dans
le regard. Comment cette tête vide eut-elle
été l’œuvre de Masaccio, ce peintre d’âmes?
Il était bien moins permis encore de l’y re-
connaître lui-même, lui, le rêveur et le so-
litaire, l’ascète passionné et doux de la pein-
ture.
Léonardde Vinci — précieux portrait qu’on
a mis sous verre, — est le Léonard de toutes
les gravures, avec sa calotte plate, son visage
olympien et sa barbe de fleuve Scamandre.
Michel-Ange est le vieux tailleur de pierre
dont parle un sonnet de Barbier. Quelle ru-
desse d’expression dans son front chargé de
rides, dans son nez écrasé, dans ses joues
sillonnées et tannées, dans sa barbe inculte
et ébouriffée, dans chaque trait de son vi-
sage osseux, qui semble plutôt sculpté que
peint! — Comme c’est bien la griffe du lion!
Sèche, mais élégante; forte et puissamment
charpentée, mais d’un galbe superbe. Il ne
faut pas être grand chiromancien pour se
douter des chefs-d’œuvre qu’elle fait et des
mondes qu’elle soulève.
Je reconnaîtrais moins aisément le Prima-
tice et le Parmesan. Avec sa tête héroïque et
son béret de travers, le Primatice vous fait
l’effet d’un beau capitaine d’aventure. Le Par-
mesan est fier et majestueux comme un prince.
Ce sont bien des peintres pourtant, le Prima-
tice avec ses brillantes audaces, le Parmesan
avec ses rêves de grandeur et ses ambitions
inassouvies.
Voici un portrait sinistre. Les légendes
artistiques veulent que Giorgion soit mort,
non de la peste, comme dit l’histoire, mais
delà noire trahison de son ami, Morto da
Feltre, qui lui enleva sa maîtresse. On est
tenté de donner raison à la légende contre
l’histoire, quand on voit ce Morto da Feltre,
peint par lui même. Pauvre Giorgion! Com-
ment as-tu pu croire un moment à cette face
de fouine humaine, pateline, rusée et cruelle?
Il est chétif et vulgaire comme l’envie, câlin
comme la duplicité. L’homme achève de se
peindre dans un détail de la toile. Morto l’a
signée d’un calembour, par une tête de mort
qu’il nous montre prétentieusement du doigt.
Fine et douce facétie de peintre coupe-jarrêts.
Une bonne et honnête figure, entre tous
les maîtres des Offices, est celle de Paul Vé-
ronèse. Point de pose, point d’effet de front,
point de main sur la hanche, point de sourire
au parterre: Véronèse ne nous regarde seule-
ment pas. Il tourne la tête de côté, il a l’air
de parler à la cantonnade. Pas même cette
palette et ce pinceau de rigueur, qui nous
montrent coquettement le peintre sous les
armes; Véronèse ne tient à la main que son
mouchoir. Jamais je ne me douterais que j’ai
devant moi un grand homme. C’est tout bon-
nement un homme qui va sortir. Il est en
tenue de visite. Il a passé un pardessus foncé
et sans manches sur son pourpoint de couleur
claire, il a son petit manteau sur l’épaule;
il attend qu’on lui apporte sa toque. Voilà
tout. Cette bonhomie est charmante. Elle s’ac-
corde bien avec le caractère de l’homme qui
donnait sa peinture pour rien.
Velasquez, lui, est un de ces types qui
hantent les rêves des jeunes filles et les poè-
mes romantiques d’Alfred de Musset. Il sorti-
rait des Contes d’Espagne et d'Italie qu’il ne
serait pas plus fier, plus élégant, plus mé-
lancolique; il jouerait à merveille les Rolla,
voire les Don Juan; comment la Muse ne se
fût-elle pas énamourée de ce bel artiste gen-
tilhomme? — Est-ce l’ombre d’un balcon qui
projette ce léger nuage sur son front pensif?
11 est impossible, en tous cas, que l’échelle
de soie se fasse attendre.
PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE M. A. SIRET, MEMBRE DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
Paraissant deux fois par mois.
N° 21.
15 Novembre 1866.
Huitième Anisée.
On s’abonne : à Anvers, chez De Coninck, éditeur;
à Bruxelles, chez Decq et Muqijardt; à Gand, chez
IIoste ; à Liège, chez De Soer et Decq ; dans les autres vil-
les, chez tous les libraires. Pour l’Allemagne : R. Weigel,
Leipzig. Heberle, Cologne. Pour la France : Ve Renouard,
Paris. Pour la Hollande : Martinus Nyhoff, à La Haye.
Pour l’Angleterre et l’Irlande : chez Barthès et Lowell ,
14 Great Marlborough Street, à Londres. — Prix d’a-
bonnement : pour toute la Belgique, (port compris). —
Par an, 8 fr.— Étranger (port compris). —Allemagne,
10 fr. — France, 11 fr. — Hollande, 5 fl. •— Angleterre
et Irlande, 8 s. 6 d. — Prix par numéro 40 c. — Récla-
mes : 50 c. la ligne. Pour les grandes annonces on traite
à forfait. — Annonces 50 c. la ligne. — Pour tout ce qui
regarde l’administration ou les annonces, s’adresser à
J. Edom, imprimeur à St. Nicolas, rue Notre Dame,
N° 555, (Flandre-Orientale. Belgique) (affranchir). Les
lettres et paquets devront porter pour suscription, après
l’adresse principale : « Pour la direction du Journal des
Beaux-Arts. » — Il pourra être rendu compte des
ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.
Pour tout ce qui concerne la rédaction de la partie française, s’adresser à M. J. J. Guiffrey, rue d’Hauteville, N° 1, à Paris.
Avis.
Nous distribuons avec le présent n° un magnifique
dessin de Van Dyck, photolithographié par MM. Si-
monau et Toovey. Nous l’avons fait tirer expressé-
ment sur chine pour nos abonnés. Ceux qui voudront
le conserver et le faire valoir, n’auront qu’à le coller
sur papier fort ou carton.
Cette photolithographié est faite pour nos seuls
abonnés.
SOMMAIRE : Belgique. Le Musée des Offices. [Suite.)
— Corr. parti Bruxelles. —Jean, Jérôme et Antoine
Wierix, par L. Alvin. — De l’impropriété de certains
mots employés par Catel, dans son traité théorique de
l’harmonie moderne. — Bibliographie. 70. Catalogue
raisonné de l’œuvre des trois frères Wierix. — France.
Corr. part : Paris. — Chronique générale. — Annonces.
BEBG-IQTTE.
Le Musée des Offices
A FLORENCE.
(Suite.) •
La figure que les Offices nous donnent pour
le portrait de Masaccio, est celle qu’on a re-
connue plus tard représenter Filippino Lippi.
Il est curieux qu’on ait attendu les érudits
pour faire cette découverte. Tête de beau
garçon de vingt ans, hardiment dessinée,
savamment modelée, et qui pourrait être de
la main de Masaccio, n’était l’expression qui
est nulle. La bouche s’entr’ouvre, un peu
étonnée; nulle profondeur, nulle intimité dans
le regard. Comment cette tête vide eut-elle
été l’œuvre de Masaccio, ce peintre d’âmes?
Il était bien moins permis encore de l’y re-
connaître lui-même, lui, le rêveur et le so-
litaire, l’ascète passionné et doux de la pein-
ture.
Léonardde Vinci — précieux portrait qu’on
a mis sous verre, — est le Léonard de toutes
les gravures, avec sa calotte plate, son visage
olympien et sa barbe de fleuve Scamandre.
Michel-Ange est le vieux tailleur de pierre
dont parle un sonnet de Barbier. Quelle ru-
desse d’expression dans son front chargé de
rides, dans son nez écrasé, dans ses joues
sillonnées et tannées, dans sa barbe inculte
et ébouriffée, dans chaque trait de son vi-
sage osseux, qui semble plutôt sculpté que
peint! — Comme c’est bien la griffe du lion!
Sèche, mais élégante; forte et puissamment
charpentée, mais d’un galbe superbe. Il ne
faut pas être grand chiromancien pour se
douter des chefs-d’œuvre qu’elle fait et des
mondes qu’elle soulève.
Je reconnaîtrais moins aisément le Prima-
tice et le Parmesan. Avec sa tête héroïque et
son béret de travers, le Primatice vous fait
l’effet d’un beau capitaine d’aventure. Le Par-
mesan est fier et majestueux comme un prince.
Ce sont bien des peintres pourtant, le Prima-
tice avec ses brillantes audaces, le Parmesan
avec ses rêves de grandeur et ses ambitions
inassouvies.
Voici un portrait sinistre. Les légendes
artistiques veulent que Giorgion soit mort,
non de la peste, comme dit l’histoire, mais
delà noire trahison de son ami, Morto da
Feltre, qui lui enleva sa maîtresse. On est
tenté de donner raison à la légende contre
l’histoire, quand on voit ce Morto da Feltre,
peint par lui même. Pauvre Giorgion! Com-
ment as-tu pu croire un moment à cette face
de fouine humaine, pateline, rusée et cruelle?
Il est chétif et vulgaire comme l’envie, câlin
comme la duplicité. L’homme achève de se
peindre dans un détail de la toile. Morto l’a
signée d’un calembour, par une tête de mort
qu’il nous montre prétentieusement du doigt.
Fine et douce facétie de peintre coupe-jarrêts.
Une bonne et honnête figure, entre tous
les maîtres des Offices, est celle de Paul Vé-
ronèse. Point de pose, point d’effet de front,
point de main sur la hanche, point de sourire
au parterre: Véronèse ne nous regarde seule-
ment pas. Il tourne la tête de côté, il a l’air
de parler à la cantonnade. Pas même cette
palette et ce pinceau de rigueur, qui nous
montrent coquettement le peintre sous les
armes; Véronèse ne tient à la main que son
mouchoir. Jamais je ne me douterais que j’ai
devant moi un grand homme. C’est tout bon-
nement un homme qui va sortir. Il est en
tenue de visite. Il a passé un pardessus foncé
et sans manches sur son pourpoint de couleur
claire, il a son petit manteau sur l’épaule;
il attend qu’on lui apporte sa toque. Voilà
tout. Cette bonhomie est charmante. Elle s’ac-
corde bien avec le caractère de l’homme qui
donnait sa peinture pour rien.
Velasquez, lui, est un de ces types qui
hantent les rêves des jeunes filles et les poè-
mes romantiques d’Alfred de Musset. Il sorti-
rait des Contes d’Espagne et d'Italie qu’il ne
serait pas plus fier, plus élégant, plus mé-
lancolique; il jouerait à merveille les Rolla,
voire les Don Juan; comment la Muse ne se
fût-elle pas énamourée de ce bel artiste gen-
tilhomme? — Est-ce l’ombre d’un balcon qui
projette ce léger nuage sur son front pensif?
11 est impossible, en tous cas, que l’échelle
de soie se fasse attendre.