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l’on veut faire peser sur M. Jéhotte, nous
fait parvenir, pour le publier, son plaidoyer
aussi sympathique à notre ville de Liège
qu’à l’artiste et dont je viens vous demander
l’insertion dans le Journal des Beaux-Arts.
C’est là en effet la place de cette apprécia-
tion impartiale et spontanée des faits par un
écrivain étranger, fait qui, à juste titre, in-
téressent notre population. (1)

Un patriote liégeois.

Un Iconoclaste.

I

Quand le sculpteur ému prend sa terre plastique,
Mille et mille projets, légion fantastique,
Tourmentent le limon de leurs tâtonnements.
L’artiste, d’une main d’abord tremblante et

[gauche.

Fait, défait et refait l’ébauche après l’ébauche ;
Succession d’avortements.

Lorsqu’il exerce en vain ses doigts las de se tordre,
Dans son cerveau fiévreux par degrés se faitl'ordre,
Mystérieux travail de la conception.

Les formes qu’il rêvait, péniblement cherchées,
Dans un tout harmonique enfin sont rapprochées,
Il avait le chaos, c’est la création.

De l’âme au bloc informe, un courant électrique,
S’élance, et du sculpteur l’ébauchoir symétrique,
Reproduit l’idéal dans le cerveau resté.

C’en est fait ! un grand homme, un héros va re-

[naître,

Sur ce front ressemblant chacun peut reconnaître
Ses vertus et sa majesté.

Et maintenant, le bronze est sorti de son moule :
Yiensdonc Peuple,car c’est pour instruire lafoule
Que tirant de l’oubli quelque bon souverain,

Un juste, un brave, un saint, chers à qui les con-

[temple,

Le sculpteur inspiré, pour les mettre en exemple,
Les taille dans le marbre ou les coule en airain.

Du héros fait pour toi tu voudrais te repaître ;
Attends, peuple ! Avant tout il devra comparaître
Devant un tribunal peu sûr, souvent jaloux,
Inspecteurs sans mandat de toute œuvre naissante.
Presque au moule natal opérant leur descente,

De l’art ce sont les gabeloux.

Tout fruit, mauvais ou bon de la pensée humaine
Avant de circuler, passe par leur domaine.
Légers à l’examen, blâmant avec ardeur,
Poussant jusqu’à l’excès les droits de là critique,
Souvent sans la connaître invoquant l’esthétique,
Seulement pour l’éloge ils gardent la pudeur.

A de tels jugements il faut la perspective ;

Il faut mettre à distance une vue attentive •,

Il y faut le grand air, il y faut le grand jour ;

Il faut du temps encore ; il faut qu’à la statue
Le regard du passant à loisir s’habitue
Dans le délai d’un long séjour.

Mais, grâce aux vains décrets d’une ignorante

[envie,

L’œuvre de toute, une âme et de toute une vie,
Est jugée à l’instant digne au plus de l’égout.
Convié comme juge à l’image nouvelle,

Le public, par avance, a mis dans sa cervelle
Cent quolibets, échos d’oracles du faux goût.

(t) Si notre cadre le permettait, ce n’est pas
nous qui refuserions d’accueillir et d’imprimer
les vers adressés à la rédaction, mais nos
lecteurs comprendront que nous devons à cet
égard nous renfermer dans une règle sévère et
n’admettre d’exceptions que dans des cas sem-
blables à celui qui se présente aujourd’hui et qui
intéresse à la fois l’art et la patrie, n. d.l. a.

Mieux vaut le travail, plus la haine est empressée.
De votre Charlemagne une âme s’est froissée,
Jéhotte, et sous le dard de l’émulation,

Tant qu’il reste debout, elle se croit en faute ;

Il obtient dans cette âme une estime si haute,
Qu’elle rêve sa destruction.

Or, la cité liégoise un matin endormie
Sous la protection de cette gloire amie,

Dans un réveil soudain entend des bruits d’affront.
On court : Cliarle a bravé l’impuissance du cable ;
Mais Begge, son aïeule, a roulé dans le sable ;
Où sa chute a creusé la marque de son front.

II

Ah ! dans les jours affreux de révolte et de haine,
Le Lion belge a pu, quand il rompait sa chaîne,
Renverser, au long bruit de ses rugissements,

La basilique illustre entre les basiliques
Où du vieux saint Lambert on gardait les reliques,
Et le plus beau des monuments.

C’était du moins le temps de cette nouvelle ère
Où toute résistance, aiguisant la colère,
Détournait la justice et troublait la raison.

Liège tenait la coupe, à ces temps inconnue,

Qui de la liberté fête la bienvenue,

Et verse un vin nouveau moins nectar que poison.

Mais aujourd’hui que Liège a ses jours les plus

[calmes.

Qu’il n’a d’autre souci que ses récentes palmes,
Gages de courtoisie et d’hospitalité ;

Lorsque, la veille encor, Paris, Berlin et Londre
Avec un cœur liégeois sont accourus confondre
Leurs cœurs pleins de fraternité ;

Quand l’heureux citadin laisse appendus encore
Les multiples drapeaux, les fleurs dont il decore,
En signe d’amitié, ses murs et ses pignons ;
Quand le sol est tremblant des danses fraternelles
Où, dans le vieux patois, les jeunes ritournelles
Chantaient à l’étranger de joyeux crâmignons ;

C’est alors qu’un méchant veut — j’ose à peine y

[croire —

De sept illustres morts assassiner la gloire.

Près de leur piédestal, emblème du cercueil
lise glisse, envieuse et rampante couleuvre,

La nuit, pour mordre au cœur l’artiste dans son
Et la cité dans son orgueil. [œuvre ;

Demeurez sans colère. A cette basse envie
Laissez pour châtiment sa rage inassouvie.

Que ce nain ténébreux subisse le géant.

A faire un Charlemagne on se fait magnanime :
Gardez quelque pitié pour ce masque anonyme,
Seul refuge où cacher sa honte et son néant.

Que vous ferait le nom de cet obscur Vandale ?
Traîné dans le prétoire, il y ferait scandale :

C’est un contact impur où vous seriez sali.

Votre nom peut s’inscrire aux pieds de Charle-

[magne ;

Le nom de l’autre est fait pour les listes du bagne;
Au vôtre, gloire ; au sien, oubli.

Sur un sol généreux votre œuvre s’est assise,
Comptez-y ! Liège n pu se montrer indécise ;

Le destin du talent est d’être discuté.

Sur l’esprit constructeur la pensée est diverse ;
Mais le mépris est un pour la main qui renverse,
Et tout cœur se rallie au travail insulté.

Montalant-Bougleux.
Versailles, 27 Décembre 1869.

ALLEMAGNE.

(iCorrespondance particulière. Suite.)

Berlin, Avril 1871.

Tout le monde connaît ces types abstraits
destinés à remplacer les individus dans les
i tableaux romantiques, ces gestes conven-

tionnels absorbant le sentiment et la pas-
sion véritable, ces attitudes maniérées et
affectées qui voilaient ou glaçaient la vie
des personnages. L’original de Menzel en
était rempli ; dans la reproduction tout cela
a disparu, absolument disparu. La conven-
tion est remplacée par la vérité, la manière
est chassée par la nature, le faux idéalisme
est vaincu par le réalisme ; assez souvent
les formes sont encore raides, les mouve-
ments trop prononcés. Mais les hommes
osent vivre et se mouvoir selon les circon-
stances dans lesquelles ils se trouvent, leur
esprit est saisi par les événements et leur
caractère se trahit par leur maintien. L’uni-
formité est devenue variété, les motifs se
multiplient, la vie étincelle de toutes parts ;
même ce costume vague et sans caractère
créé par les romantiques à l’usage de leurs
personnages et que l’artiste n’avait pas en-
core eu l’occasion de constater sur des mo-
dèles authentiques, est modifié avec un goût
sensible et un tact exquis. Le vrai est deviné
avec une sûreté étonnante.

Contemplez l’Affichage des 95 thèses au
portail de l’église (Schlosskirche) de Wilten-
berg, la Bulle du pape brûlée devant la porte
(Elsterthor) de la même ville, la mort de
Luther et le cortège funèbre amenant sou
sarcophage à Wittenberg. — Le fait sera
constaté que c’est ici que commence la
peinture d’histoire réaliste, qui ne brille
point dans les grands tableaux de grands
événements arrangés et apprêtés comme
sur la scène, mais bien dans les fidèles et
vivantes images des mœurs et de la vie des
temps passés.

Menzel s’était ouvert cette carrière de
bon augure ; un pas seulement fui restait
à faire : une grande œuvre toute récente et
originale, fruit et témoignage de son génie
vraiment productif. 11 fit ce pas et produisit
celte œuvre à l’àge de dix-neuf ans ! Il s’in-
spira aux grandes traditions de sa patrie et
créa une œuvre nationale. Si celle-ci n’est
pas devenue une pièce favorite du peuple
allemand ou du moins de la nation prus-
sienne, il faut en accuser l’indolence et
l’apathie de l’époque de réaction et d’affai-
blissement,indolence heureusement oubliée
à l’heure qu’il est. L’œuvre mériterait encore
d’occuper la place qu’elle n’a pu conquérir
alors.Ce sont les«Denkvvürdigkeiten aus der
brandenburgisch-preussischen geschichte »
(Faits mémorables de l’histoire brandebour-
geoise et prussienne) depuis Vicelin,l’apôtre
desVendes (1157) jusqu’à la victoire dans la
guerre de délivrance. Le milésime de 1854
se lit sur les dessins d’après lesquels l’artis-
te lui-même a tracé sur pierre ses. douze
 
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