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N° 19.

15 Octobre 1871.

Treizième Année.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET 33 E LA LITTÉRATURE

paraissant deux fois par mois, sous la direction de M. Ad. SIRET, memke de l'Académie royale de Belgique, memlire correspondant de la Commission royale des monuments, membre de
l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Arcliéologie, de l'Académie de Reims, de l'Académie d'Archéologie de Madrid, etc.

<>n s’abonne: à Anvers, chez TESSARO, éditeur ; à Bruxelles, chez DF.CQ et MHQUARDT ; à Gand, chez
I10STE et ROGGÉ, à Liège, chez DE SOER et DECQ ; dans les autres villes, chez tous les libraires. Pour l’Al-
lemagne, la Russie et l’Amérique : C. MUQUARDT. La France :'VeRENOUARD, Paris. Pour la Hollande :
MARTINUS NYHOFF, à la Haye. Pour l’Angleterre et l’Irlande : chez BARTHÈS et LOWELL, 14, Great
Marlborough Street, à Londres. — Prix d’abonnement : pour toute la Belgique, (port compris'. —
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grandes annonces on traite à forfait. — Annonces : 30 c. la ligne. — Pour tout ce qui regarde l’admini-
stration ou les annonces s’adresser à M. le Directeur du Journal des Beaux-Arts, rue du Casino, à
St-Nicolas. •— Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction. —
M. C. MU0I1ARDT est le seul éditeur et représentant du Journal des Beaux-Arts pour l’Allemagne, la
Russie et l’Amérique.

SOMMAIRE : Belgique. Discours de M.Loise.
Le Salon de Gand (deuxième article). Discours
de M. Gallait. — Chronique générale. — An-
nonces.

BELGIQUE.

DISCOURS DE M. LOISE.

(Le mois de Septembre est pour la Bel-
gique le mois des discours. C’est en effet à
l’époque des fêtes de Septembre qu’ont lieu
les distributions de récompenses de toute
nature et particulièrement celles qui ont
pour objet l’enseignement. Au nombre des
discours qui ont été prononcés, un de ceux
qui ont été le plus remarqués est celui de
M. Ferdinand Loise, professeur à l’Athénée
de Tournai, le brillant lauréat de l’Acadé-
mie pour son Histoire de la littérature. Ce
discours,dans lequel l’auteur a atteint dans
un langage aussi noble que pur, les régions
les plus élevées, a eu auprès du public un
des plus beaux succès auxquels nous ayons
assisté. Nous avons tenu à reproduire ici
celte page où le lyrisme de la forme se mô-
le à la puissance et à la beauté de la pensée.
Nous voulons ainsi, dans la mesure de nos
moyens, offrir à M. Loise l’expression de
notre reconnaissance et permettre à l’étran-
ger d’apprécier ce qu’il y a de viril et de
généreux dans un pays qui a le bonheur
de compter de tels hommes parmi ses
enfants.)

« Messieurs,

« La Belgique, si longtemps le champ de
bataille de l’Europe, se reposant calme et
sereine sur son droit national au milieu
des orages qui ont éclaté à ses Irontrières,
s’est fait une place à part parmi les nations.
Fidèle aux devoirs que sa neutralité’lui
impose, elle a résolu ce grand problème :
Etre en paix avec tout le monde et mériter
toujours les mêmes sympathies. Echappant
ainsi aux désastres sanglants de la guerre,
elle vous appelle, ô jeunesse, aux luttes
pacifiques de l’intelligence où les lauriers
que vous aurez à cueillir ne seront arrosés
que des larmes de joie de vos mères et ne
seront salués que des bénédictions de la
patrie. Rendez-en grâces à nos libres in-
stitutions et à la sagesse d’un monarque,

« Belge de cœur et d’âme » qui s’attache avec
amour aux augustes exemples du vénéré
chef de notre dynastie et qui sait, comme
lui, que la gloire des lettres, des sciences
et des arts est le plus beau diamant de la
couronne des rois.

» Sous cette égide et ces nobles auspices,
nous pouvons — notre position centrale
entre la race germanique et la race latine
nous y convie — nous pouvons assister de
haut au mouvement des esprits et aux dif-
férentes phases de la vie des peuples, ju-
ger impartialement et admirer sans réserve
les productions du génie au sein de toutes
les races, grossir sans cesse le trésor de
nos connaissances, en nous appropriant les
richesses intellectuelles de l’étranger. Ceci,
messieurs, c’est travaillera la fraternisation
des peuples, et la confraternité des peuples
par le commerce et l’échange des idées se-
rait le couronnement de notre nationalité
et le plus sûr garant de notre indépendance.

» Pour atteindre ce but élevé où doivent
tendre tous les elforls d’un patriotisme
intelligent, il n’est pas de plus puissant
moyen que de perfectionner dans l’ensei-
gnement secondaire l’étude des langues
modernes, et d’introduire dans l’ensei-
gnement supérieur l'étude des littératures
étrangères, des littératures comparées. C’est
de cette étude que je vais essayer de vous
entretenir : heureux si je parviens à démon-
trera la jeunesse l’importance d’une matière
si digne de ses méditations.

« Il y a quelque vingt ans, messieurs,
vous le savez, les langues modernes, mal-
gré tant de chefs d’œuvre, étaient dédai-
gnées dans renseignement comme des idio-
mes vulgaires. L’allemand et l’anglais, voire
même le flamand dans les provinces wallon-
nes, on les reléguait parmi les branches
accessoires , comme aujourd’hui encore
l’italien et l’espagnol. L’état de nos rela-
tions industrielles et commerciales avec
l’Angleterre et l’Allemagne fit enfin com-
prendre au législateur de 1850 qu’il fallait
donner aux langues modernes dans l’ensei-
gnement l’importance qu’elles ont dans la
vie, et il institua une section profession-
nelle d’où les langues anciennes furent ban-
nies au profit des langues vivantes. Dans
les humanités même, une de ces langues
(l’allemand ou l’anglais au choix) fut décla-
rée obligatoire : c’était un besoin de l’époque
auquel il fallait satisfaire. Mais l’organisa-
tion première était forcément incomplète.
On ne se préoccupa que d’une pensée : ren

dre les jeunes gens capables de comprendre,
de parler et d’écrire la langue de la conver-
sation allemande ou anglaise. C’est dans ce
but qu’on fit choix de professeurs étrangers,
sans exiger d’eux, comme on est en droit
de l’exiger aujourd’hui, une connaissance
sérieuse de la littérature française aussi
bien que de la littérature de leur pays. Quel
que fut le mérite de ces hommes appelés à
initier nos compatriotes au commerce fami-
lier de leur langue, cet enseignement réduit
à de si minces proportions devait être, on
le comprend sans peine, un enseignement
tronqué, ne servant ni à développer l’esprit
ni à former le goût. Vous connaissez, mes-
seiurs, la raison supérieure qui a fait adopter
les langues classiques de l’antiquité comme le
plus puissant moteur de l’inlelligènce,avant
l’âge des idées. La construction des langues
anciennes, où domine la synthèse, est si
différente de la construction des langues
modernes, où domine l’analyse, que, dans
cette laborieuse translation de la pensée
d’une langue à l’autre, l’esprit s’aiguise, tou-
tes nos facultés sont en mouvement, et nous
saisissons, par la différence des construc-
tions, la différence du génie même des lan-
gues. C’est ce procédé comparatif et diffé-
rentiel qu’il faut appliquer à l’enseignement
des langues modernes, si l’on veut obtenir
des résultats féconds.

» A ce point de vue, la version est infi-
niment plus utile que le thème, car ici le
sens est donné d’avance, et là on le cher-
che. Mais les langues vivantes, il faut bien
qu’on apprenne à les parler, et le thème y
sert plus que la version ; les langues mortes,
il faut avant tout qu’on apprenne à les com-
prendre dans le texte des auteurs et la ver-
sion y sert plus que le thème. C’est là une
des grandes causes de la supériorité des lan-
gues anciennes comme moyen d’éducation.

» Ah ! messieurs, ces langues qu’on ap-
pelle mortes et qui sont immortelles (1), on
ne les remplacera jamais, ni dans l’éducation
de l’esprit, ni dans la formation du goût
littéraire. C’est assez vous dire que je ne
me range pas parmi ces contempteurs de
l’antiquité qui voudraient faire disparaître
les langues classiques de nos humanités
pour leur substituer l’enseignement des lan-
gues modernes. Les anciens sont et reste-
ront nos maîtres, et les grands écrivains
formés à celte mâle école, on les reconnaî-
tra toujours à la maturité de leurs pensées,

(i) Mot de Lamartine.
 
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