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blir, de tout embellir,en restant fidèle à la
vérité, à la nature.

» Où sont les modèles pour les innom-
brables nuances d’expression que peuvent
faire naître tous les incidents de la vie so-
ciale ? Ils nous entourent ; nous les trou-
vons partout où nous dirigeons nos pas ;
il ne s’agit que d’ouvrir ses yeux pour les
voir et d’ouvrir son esprit pour les étudier.

» Tous les jours, lorsqu’on parcourt les
lieux que fréquente la foule, on passe de-
vant ces précieux modèles sans les aperce-
voir. Un accicent arrive, dont le hasard
vous rend témoin. Vous êtes peintre et,
comme tout le monde, c’est sur l’accident
même qu’une curiosité banale vous porte
à fixer votre attention ! Vous avez tort ; ce
sont les témoins de la scène que vous devez
examiner, pour voir comment ils sont im-
pressionnés et de quelle manière les senti-
ments qu’ils éprouvent se traduisent sur
leur physionomie.

» Cette étude constante de la nature
vivante est indispensable aux peintres et
aux statuaires, quels que soient les sujets
qu’ils traitent. Ceux qui s’attachent à la
représentation des épisodes de l’histoire an-
cienne, religieuse ou profane, en retireront
eux-mêmes de grands fruits, car la mani-
festation des sentiments humains par les
mouvements de la physionomie n’est point
particulière à une époque ; elle est de tous
les temps. L’expression est ce qu’il y a de
plus caractéristique danslanature humaine ;
elle constitue le vrai, le bon réalisme. On
ne nous intéresse guère par la seide repré-
sentation des costumes et des ameublements
des temps anciens, qui forment la partie
principalede certains tableaux où les figures
ne sont que l’accessoire. Ils se trompent
singulièrement, ceux qui pensent qu’on re-
trace l’image de fa société moderne, parce
qu’on reproduit des personnages richement
ajustés et entourés des produits du luxe
industriel de notre temps. D’une autre part,
rien de moins conforme à la nature, que les
types des classes populaires qu’on réunit
dans de prétendues compositions, sans les
faire participer à aucune action qui puisse
nous initier à la connaissance de leurs
mœurs. Que les vêtements soient de velours,
de soie ou de bure, qu’ils aient l’aspect de
la richesse ou celui de la pauvreté, iis n’ont
rien par eux-mêmes qui pique notre curio-
sité, qui excite notre intérêt. Ce qu’il faut,
c’est que ceux qui en sont revêtus pensent
et agissent,et que leurs physionomies trahis-
sent les sentiments qu’ils éprouvent. L’hom-
me sans expression est celui qui a posé
devant le peintre ; ce n’est pas celui que
l’artiste prend au milieu des incidents de
la vie réelle.

» On n’arrive à la vérité de l’expression
que par la'combinaison de l’idéal et du réel,
de ces deux principes qu’on a le tort de re-
garder comme inconciliables. L’artiste ne
peut pas inventer l’expression qui répond
à tel sentiment ; il est de toute nécessi-
té qu’il l’ait observé dans la nature : voilà
la part du réel. Mais cette expression est ra-
pide, fugitive ; elle ne pose pas complaisam-

ment devant l’artiste ; il faut qu’il la saisisse
au passage et la fixe dans sa mémoire pour
l’employer à l’occasion. Elle s’est présentée
à lui comme un fait; elle reste dans son sou-
venir comme l’idée du jeu de physionomie
par lequel se traduit extérieurement un
mouvement de l’âme humaine : voilà la
part de l'idéal

» La nécessité de l’intervention de l’idéal
jusque dans la représentation des objets
matériels de la nature est démontrée par
les œuvres des grands paysagistes. Analyse-
t-on le site dont ils ont fait le portrait, s’il
estpermis de s’exprimer ainsi ? On n’y re-
marque rien de frappant, sous le rapport
des objets pris séparément, soit sous celui
du groupement. Cependant l’aspect en est
saisissant. Pourquoi ? C’est grâce au presti-
ge d’un jeu de lumière qui crée l’illusion
du mouvement et de la vie. Ruysdael, Rem-
brandt, Claude Lorrain ont multiplié les
témoignages de cette puissance de l’art et
du génie humain. Il n’est pas de site si
morne, si désolé, qu’un de scs magiques
rayons ne vienne parfois transformer. Peut-
être n’y aura-t-il qu’un moment dans la
journée,dans le mois,où cet effet se sera pro-
duit ; il faut que l’artiste l’ait saisi, comme
il saisit l’expression sur la physionomie hu-
maine,et qu’il en conserve l’impression pour
la faire passer dans son œuvre.

» Si l’on admet comme indispensable,
pour la production de l’œuvre d’art, le con-
cours de l’observation et de l’imagination,
de la nature qui fournit des modèles et du
génie qui en reproduit les traits vraiment
caractéristiques, tous les préjugés dont on
s’arme pour d’interminables discussions dis-
paraîtront ; il n’y aura plus d’idéalisme ni de
réalisme absolus, il n’y aura plus d’antagonis-
me de systèmes et d’écoles, il y aura un art
universel fondé sur la vérité.

» Ce sera beaucoup, mais ce ne sera pas
tout. Les artistes auront fait leur devoir ;
il restera aux gouvernements à faire le leur.

A quoi servira qu’il y ait de beaux tableaux
et des statues excellentes, si l’on ne prend
pas le soin demettreles populations en con-
tact avec ces objets dont la vue habituelle
exercerait une si grande et si salutaire in-
fluence sur leur développement moral ? Il
faut bien le dire, toutes les institutions pu-
bliques ayant l’art pour objet,sont en souf-
france chez nous. Les artistes n’ont pas
même obtenu qu’on leur donnât un local
convenable pour les expositions périodiques
de leurs œuvres, fl y avait bien des monu-
ments à élever dans la capitale : on a com-
mencé par le palais de justice et l’on a bien
fait, car c’est là la vraie maison commune,
celle du riche et du pauvre, des classes pri-
vilégiées et d u peu pie. i I était permis d’espérer
qu’on s’occuperait ensuite du sanctuaire de
l’art, dont la destination est également de
répondre à des aspirations générales, sans
distinction de castes ni de fortunes. On a
mieux aimé ériger une Bourse, caractéristi-
que des tendances de notre époque. Les
exigences de l’agiotage passent avant la sa-
ti; faction des besoins intellectuels. Espérons
que les arts et les artistes auront leur tour, i

» N’est-ce pas aux arts et aux artistes
d’autrefois que la Belgique est redevable de
la considération dont elle jouit parmi les
peuples des deux mondes ? Allez à Anvers :
là vous trouverez un monument que j’ose
vous signaler comme le symbole d’une dé-
fensedela nationalité belge plus efficace que
ne peuvent l’être des remparts armés de ca-
nons ? Ce monument, c’est celui qui repro-
duit l’image de notre immortel Rubens.
Autour de cette grande figure, se groupent,
dans les souvenirs qu’elle évoque, des cen-
taines de maîtres fameux dont les œuvre-
son l l’objet de l’admiration et de la convois
tise des amateurs de tous les pays. Qui de
nous n’a éprouvé un juste sentiment d’or-
gueil, en visitant les grandes galeries de
l’Europe, et en les voyant remplies des pro-
ductions de cette école flamande dont les
titres de gloire sont inscrits aux plus belles
pages de l’histoire de l’art.

» Je ne veux pas médire des forteresses,
des engins de guerre et de la science des
stratégistes; mais je persiste à croire qu’une
nation est mieux défendue par les légions
d’hommes de génie qui lui ont fait un grand
renom dans les sciences, dans les lettres et
dans les arts, qu’elle ne saurait l’être par
de nombreux bataillons, pourvus des ar-
mes les plus perfectionnées. On ne la craint
pas pour sa force, mais on l'aime et on la
respecte pour les services qu’elle a rendus à
la civilisation, à l’humanité.

» J ! ne m’est pas possible de terminer
sans donner un témoignage de profond et
douloureux regret à la mémoire des collè-
gues que la mort impitoyable a frappés
coup sur cou}) à nos côtés. La classe des
beaux-arts a été cruellement éprouvée cet-
te année. Un homme éminent, que l’Europe
entière admire, Fétis, a été subitement en-
levé aux travaux qui faisaient sa gloire et la
nôtre. Bientôtaprès,nous perdions Hanssens
et Soubre, qui faisaient tant d’honneur tous
deux à l’école musicale belge. De plus com-
pétents que moi dans l’art où ils ont brillé,
feront leur éloge, mais je dois et je veux
dire ici que l’Académie portera longtemps
leur deuil. »

Chronique générale.

— Nous reprendrons très prochainement no-
tre correspondance française interrompue par
les événements.

— L’abondance des matières nous oblige à
remettre au prochain n° nos correspondances de
Bruxelles et d’Allemagne. C’est la même raison
qui nous oblige à retarder aussi la publication
de la suite de nos articles sur le Catalogue rai-
sonné des livres à donner en prix

— Une grève, comédie en trois actes par M. O.
Stoumon, a été jouée avec succès an Théâtre des
Galeries. Cette pièce qui renferme quelques ca-
ractères adroitement tracés, semble ouvrir au
théâtre national une voie nouvelle. Le public l’a
écoutée avec plaisir et a prouvé, à plusieurs re-
prises, l’intérêt qu’il y prenait.

— La Discussion, journal bruxellois dont les
principes en fait d'art surtout ne sont point les
nôtres, contient, presque dans chaque numéro,
une chronique artistique signée Karaletoùse
retrouve une plume exercée. Si nous ne saurions
pactiser avec nos adversaires, nous voulons au
moins reconnaître chez eux le talent dont ils font
 
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