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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1885

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paysans doivent travailler à la corvée. Malheur à l’égyptien
qui résiste!
Pour l’habitant du village, le bâton ; la prison pour le bour-
geois et le poison pour le noble !
Tewfik, digne élève de son père, marche sur ses traces et
fait même pis encore.
En voici un exemple :
Tu te souviens du vieux Ratib-Pacha ; il était l’ami de ton
père et l’aimait comme un fils. Tu sais aussi qu’Ismaïl (Allah
nous en a délivré, qu’il nous délivre aussi de sa descendance),
le sachant riche lui avait demandé un emprunt (de ceux qui ne
se rendent jamais) de quarante mille livres sterling, Ratib
ayant refusé mourut empoisonné ! Son fils vient de subir le
même sort et cela pour n’avoir pas pu prêter la même somme
qu’à l’exemple de son père Tewflk lui avait demandée.
Il sait bien cependant que la bourse de ses Pachas est vide
depuis longtemps. Mais ils ont encore des terres dont le revenu
les fait vivre; ces terres qu’ils les vendent pour payer l’emprunt
forcé Peu importe au Khédive qu’ils soient réduits à la mi-
sère; il lui faut de l’argent !
Eh quoi, nous diras-tu, vous assistez à tous ces méfaits im-
passibles et les bras croisés? Mais que pouvons-nous faire? L’in-
fidèle Tewfik se sachant détesté de tous ne songe qu’à se
venger !
Toute réunion est interdite, toute arme saisie. Ceux qui sont
soupçonnés, soit comme partisans du mouvement soudanais,
soit comme membres du parti national, sont immédiatement
supprimés, et on ne permet même pas à leurs parents désolés
de faire venir dans leurs maisons les Naddabates (pleureuses)
pour entendre les élégies qui soulageraient un peu leur dou-
leur. Nous voyons d’ici tes yeux pleins de larmes à ce triste et
éternel récit de nos souffrances !
Grand Moutenebby, sublime Aboul-Beka-Salih ! Célèbres
poètes de nos aïeux, où êtes-vous ? Sortez de vos tombes véné-
rées et voyez l’état misérable où nous sommes réduits ! Déplorez
les désastres de notre patrie par vos accents nobles et tou-
chants.
Que de sang innocent versé et que de trésors gaspillés par
nos envahisseurs et le lâche qui leur vendit nos contrées !
Hélas! nos malheurs profitent à nos tyrans. Nubar et ses
associés ont gagné un million de Ruinées anglaises par l’achat,
au rabais, de titres de l’indemnité d’Alexandrie, et, organisant
des manifestations à prix d’or, ils ont réussi à faire croire un
instant à Tewfik qu’il était devenu populaire.
S’il n’est détrompé déjà, qu’il ouvre les yeux, et aussitôt il
verra que les Européens mêmes aspirent au moment où l’Egypte
sera délivrée de toute la famille d’Ismaïl.
Un Membre du Parti national égyptien.

ABOU-NADDARA EN SUISSE

Ainsi que nous l'avons annoncé dans notre dernier numéro, notre
rédacteur en chef a fait un voyage d’études dans les principales villes
de la Suisse.
Grâce à l’accueil cordial et au concours empressé qu’il a trouvé
chez ses confrères de ce pays hospitalier, il a pu remplir facilement sa
double mission dp publiciste et de conférencier.
L’espace dont nous disposons en français est absolument insuffisant
pour reproduire le récit poétique de son voyage, qui occupe presque
toute la partie arabe de ce numéro (comme on le sait une page d’arabe
représente au moins quatre pages de français). Nous nous bornerons
donc à publier sa lettre d’adieux à la Suisse, qui donnera à nos lec-
teurs européens une idée de ses impressions de voyage.
Cette lettre a paru le 30 août en français dans le Journal de Genève,
et en allemand dans le Basler Nachrichten de Bâle; elle a été depuis
reproduite par la presse locale et étrangère.
Au nom d’Allah, Clément et Miséricordieux.
Louange à Toi, Maître de l’Univers.
Tu as réalisé le rêve de ton humble esclave Abou-Naddara.
Protégé par Toi et guidé par tes Anges gardiens, j’ai vu la
Suisse, ce paradis terrestre qui donne aux fidèles croyants
une idée de l’Eden du cie’
Animé du désir ardent ue t’admirer dans ta création sublime,
j’ai atteint les cimes de ces montagnes majestueuses qui pro-
clament ta grandeur, et contemplé les souriantes vallées et les
beaux lacs, a la couleur d’émeraude, si chers aux poètes.
Que de souvenirs amers et doux à la fois cette splendide
nature a réveillé dans mon cœur!
Vallée du Nil, Pyramides imposantes, j’ai cru vous voir et
un instant j’ai oublié que j’étais proscrit loin de vous.
J’ai visité ces villes si intéressantes, ces villages Si pittores-
ques et partout j’ai trouvé le même accueil empressé.
J’ai serré avec effusion la main fraternelle des dignes descen-

dants de Guillaume Tell etje les ai assurés de l’afiection de mes
compatriotes pour leurs frères résidant en Egypte.
J’ai eu l’insigne honneur de présenter mes hommages res-
pectueux à l’Honorable Président de la Confédération et de lui
exprimer ma sympathie et celles des enfants de l’Orient pour
la Suisse et pour son peuple noble et loyal.
Je te salue, terre hospitalière. En te quittant, je fais des vœux
pour ton bonheur et ta prospérité.
Que la paix soit avec vous, dignes enfants de l’Helvétie!
Qu’Allah ne cesse jamais de répandre sur vous la rosée de ses
bénédictions. — Amen,
CAUSERIE D’ABOU-NADDARA
Les journaux suisses ayant annoncé, dans les termes les plus bien-
veillants, l’arrivée de notre rédacteur en chef dans foutes les villes qu’il
devait visiter, et promis à leurs concitoyens d’importantes communi-
cations sur l’Orient, avaient appelé sur lui l’attention générale ; aussi
a-t-il pu, partout où il se trouvait, et en dépit de la saison des vacances,
plaider la cause de l’Egypte dans des causeries publiques.
Aux casinos, aux hôtels, dans tous les lieux de réunion, il a saisi
avec empressement l’occasion d’intéresser ses auditeurs, et selon la
nationalité de ses interlocuteurs, il a parlé indistinctement dans une
des huit langues qui lui sont familières.
Il est intéressant de faire remarquer qu'à plusieurs reprises il s'est
trouvé en présence de nombreux Anglais. N’est-ce pas le peuple le plus
voyageur? Cet auditoire, qu'on devait supposer hostile, redoublait son
courage, et devant eux il dénonçait plus énergiquement encore les
agissements du gouvernement britannique en Egypte.
Nous pouvons dire avec une réelle satisfaction qu'il est parvenu à
les convaincre delà légitimité de ses protestations. C’est donc avec
avec un sentiment de fierté bien facile à comprendre que nous répé-
tons cette exclamation d’un de ses auditeurs :
« Vous avez raison, lui dit-il, en lui serrant la main à l’anglaise.
Notre ministère déchu a porté la ruine et la désolation dans votre
pays sans ancun profit pour le nôtre. Au nom de mes compatriotes,
je vous remercie de la distinction que vous faites entre la nation et le
gouvernement. L’Egypte nous est sympathique, et nous avons bon
espoir que notre nouveau ministère réparera les fautes commises par
le précédent. »

CONFÈRENCE D’ABOU-NADDARA
C’est à Bâle, devant un auditoire d’élite, présidé par le docteur
Wakernagel, rédacteur en chef du Basler-Nachrichten, qu’eût lieu la
conférence que nous résumons ci-après :
Donnant un rapide coup d’œil sur l’histoire contemporaine de
l’Egypte, en s'efforçant de ne s'étendre que sur les faits complètement
ignorés, le conférencier parla d’abord de l’ex-Khédive Ismaïl et de son
fils Tewfik. Il n’eut pas de peine à démontrer que le mépris qu'ils ins-
pirent aux patriotes égyptiens n’est que trop justifié par leurs indignes
prévarications.
N’est-ce pas Ismaïl qui a endetté l’Egypte de deux milliards et demi;
et n’est-ce pas son fils Tewfik qui l’a vendue à l’Angleterre ?
N’est-ce pas Ismaïl qui exila le Prince Halim, le seul fils survivant du
grand Méhemet-Ali, parce qu’il s’était fait le défenseur des fellahs mar-
tyrisés et dépouillés ; et n’est-ce pas son fils Tewfik, l’auteur des
massacres d’Alexandrie, qui a trahi et livré Arabi-Pacha,après Pavoir
poussé à la guerre, en promettant de marcher avec lui contre les An-
glais ?
Abou-Naddara, après avoir fait frémir son auditoire au récit des
crimes commis par ces deux "tyrans, donna l’historique complet du
Parti National, dont notre journal estl’organe. Il démontra que ce parti
survit à toutes les persécutions et que c’est en lui que la nation a mis
toutes ses espérances !
Passant ensuite à la grande actualité « le Mahdi et sa mort présu-
mée », il donna des détails inconnus sur la guerre du Soudan, guerre
si fatale à l'Egypte.
Arrivé là, il voulait conclure en proclamant notre devise : « l'Egypte
aux Egyptiens ; » mais à la demande pressante de quelques assistants, il
dût expliquer le rôle bienfaisant de la franc-maçonnerie, et pour cela
il en fit l’historique depuis sa fondation en Egypte et ne pût passer
sous silence les persécutions auxquelles ses adeptes ont été et sont
toujours en butte.
Puis, voulant rompre l’austérité de cette douloureuse histoire, il ter-
mina par un aperçu rapide de la littérature orientale, et, puisant dans
ce trésor si riche, et cependant si ignoré, il fit les citations suivantes
prises au hasard dans le Koran et dans les œuvres des philosophes
et des poètes arabes pour faire connaître la forme poétique de cette
littérature et la profondeur de ses pensées ; qui démontrent surabon-
damment que les musulmans, loin d’être les ennemis de tout pro-
grès, comme on est porté à le croire, ont, au contraire, toujours
préconisé l’instruction et fait de la science le but le plus élevé de l’am-
bition humaine.
N’attendez pas de bonnes actions de celui qui n’est ni savant, ni
étudiant.
A la science suffit cet honneur, que celui qui ne la possède pas, pré-
tend la posséder et se réjouit si on la lui attribue.
Les rois gouvernent les hommes, et les savants gouvernent les rois.
Réside où tu veux et acquière du savoir, il te tiendra lieu d’ancê-
tres, car ce n’est pas celui qui dit : « Mon père a été » qui est un
homme ; mais celui qui peut dire : « Voilà ce que je suis. »
La science domine et la richesse est dominée.
Mahomet a dit : < Les savants sont les héritiers des prophètes. »

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