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LE PREMIER TEMPLE DE BEL
ville qui aurait décliné ensuite au cours du Ier millénaire : « il est à supposer que cette
période était représentée par des strates moins épaisses que celles qui l’ont précédée : on peut
difficilement croire que 10 m de remblais ont disparu à l’époque hellénistique ». Ce juge-
ment sur la Palmyre du Ier millénaire est en effet vraisemblable, mais pour ce qui est
de la « ville » contemporaine à l’empire d’Akkad et ses successeurs, il est trop risqué d’en
parler. Une agglomération devait bien correspondre aux strates identifiés, mais ses édifices
demeurent cachés ; la surface du tell primitif n’est pas connue, mais elle était de beaucoup
inférieure à 4 ha du téménos actuel.
Ce que disent les tablettes de Mari au XVIII siècle ne nous apprend pas grand’chose :
une razzia de 60 Sutéens qui ont perdu un de leurs à cette occasion ne corrobore pas
l’hypothèse d’un centre urbain important 3. Il n’est d’ailleurs nullement nécessaire de
l’admettre pour expliquer la poussée amorite vers la Mésopotamie : cette pénétration
lente des nomades dans le pays agricole n’était certainement pas le fait d’un état organisé,
comme semble le penser R. du Mesnil du Buisson4.
Les? strates supérieures ont été donc rasées à l’époque hellénistique. En ce temps,
Palmyre est certainement déjà une ville. Le commerce transdésertique a pu être inauguré
par les Achéménides grâce à la paix établie dans les confins de leur empire ; il florissait
à coup sûr sous les Séleucides malgré la préférence naturellement accordée à la route
plus septentrionale mettant le cap sur Antioche. La participation probable d’un contin-
gent palmyrénien à la bataille de Raphia en 217 5 et l’existence d’une bourgeoisie
marchande vers le milieu du IIe siècle, attestée par le tombeau du téménos de Ba'al-
samên 6, sont autant d’indices de l’importance nouvelle de l’oasis. Le nom du cheikh
présent à Raphia dans l’armée séleucide était Zabdibêlos, nom spécifiquement palmy-
rénien et qui prouve la transformation de l’antique Bôl en Bel, sous l’influence de Baby-
lone, d’où la Palmyre archaïque a emprunté bien d’autres éléments de sa civilisation 7.
C’est donc à Bel qu’était déjà consacré le temple dont la fondation nécessita le nivelle-
ment du tell 8.
Le temple postérieur, érigé au début du Ier siècle p.C. au même endroit, l’était 3 m
au-dessus du niveau du terrassement hellénistique. Son téménos, d’abord assez restreint,
a été élargi à l’époque flavienne, ce qui amena le nouveau nivellement du tell. Une couche
d’un mètre environ autour de la cella a été enlevée et la cour portée à son extension actu-
elle 9. Des constructions antérieures à cet état du téménos on n’a, la cella mise à part,
que la « fondation T » à mi-chemin entre la cella et les propylées et le mur incurvé, épais
de 3 m environ, près de l’angle nord-est de la cella. L’un et l’autre mur a été interprété
comme l’enclos du sanctuaire 10. Autant que le mur incurvé est solide, la fondation T
devait porter une construction assez légère, il s’agit donc de deux enceintes différentes.
Celle-ci contenait un nombre important de sculptures et d’inscriptions archaïques ayant
3 G. D o s s i n, Archives Royales de Mari V, Paris 1952, p. 40, n° 23.
4 Cf. J.R. Küpper, Les nomades en Mésopotamie au temps des rois de Mari, Paris 1957.
5 Cf. H. S e y r i g, Syria 21, 1940, p. 331; 14, 1933, p. 241.
6 R. F e 11 m a n n, Le sanctuaire de Baalshamin à Palmyre V, Die Grabanlage, Rome 1970.
7 H. S e y r i g, Syria 21, 1940, p. 328 suiv.
8 Cf. pourtant le temple de Bôl au Ile siècle p. C.: R. du Mesnil du Buisson, CRAI 1966,
p. 177-9; Milik, pp. 54-55, cf. J. T e i x i d o r, BES 1968, Syria 1968, n° 25 pour une interprétation
différente.
9 H. S e y r i g, Syria 21, 1940, pp. 279-280, D. Schlumberger, Syria 14, 1933, pp. 291-298.
10 Pour le mur incurvé : Inv. IX, pp. 3-4; pour le mur T : H. S e y r i g, Syria 21, 1940, pp. 280-281,
J. S t a r c k y, IAP, p. 513.
LE PREMIER TEMPLE DE BEL
ville qui aurait décliné ensuite au cours du Ier millénaire : « il est à supposer que cette
période était représentée par des strates moins épaisses que celles qui l’ont précédée : on peut
difficilement croire que 10 m de remblais ont disparu à l’époque hellénistique ». Ce juge-
ment sur la Palmyre du Ier millénaire est en effet vraisemblable, mais pour ce qui est
de la « ville » contemporaine à l’empire d’Akkad et ses successeurs, il est trop risqué d’en
parler. Une agglomération devait bien correspondre aux strates identifiés, mais ses édifices
demeurent cachés ; la surface du tell primitif n’est pas connue, mais elle était de beaucoup
inférieure à 4 ha du téménos actuel.
Ce que disent les tablettes de Mari au XVIII siècle ne nous apprend pas grand’chose :
une razzia de 60 Sutéens qui ont perdu un de leurs à cette occasion ne corrobore pas
l’hypothèse d’un centre urbain important 3. Il n’est d’ailleurs nullement nécessaire de
l’admettre pour expliquer la poussée amorite vers la Mésopotamie : cette pénétration
lente des nomades dans le pays agricole n’était certainement pas le fait d’un état organisé,
comme semble le penser R. du Mesnil du Buisson4.
Les? strates supérieures ont été donc rasées à l’époque hellénistique. En ce temps,
Palmyre est certainement déjà une ville. Le commerce transdésertique a pu être inauguré
par les Achéménides grâce à la paix établie dans les confins de leur empire ; il florissait
à coup sûr sous les Séleucides malgré la préférence naturellement accordée à la route
plus septentrionale mettant le cap sur Antioche. La participation probable d’un contin-
gent palmyrénien à la bataille de Raphia en 217 5 et l’existence d’une bourgeoisie
marchande vers le milieu du IIe siècle, attestée par le tombeau du téménos de Ba'al-
samên 6, sont autant d’indices de l’importance nouvelle de l’oasis. Le nom du cheikh
présent à Raphia dans l’armée séleucide était Zabdibêlos, nom spécifiquement palmy-
rénien et qui prouve la transformation de l’antique Bôl en Bel, sous l’influence de Baby-
lone, d’où la Palmyre archaïque a emprunté bien d’autres éléments de sa civilisation 7.
C’est donc à Bel qu’était déjà consacré le temple dont la fondation nécessita le nivelle-
ment du tell 8.
Le temple postérieur, érigé au début du Ier siècle p.C. au même endroit, l’était 3 m
au-dessus du niveau du terrassement hellénistique. Son téménos, d’abord assez restreint,
a été élargi à l’époque flavienne, ce qui amena le nouveau nivellement du tell. Une couche
d’un mètre environ autour de la cella a été enlevée et la cour portée à son extension actu-
elle 9. Des constructions antérieures à cet état du téménos on n’a, la cella mise à part,
que la « fondation T » à mi-chemin entre la cella et les propylées et le mur incurvé, épais
de 3 m environ, près de l’angle nord-est de la cella. L’un et l’autre mur a été interprété
comme l’enclos du sanctuaire 10. Autant que le mur incurvé est solide, la fondation T
devait porter une construction assez légère, il s’agit donc de deux enceintes différentes.
Celle-ci contenait un nombre important de sculptures et d’inscriptions archaïques ayant
3 G. D o s s i n, Archives Royales de Mari V, Paris 1952, p. 40, n° 23.
4 Cf. J.R. Küpper, Les nomades en Mésopotamie au temps des rois de Mari, Paris 1957.
5 Cf. H. S e y r i g, Syria 21, 1940, p. 331; 14, 1933, p. 241.
6 R. F e 11 m a n n, Le sanctuaire de Baalshamin à Palmyre V, Die Grabanlage, Rome 1970.
7 H. S e y r i g, Syria 21, 1940, p. 328 suiv.
8 Cf. pourtant le temple de Bôl au Ile siècle p. C.: R. du Mesnil du Buisson, CRAI 1966,
p. 177-9; Milik, pp. 54-55, cf. J. T e i x i d o r, BES 1968, Syria 1968, n° 25 pour une interprétation
différente.
9 H. S e y r i g, Syria 21, 1940, pp. 279-280, D. Schlumberger, Syria 14, 1933, pp. 291-298.
10 Pour le mur incurvé : Inv. IX, pp. 3-4; pour le mur T : H. S e y r i g, Syria 21, 1940, pp. 280-281,
J. S t a r c k y, IAP, p. 513.