vj INTRODUCTION.
celles qui n'étoient que son propre ouvrage , qu'il parvint enfin à obs-
curcir ces divines impreliions, & à dénaturer ses facultés intellectuelles;
de sorte que cet être , qui sembloit avoir été créé pour rendre témoi-
gnage à l'univers de la puissance de celui dont il tenoit i'existence,
devint, par sa propre faute, le plus foible , le plus méprisable & le
plus insensé de tous les êtres.
Nous devons pourtant avouer à l'honneur de l'humanité , ou plutôt à
la gloire de celui qui la forma, que jamais l'homme ne s'écarta aiïez
de son devoir pour effacer entièrement de son esprit certains traits pri-
mitifs que le créateur y avoit tracés. Nous avons vu dans les trois vo-
lumes précédens , que toutes les nations ont reconnu une divinité au-
dessus de tous les êtres. Toutes lui ont rendu leurs hommages, & adressé
des prières au pied de son trône, chacune à sa manière & sélon les
rites prescrits par les prêtres ( voye% la vignette ). Cette théologie, qu'un
philosophe appelle le dogme du genre humain & la soi de la nature, aussi
évidente qu'il est visible que les trois côtés d'un triangle sont égaux à
deux droits, s'est retrouvée chez tous les peuples, quels que fussent
•leur loix , leurs usàges , leurs lumières, ou leur étendue. Fnvain Gas-
sendi s'est-ii efforcé de prouver que tous U* j^miolophes de l'antiquité
étoient des athées , p^^e qu'ils paroissoient s'accorder tous à soutenir
l'éternité de la matière. Cette opinion, quelque absurde, quelque in^r
conséquente qu'elle soit, ne mérite certainement pas une pareille qua-
lification ; car il n'est pas impossible de la faire entrer dans un systême
religieux, & que celui qui la soutiendroit, ne fût très-dévot envers la
divinité. L'éternité de la matière, dit sensément M. de Bougainville ,
ne suppose pas nécessairement une existence indépendante de Dieu;
elle peut être considérée comme l'effet nécessaire d'une cause éternelle,
dont la nature est d'agir & de produire sans cesse. Telle étoit incontes-
tablement l'idée de Pythagore & de Platon, & peut-être aussi celle de
plusieurs philosophes de la secte ionique. Ce n'est point en tirant de loin
des conséquences forcées d'une opinion souvent avancée au hasard, que
l'on doit juger les philosophes qui l'ont soutenue ; & surtout quand il
s'agit d'un chef de croyance aussi important que l'est celui de I'existence
d'un Dieu. C'est en étudiantleurs principes, en rapprochant leurs idées,
en les suivant dans leurs raisonnemens, qu'on peut connoître le mérite
ou la futilité de l'opinion qu'ils ont embrassée,
celles qui n'étoient que son propre ouvrage , qu'il parvint enfin à obs-
curcir ces divines impreliions, & à dénaturer ses facultés intellectuelles;
de sorte que cet être , qui sembloit avoir été créé pour rendre témoi-
gnage à l'univers de la puissance de celui dont il tenoit i'existence,
devint, par sa propre faute, le plus foible , le plus méprisable & le
plus insensé de tous les êtres.
Nous devons pourtant avouer à l'honneur de l'humanité , ou plutôt à
la gloire de celui qui la forma, que jamais l'homme ne s'écarta aiïez
de son devoir pour effacer entièrement de son esprit certains traits pri-
mitifs que le créateur y avoit tracés. Nous avons vu dans les trois vo-
lumes précédens , que toutes les nations ont reconnu une divinité au-
dessus de tous les êtres. Toutes lui ont rendu leurs hommages, & adressé
des prières au pied de son trône, chacune à sa manière & sélon les
rites prescrits par les prêtres ( voye% la vignette ). Cette théologie, qu'un
philosophe appelle le dogme du genre humain & la soi de la nature, aussi
évidente qu'il est visible que les trois côtés d'un triangle sont égaux à
deux droits, s'est retrouvée chez tous les peuples, quels que fussent
•leur loix , leurs usàges , leurs lumières, ou leur étendue. Fnvain Gas-
sendi s'est-ii efforcé de prouver que tous U* j^miolophes de l'antiquité
étoient des athées , p^^e qu'ils paroissoient s'accorder tous à soutenir
l'éternité de la matière. Cette opinion, quelque absurde, quelque in^r
conséquente qu'elle soit, ne mérite certainement pas une pareille qua-
lification ; car il n'est pas impossible de la faire entrer dans un systême
religieux, & que celui qui la soutiendroit, ne fût très-dévot envers la
divinité. L'éternité de la matière, dit sensément M. de Bougainville ,
ne suppose pas nécessairement une existence indépendante de Dieu;
elle peut être considérée comme l'effet nécessaire d'une cause éternelle,
dont la nature est d'agir & de produire sans cesse. Telle étoit incontes-
tablement l'idée de Pythagore & de Platon, & peut-être aussi celle de
plusieurs philosophes de la secte ionique. Ce n'est point en tirant de loin
des conséquences forcées d'une opinion souvent avancée au hasard, que
l'on doit juger les philosophes qui l'ont soutenue ; & surtout quand il
s'agit d'un chef de croyance aussi important que l'est celui de I'existence
d'un Dieu. C'est en étudiantleurs principes, en rapprochant leurs idées,
en les suivant dans leurs raisonnemens, qu'on peut connoître le mérite
ou la futilité de l'opinion qu'ils ont embrassée,