ET COUTUMES RELIGIEUSES. 113
ARTICLE IV,
La fuperjlition fuggera-t-elle aux peuples Vufage abominable de
Vantropophagie ï
Je pense que l'usage où ont été toutes les nations , d'immoler des
hommes à leurs Dieux , joint à l'ignorance où dévoient être la plupart
des écrivains, des mœurs & des coutumes des peuples dont ils partaient,
a occasionné l'erreur où sont tombés ceux qui ont publié que quelques
peuples mangeoient réciproquement leurs propres chairs. M. Petit a
prétendu que le pays de Chanaan, ausïi dangereux que l'ancienne Sicile,
qui nourrissoit les cyclopes, a été habité par des nations de taille gigan-
tesque, telles que l'on nous représente les patagons du midi de l'Amé-
rique , & dont le naturel étoit si féroce, que les cadavres humains sai-
soient leur nourriture ordinaire. On sait quel effrayant récit Juvenai sait
de certains peuples de l'Egypte, qui, à la manière des tigres, déchi-
roient avec les dents des corps encore tout fumans. Si l'on en croit
Hérodote & piusieurs autres écrivains qui l'ont suivi, les scythes eise-
dons étoient si cruels , qu'ils mangeoient la chair de leurs propres pères,
qu'ils hachoient avec d'autres viandes. Un si monstrueux mélange saisoit,
dit-on, chez eux, le mets le plus exquis & le plus délicat. On invi-
toit même les parens, les amis & les voisins de la maison où il se pré-
paroit, à prendre part à la réjouissance. Les getes, les massàgets, les
gaulois ; en un mot, tous les peuples du nord , au rapport d'une mul-
titude d'auteurs cités par Aulugelle, renouvelloient souvent ces festins,
ou la joie & la sérénité qu'on voyoit peintes sur le visage des convives,
témoignoient la satisfaclion dont ils jouissoient en cette occasion. C'est
apparemment chez ces gens-là que S. Mathieu, si l'on en croit Nice-
phore, alla prêcher le christianisme ; car si l'on ajoute foi à cet historien
étrangement crédule , cet évangiliste s'efforça de convertir certains peu-
ples qui ne vivoient que de chair humaine.
Quoique le climat rigoureux du nord , les forêts & les lacs qui cou-
vraient alors le pays, le peu de civilisation qu'il y avoit dans les sociétés,
rendirent ceux qui l'habitoient plus féroces & moins traitables que par-
tout ailleurs, tout invite pourtant à croire que ces relations ne sont que
le fruit de l'ignorance & des préjugés des écrivains. Cétoit assez l'ordi-
Tome I V. P
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ARTICLE IV,
La fuperjlition fuggera-t-elle aux peuples Vufage abominable de
Vantropophagie ï
Je pense que l'usage où ont été toutes les nations , d'immoler des
hommes à leurs Dieux , joint à l'ignorance où dévoient être la plupart
des écrivains, des mœurs & des coutumes des peuples dont ils partaient,
a occasionné l'erreur où sont tombés ceux qui ont publié que quelques
peuples mangeoient réciproquement leurs propres chairs. M. Petit a
prétendu que le pays de Chanaan, ausïi dangereux que l'ancienne Sicile,
qui nourrissoit les cyclopes, a été habité par des nations de taille gigan-
tesque, telles que l'on nous représente les patagons du midi de l'Amé-
rique , & dont le naturel étoit si féroce, que les cadavres humains sai-
soient leur nourriture ordinaire. On sait quel effrayant récit Juvenai sait
de certains peuples de l'Egypte, qui, à la manière des tigres, déchi-
roient avec les dents des corps encore tout fumans. Si l'on en croit
Hérodote & piusieurs autres écrivains qui l'ont suivi, les scythes eise-
dons étoient si cruels , qu'ils mangeoient la chair de leurs propres pères,
qu'ils hachoient avec d'autres viandes. Un si monstrueux mélange saisoit,
dit-on, chez eux, le mets le plus exquis & le plus délicat. On invi-
toit même les parens, les amis & les voisins de la maison où il se pré-
paroit, à prendre part à la réjouissance. Les getes, les massàgets, les
gaulois ; en un mot, tous les peuples du nord , au rapport d'une mul-
titude d'auteurs cités par Aulugelle, renouvelloient souvent ces festins,
ou la joie & la sérénité qu'on voyoit peintes sur le visage des convives,
témoignoient la satisfaclion dont ils jouissoient en cette occasion. C'est
apparemment chez ces gens-là que S. Mathieu, si l'on en croit Nice-
phore, alla prêcher le christianisme ; car si l'on ajoute foi à cet historien
étrangement crédule , cet évangiliste s'efforça de convertir certains peu-
ples qui ne vivoient que de chair humaine.
Quoique le climat rigoureux du nord , les forêts & les lacs qui cou-
vraient alors le pays, le peu de civilisation qu'il y avoit dans les sociétés,
rendirent ceux qui l'habitoient plus féroces & moins traitables que par-
tout ailleurs, tout invite pourtant à croire que ces relations ne sont que
le fruit de l'ignorance & des préjugés des écrivains. Cétoit assez l'ordi-
Tome I V. P
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