viij INTRODUCTION.
endroits où ils pouvoient être connus, la végétation des plantes, le
renouvellement de la nature dans le printems, tout cela leur fit croire
que chaque portion de l'univers avoit son génie particulier , pour la
conduire & pourvoir à sa conservation. Cette idée, dont tous les hommes
furent bientôt pénétrés, donna naissance aux apparitions, aux rêves, aux
révélations ; & les choses allèrent li loin à cet égard , que peu de gens
avoient la tête assez forte pour traverser une forêt, ou palier auprès
d'une fontaine , d'un lac , d'une rivière , ou de tout autre lieu effrayant
& ténébreux, sans croire avoir rencontré quelque génie sur sa route.
Si les grecs & les romains, dont la mythologie nous est mieux connue
que celle d'aucun autre peuple , avoient une grande multitude de ces
génies, sous les noms génériques de démons, de satyres , de faunes
& de sylvains, ils n'étoient en cela que les imitateurs des nations plus
anciennes qu eux (i) ; & l'on voit par ce qui se pasïe encore aujourd'hui
chez tous les peuples civilisés ou non, que jamais croyance ne fut plus
générale.
C'est à ce préjugé des anciens, qui donneit à chaque ville l chaque
république, à chaque particulier, aux cnémiris, aux a bres, aux le
taines, aux animaux , en un mot, à tou; les êtres, anknss ou non,
un génie qui les gardoit, que l'on dolr «ctrlêuer les motifs qui enga-
gèrent la plupart à° peuples à prodiguer leur encens aux objets les
plus insenilbies ; car il ne faut pas croire que ce fut précisément à ces
objets que s'adressoient leurs vœux ; c'étoient uniquement les génies ,
que l'on supposoit y faire leur résidence , qu'on avoit delîein d'honorer.
Ainsi, lorsqu'en 583 , de la fondation de Rome , les députés d'Alabande
vinrent annoncer au sénat qu'ils avoient consacré un temple à la ville de
Rome, ce n'étoient certainement pas aux romains que ces peuples se
proposoient d'immoler des victimes ; c'étoit à ce génie courageux auquel
la république devoit ses victoires & qui présidoit au capitole ; à cet ange
tutéiaire qui avoit élevé Rome, cette capitole du monde, à un 11 haut
(1) Léontius, qui écrivoit sur les seûes , sous l'empereur Maurice , a aceusé les samaritains
de ne pas croire aux anges ; cependant S. Epiphane dit formellement le contraire ; & l'on voit
effectivement dans leur pentateuque , que leur croyance, à cet égard , étoit la même que celle
des juifs , à moins que le mot ange, qui s'y trouve û sréquemment, ait comme quelques-uns
le croient, une autre signification , chez eux, que celle que nous lui donnons,
dep-ré
endroits où ils pouvoient être connus, la végétation des plantes, le
renouvellement de la nature dans le printems, tout cela leur fit croire
que chaque portion de l'univers avoit son génie particulier , pour la
conduire & pourvoir à sa conservation. Cette idée, dont tous les hommes
furent bientôt pénétrés, donna naissance aux apparitions, aux rêves, aux
révélations ; & les choses allèrent li loin à cet égard , que peu de gens
avoient la tête assez forte pour traverser une forêt, ou palier auprès
d'une fontaine , d'un lac , d'une rivière , ou de tout autre lieu effrayant
& ténébreux, sans croire avoir rencontré quelque génie sur sa route.
Si les grecs & les romains, dont la mythologie nous est mieux connue
que celle d'aucun autre peuple , avoient une grande multitude de ces
génies, sous les noms génériques de démons, de satyres , de faunes
& de sylvains, ils n'étoient en cela que les imitateurs des nations plus
anciennes qu eux (i) ; & l'on voit par ce qui se pasïe encore aujourd'hui
chez tous les peuples civilisés ou non, que jamais croyance ne fut plus
générale.
C'est à ce préjugé des anciens, qui donneit à chaque ville l chaque
république, à chaque particulier, aux cnémiris, aux a bres, aux le
taines, aux animaux , en un mot, à tou; les êtres, anknss ou non,
un génie qui les gardoit, que l'on dolr «ctrlêuer les motifs qui enga-
gèrent la plupart à° peuples à prodiguer leur encens aux objets les
plus insenilbies ; car il ne faut pas croire que ce fut précisément à ces
objets que s'adressoient leurs vœux ; c'étoient uniquement les génies ,
que l'on supposoit y faire leur résidence , qu'on avoit delîein d'honorer.
Ainsi, lorsqu'en 583 , de la fondation de Rome , les députés d'Alabande
vinrent annoncer au sénat qu'ils avoient consacré un temple à la ville de
Rome, ce n'étoient certainement pas aux romains que ces peuples se
proposoient d'immoler des victimes ; c'étoit à ce génie courageux auquel
la république devoit ses victoires & qui présidoit au capitole ; à cet ange
tutéiaire qui avoit élevé Rome, cette capitole du monde, à un 11 haut
(1) Léontius, qui écrivoit sur les seûes , sous l'empereur Maurice , a aceusé les samaritains
de ne pas croire aux anges ; cependant S. Epiphane dit formellement le contraire ; & l'on voit
effectivement dans leur pentateuque , que leur croyance, à cet égard , étoit la même que celle
des juifs , à moins que le mot ange, qui s'y trouve û sréquemment, ait comme quelques-uns
le croient, une autre signification , chez eux, que celle que nous lui donnons,
dep-ré