ET COUTUMES RELIGIEUSES. i63
Ce dut être cet usage où étoient toutes les nations de sacrifier un cer-
tain nombre de leurs prisonniers, qui fit naître & entretint dans l'esprit
de nos pères, ce généreux mépris qu'ils témoignoient pour ia vie. Comme
chacun étoit tous les jours exposé à tomber entre les mains de l'ennemi
& de voir couler son sang sur un autel, on se faisoit en quelque sorte
un métier de s'apprendre à mourir. Le duel, les petites guerres, 8c une
foule d'autres exercices violens & meurtriers, étoient, comme on sait,
fort communs chez les nations féroces du septentrion de notre hémis-
phere. Les festins , les speéiacles, les assembiées, les fêtes même de la
religion, fourniisoient fréquemment à des peuples indisciplinés & bar-
bares , les occasions de se mutiler ou de s'arracher mutuellement la vie.
Le suicide, ce monstre qui semble avoir fixé son trône dans le cœur
biilieux & mélancolique des gens du nord, y faisoit souvent les plus
affreux ravages ; les vieillards , les valétudinaires & les infirmes, qui
croyoient être à charge à l'état ou incommodes à eux-mêmesprenoient
souvent le parti de débarralser le monde de leurs personnes, 8l tran-
choient sans la moindre dissiculté, la trame de leurs jours. Mais ce qui
paroîtroit incroyable si les sauvages du nord ne retraçoient à nos yeux
l'image de ces atrocités , c'esl que la jeunesse même , quelqu'attachée
qu'elle soit à ses jours parmi nous , craignoit si peu la mort, qu'elle sè
livroit souvent avec joie à des jeux où les acteurs ne risquoient rien
moins qu'à perdre la vie. Seleucus avoit remarqué , dit Athénée, que
quelques-uns des thaces jouoient dans leurs festins à un certain jeu qu'ils
appelloient le jeu du pendu. On attachoit dans un lieu élevé une corde,
sous laquelle on mettoit perpendiculairement un caillou rond & uni.
Après avoir choisi par le sort celui qui devoir être le premier acteur ,
on le faisoit monter sur le cailloux armé d'une faux. Il étoit obligé de se
mettre lui-même la corde au cou, pendant qu'un autre ôtoit adroite-
ment la pierre. Si celui qui demeuroit suspendu n'avoit pas le bonheur
& TadreiTe de couper à l'instant la corde avec la faux qu'il tenoit des
deux mains , il étoit étranglé & périssoit au milieu des risées de tous
les spectateurs qui se moquoient de lui, comme d'un sot & d'un mal-
adroit. Si cette anecdote en: véritable , on doit avouer que des gens de
cette trempe ne dévoient pas regretter beaucoup la vie, quand leurs
ennemis, usant du pouvoir que donnoit alors le droit des gens mal
digéré, les faisoient expirer dans les temples de leurs Dieux. Ce qui
m'engage à croire que ce fait peut fort bien être tel qu'Athénée le rap-
Tome IV. X 2
Ce dut être cet usage où étoient toutes les nations de sacrifier un cer-
tain nombre de leurs prisonniers, qui fit naître & entretint dans l'esprit
de nos pères, ce généreux mépris qu'ils témoignoient pour ia vie. Comme
chacun étoit tous les jours exposé à tomber entre les mains de l'ennemi
& de voir couler son sang sur un autel, on se faisoit en quelque sorte
un métier de s'apprendre à mourir. Le duel, les petites guerres, 8c une
foule d'autres exercices violens & meurtriers, étoient, comme on sait,
fort communs chez les nations féroces du septentrion de notre hémis-
phere. Les festins , les speéiacles, les assembiées, les fêtes même de la
religion, fourniisoient fréquemment à des peuples indisciplinés & bar-
bares , les occasions de se mutiler ou de s'arracher mutuellement la vie.
Le suicide, ce monstre qui semble avoir fixé son trône dans le cœur
biilieux & mélancolique des gens du nord, y faisoit souvent les plus
affreux ravages ; les vieillards , les valétudinaires & les infirmes, qui
croyoient être à charge à l'état ou incommodes à eux-mêmesprenoient
souvent le parti de débarralser le monde de leurs personnes, 8l tran-
choient sans la moindre dissiculté, la trame de leurs jours. Mais ce qui
paroîtroit incroyable si les sauvages du nord ne retraçoient à nos yeux
l'image de ces atrocités , c'esl que la jeunesse même , quelqu'attachée
qu'elle soit à ses jours parmi nous , craignoit si peu la mort, qu'elle sè
livroit souvent avec joie à des jeux où les acteurs ne risquoient rien
moins qu'à perdre la vie. Seleucus avoit remarqué , dit Athénée, que
quelques-uns des thaces jouoient dans leurs festins à un certain jeu qu'ils
appelloient le jeu du pendu. On attachoit dans un lieu élevé une corde,
sous laquelle on mettoit perpendiculairement un caillou rond & uni.
Après avoir choisi par le sort celui qui devoir être le premier acteur ,
on le faisoit monter sur le cailloux armé d'une faux. Il étoit obligé de se
mettre lui-même la corde au cou, pendant qu'un autre ôtoit adroite-
ment la pierre. Si celui qui demeuroit suspendu n'avoit pas le bonheur
& TadreiTe de couper à l'instant la corde avec la faux qu'il tenoit des
deux mains , il étoit étranglé & périssoit au milieu des risées de tous
les spectateurs qui se moquoient de lui, comme d'un sot & d'un mal-
adroit. Si cette anecdote en: véritable , on doit avouer que des gens de
cette trempe ne dévoient pas regretter beaucoup la vie, quand leurs
ennemis, usant du pouvoir que donnoit alors le droit des gens mal
digéré, les faisoient expirer dans les temples de leurs Dieux. Ce qui
m'engage à croire que ce fait peut fort bien être tel qu'Athénée le rap-
Tome IV. X 2