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Eugène Revillouï.
Mais doit-on admettre ces oracles si analogues à ceux des Grecs et croire qu'ils s'appli-
quaient même aux jugements correctionnels ou criminels?
Quant à l'existence des oracles égyptiens, elle est incontestable. J'ai consacré à l'un d'entre
eux, celui de Philée, un assez long article,1 en prouvant qu'on s'y adressait comme en Grèce
dans toutes les affaires importantes. Mais, lors de la publication de ma chronique démotique
comparée aux récits d'Hérodote, il me restait, je l'avoue, un doute sur une partie du récit
du grand historien. N'avait-il pas fait confusion entre certaines périodes du droit égyptien?
Sous la XXIe dynastie, toute sacerdotale des prêtres d'Amon, les oracles de ce dieu déci-
daient tous les procès civils ou criminels — et particulièrement les affaires de vol auxquelles
fait allusion Hérodote — ou peut le voir par le procès de l'économe Thotmès, etc. Mais sous
les Ramessides et toutes les fois que le droit ordinaire régnait, comme du temps d'Apriès
et d'Aniasis par exemple, c'était aux tribunaux réguliers dont j'ai longuement expliqué le
fonctionnement l'année dernière, que ces affaires étaient portées. Le tribunal des 30 suteni,
ou a Thèbes des prêtres d'Amon, décidait les procès civils. Celui du dja et de ses assesseurs
les procès criminels ou correctionnels — en dehors des crimes de lèse majesté jugés par
une cour spéciale.
Eh bien! Messieurs, cette objection tombe. Un papyrus du British Muséum, que je viens
d'étudier soigneusement sur une excellente photographie,2 nous prouve que même lors du
fonctionnement normal des tribunaux réguliers l'oracle du dieu était souvent consulté sur
certains procès criminels.
Entrons ici dans quelques détails.
Le papyrus dont nous avons à nous occuper est à peu près contemporain du papyrus
judiciaire de Turin. Comme lui, il a été écrit sous le règne de Eamsès III, car les deux
cartouches royaux que nous y trouvons sont, d'une part, celui de ce prince et, d'une autre
part, celui de son père adoptif Setne/t, le victorieux successeur de l'usurpateur syrien Arisu.
On ne sait pas trop exactement la provenance du document. Les seules indications utiles
sont relatives à un temple de Ptah (le dieu principal de Memphis) et à un quartier appelé
Payonti, nom qui s'appliquait à un quartier de Memphis, aussi bien qu'à certains quartiers
d'autres villes. Il est aussi question du dieu Amon dont on consulte l'oracle. Mais ce dieu
thébain était, nous le savons, vénéré aussi à Memphis sous les Ramessides et les autres
dynasties thébaines. Cela n'empêcha pas Pian-/i de considérer plus tard Memphis comme une
ville profane ne connaissant pas la religion d'Amon. Mais à l'époque des Ramessides Amon
gouvernait réellement toute l'Egypte au point de vue religieux, comme il la gouvernera bientôt
au point de vue civil.
Du temps de Pian/i, Tafne-/t, le prêtre sam de Ptah, était en cette qualité souverain
de Memphis.
Lors de la rédaction de notre papyrus, c'est aussi un prêtre à qui appartiennent de droit
en cette qualité les fonctions de nomarque. Mais ce prêtre n'est pas appelé sam : son titre
1 Proceedings of the society of biblical archœology, numéro de nov. 1887 — le numéro même où a paru
l'article de M. Pleyte dont nous parlerons plus loin.
2 AI. Pleyte en a donné dans les Proceedings de nov. 1887 une transcription et une traduction qu'il
importait de compléter et de rectifier.
Eugène Revillouï.
Mais doit-on admettre ces oracles si analogues à ceux des Grecs et croire qu'ils s'appli-
quaient même aux jugements correctionnels ou criminels?
Quant à l'existence des oracles égyptiens, elle est incontestable. J'ai consacré à l'un d'entre
eux, celui de Philée, un assez long article,1 en prouvant qu'on s'y adressait comme en Grèce
dans toutes les affaires importantes. Mais, lors de la publication de ma chronique démotique
comparée aux récits d'Hérodote, il me restait, je l'avoue, un doute sur une partie du récit
du grand historien. N'avait-il pas fait confusion entre certaines périodes du droit égyptien?
Sous la XXIe dynastie, toute sacerdotale des prêtres d'Amon, les oracles de ce dieu déci-
daient tous les procès civils ou criminels — et particulièrement les affaires de vol auxquelles
fait allusion Hérodote — ou peut le voir par le procès de l'économe Thotmès, etc. Mais sous
les Ramessides et toutes les fois que le droit ordinaire régnait, comme du temps d'Apriès
et d'Aniasis par exemple, c'était aux tribunaux réguliers dont j'ai longuement expliqué le
fonctionnement l'année dernière, que ces affaires étaient portées. Le tribunal des 30 suteni,
ou a Thèbes des prêtres d'Amon, décidait les procès civils. Celui du dja et de ses assesseurs
les procès criminels ou correctionnels — en dehors des crimes de lèse majesté jugés par
une cour spéciale.
Eh bien! Messieurs, cette objection tombe. Un papyrus du British Muséum, que je viens
d'étudier soigneusement sur une excellente photographie,2 nous prouve que même lors du
fonctionnement normal des tribunaux réguliers l'oracle du dieu était souvent consulté sur
certains procès criminels.
Entrons ici dans quelques détails.
Le papyrus dont nous avons à nous occuper est à peu près contemporain du papyrus
judiciaire de Turin. Comme lui, il a été écrit sous le règne de Eamsès III, car les deux
cartouches royaux que nous y trouvons sont, d'une part, celui de ce prince et, d'une autre
part, celui de son père adoptif Setne/t, le victorieux successeur de l'usurpateur syrien Arisu.
On ne sait pas trop exactement la provenance du document. Les seules indications utiles
sont relatives à un temple de Ptah (le dieu principal de Memphis) et à un quartier appelé
Payonti, nom qui s'appliquait à un quartier de Memphis, aussi bien qu'à certains quartiers
d'autres villes. Il est aussi question du dieu Amon dont on consulte l'oracle. Mais ce dieu
thébain était, nous le savons, vénéré aussi à Memphis sous les Ramessides et les autres
dynasties thébaines. Cela n'empêcha pas Pian-/i de considérer plus tard Memphis comme une
ville profane ne connaissant pas la religion d'Amon. Mais à l'époque des Ramessides Amon
gouvernait réellement toute l'Egypte au point de vue religieux, comme il la gouvernera bientôt
au point de vue civil.
Du temps de Pian/i, Tafne-/t, le prêtre sam de Ptah, était en cette qualité souverain
de Memphis.
Lors de la rédaction de notre papyrus, c'est aussi un prêtre à qui appartiennent de droit
en cette qualité les fonctions de nomarque. Mais ce prêtre n'est pas appelé sam : son titre
1 Proceedings of the society of biblical archœology, numéro de nov. 1887 — le numéro même où a paru
l'article de M. Pleyte dont nous parlerons plus loin.
2 AI. Pleyte en a donné dans les Proceedings de nov. 1887 une transcription et une traduction qu'il
importait de compléter et de rectifier.