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Revue égyptologique — 9.1900

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Nr. 1-4
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Revillout, Eugène: Le monument de Chabas
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https://doi.org/10.11588/diglit.11060#0088
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Eugène Revillout.

de digne d'être relevé aujourd'hui. J'ai moi-même opéré de nombreuses révisions de cette espèce, soit sur
des textes publiés par Chabas, soit sur des textes publiés par bien d'autres. Dies diem docet, et quand l'en-
semble a tout d'abord été compris, celui qui fait des corrections a bien moins de mérite que celui qui a
traduit le premier. Chabas aurait pu dire ce qu'il disait souvent : la science ne procède pas par sauts.
Mais je crois que s'il avait vécu quand la révision a été faite, il aurait encore répondu autre chose.
Tout le monde se rappelle l'écrasante «Réponse à la critique» qu'il a publiée lorsque Brugsch a osé
attaquer son «Voyage d'un Egyptien en Syrie». Il a dit alors, et avec raison, que Brugsch n'aurait jamais
pu être l'auteur de cette étude qui est certainement un de ses chefs-d'œuvre, et il a réduit en pièces, avec
preuves à l'appui, chacune des allégations de son contradicteur. Je m'étonne donc de voir monsieur le recteur
citer encore, à côté des fragments de Turin, ces corrections au voyage d'un Egyptien proposées par Brugsch,
et que Chabas a écrasées de telle sorte que jamais personne n'a pu répondre de son vivant.

Jusqu'ici, Messieurs, je vous ai parlé du grand philologue. Mais Chabas n'était pas seulement cela.
C'était également un juriste et un économiste.

Dans le domaine si vaste de l'égyptologie les cantonnements sont nombreux. Chacun a sa spécialité :
Maspero, moi, comme les autres. Si je me permets de me nommer ici, c'est que Chabas et moi nous avons
eu sensiblement la même. La précision de son esprit en avait fait avant tout un économiste. Sa compré-
hension des choses de ce genre est étonnante et tout ce qu'il a dit dans cet ordre d'idées est resté.

Maspero, lui, avec son éducation surtout littéraire, n'est pas attiré par ce côté, et quand il s'en mêle
il y réussit mal. Au contraire, quand il s'agit de littérature pure, il fait des œuvres que je tiens à qua-
lifier d'admirables (témoignage de ma part peu suspect de partialité).

Maspero est aussi un historien. J'avoue que Chabas et moi nous ne comprenions pas l'histoire de la
même manière. Celle que l'un ou l'autre nous aurions faite, aurait été, je crois, très différente à tous les
points de vue.

Il en est un surtout qui aurait été pour nous capital et dont généralement on ne parle même pas.

Le narré des règnes et des guerres qu'est-ce autre chose que l'écorce morte de l'histoire? Ce qui
est vraiment intéressant et profitable, c'est d'entrer jusqu'au cœur du tronc de cet arbre dont la végétation
est si puissante, si vivace, en dépit des révolutions et des guerres, et qu'on appelle l'humanité, d'en appré-
cier et d'en goûter la sève à tous ses niveaux et dans toutes ses branches, d'en voir les différences qui
séparent les divers rameaux et les sympathies qui les unissent, — pour en recueillir des leçons éternelles. Que
m'importe, à moi, qu'importe au philosophe qui veut profiter do l'enseignement des siècles, si tel roi a remplacé
tel autre, si tel conquérant a, pour l'ambition d'un moment, combattu, massacré ou emmené en esclavage
telle population voisine? Tout cela n'a d'intérêt que s'il en est résulté un nouveau courant d'idées, une
nouvelle couche de civilisation. La conquête a-t-elle abouti à un recul ou à un progrès? A-t-elle amené
entre des nations diverses des rapports intellectuels et moraux profitables? Le grand homme dont il s'agit
a-t-il fait œuvre utile ou nuisible au point de vue du droit ou de la situation de l'homme? Tout est là.
L'histoire de la condition des êtres humains, de leurs sentiments, de leurs pensées, de leurs préjugés, de
leurs travaux, de leurs progrès ou du contraire, savoir comment le travailleur, le faible, le pauvre, le petit
la femme surtout étaient traités, le régime de la propriété et des idées sociales, — voilà ce qui importe au
penseur et ce qu'on néglige le plus d'ordinaire. C'est grand dommage! Car le politicien contemporain
aurait souvent ainsi des leçons précieuses pour des problèmes qui ont de tout temps existé.

C'est dans ce sens que la boussole de Chabas guidait toujours sa marche. Je ne puis ônumérer ici
tout ce qu'il a fait pour nous permettre de bien saisir la vie intime des Égyptiens.

Nous avons fait connaissance

1° Par ses études sur le papyrus Amhurst, le papyrus Abboth, le papyrus de Turin qu'il a seul
parfaitement compris, avec le monde judiciaire et les procès criminels de la vallée du Nil.

2° Par ses études sur le traité de Ramsès II et des Khétas avec le droit international.

3° Par ses études sur la requête à Amenophis III, les papyrus do Bologne, les maximes morales
d'Ani, etc. avec le régime des terres.

4° Par ses études sur les mêmes maximes d'Ani, celles de Ptah-hotep, les autres papyrus moraux
et parallèlement les diverses correspondances contenues dans les papyrus du British Muséum de Berlin,
d'Italie, etc. avec l'état des personnes, les obligations et la peinture si attrayante de la société contem-
poraine.

5° Par ses études sur les monnaies et les mesures (dont il a le premier déterminé les étalons princi-
paux, l'outen, le kati, etc.), ses lectures à l'Institut, ses notices sur le prix d'un taureau, sur les carnets
des procureurs et des départiteurs, sur la médecine chez les Egyptiens, sur la circoncision, etc. etc., avec
l'économie politique la plus largement comprise.

Sa curiosité s'attachait à tout. Non content de nous faire pénétrer dans le forum, dans l'administra-
tion royale ou provinciale, dans la cour du Pharaon et dans son harem, dans les maisons des Égyptiens,
 
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