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Eugène Revillout.

en tirailleur, en soldat volontaire, sans chercher à faire ce qu'on nomme à proprement
parler un livre. Il se contente du pamphlet sous forme de dialogue, beaucoup plus libre
d'allures. Tandis que son adversaire avait pour objectif l'homme sage et l'homme de Dieu,
lui, il laisse, pour ainsi dire, le substratum humain pour transporter la scène chez les ani-
maux. Là, il lui est plus facile de faire abstraction de l'âme et de ses hautes facultés. La
matière animée ne peut-elle pas mieux se défendre quand il s'agit de la bête que quand
il s'agissait directement de celui qu'on considère comme le roi de la création, l'esprit et
l'intelligence par essence?

Cette politique était habile : et elle n'avait rien qui puisse choquer en soi, puisque les
Grecs et les Latins employaient à l'envi l'apologue et la fable depuis Ésope. Une des fables
ésopiques, le lion et la souris, est même citée par l'auteur sous une forme très intéressante.

Disons-le, du reste, cette méthode, consistant à faire parler les animaux, n'est géné-
ralement pas employée ici comme par Ésope. La fable du lion et de la souris n'intervient
que parce qu'elle est racontée (pour appuyer sa thèse actuelle) par le héros du livre qui
est lui-même un animal : le petit chacal Koufi; et c'est cet animal qui, en conversant avec
la chatte éthiopienne, remplit l'ouvrage en son entier.1

I Nous avons déjà indiqué, dans notre Revue égyptologique, que ce choix des interlocuteurs, devant
remplacer ceux du banquet de Platon, avait été suggéré par des traditions mythologiques à Fauteur. Qu'on
nous permette d'entrer ici dans quelques détails. Nous avons déjà fait plusieurs fois mention du chapitre 125
du Livre des morts qui contient, par la confession négative et affirmative, le plus admirable code de morale.
Or, dans ce chapitre, d'après la version démotique du rituel de Pamont, rédigé sous Néron et qui, pour
toute la partie que nous allons reproduire, est, somme toute, fort bien comprise et identique, sauf quelques
variantes de peu d'importance, aux plus anciens textes hiéroglyphiques et hiératiques, on lit cette invo-
cation aux 42 dieux qui servaient d'assesseurs à Osiris, le juge suprême des morts :

«Je prie devant vous, ô dieux! Je vous connais. Je connais vos noms. Ne m'imputez pas d'iniquité
»mienne auprès du dieu avec lequel vous êtes. Aucun péché mien n'est encore venu devant vous, puisque
»j'ai fait ce qui est doux au cœur des dieux et des hommes. Ma main a été occupée à cela. J'ai donné
»du pain à celui qui avait faim, de l'eau à celui qui avait soif. J'ai donné des vêtements au nu, une barque
»à celui qui n'en avait pas. J'ai donné les divines offrandes aux dieux, du pain et de l'eau aux mânes.
»Ces choses m'ont sauvé. Vous m'avez sauvé à cause de cela, ô dieux, parce que, pour vous, aucune accu-
sation n'a été faite contre moi devant les grands (juges); car ma bouche est pure par les choses que j'ai
«dites; mon cœur est pur; mon devant est pur; mon arrière est pur. II n'y a pas de membre en moi qui
«ait fait l'iniquité.»

Après cela venait dans la vulgate hiéroglyphique : «Il dit : 11 est venu (bis) eu paix, celui qui le
«voit, parce que Osiris (ou l'Osiris, c'est-à-dire soit le juge, soit le défunt) a entendu cette grande parole
«qu'a dite l'âne avec le chat dans le temple de Ptah, pour témoigner de lui, en le voyant par devant et par
♦derrière.»

Dans le Rituel de Nebket : «Dit à lui celui qui vient en paix : Je suis venu pour le voir, parce
que j'ai entendu cette parole de Set avec le chat dans le temple de la grande rencontre pour témoigner
devant lui (devant le mort), à lui (à Osiris) de sa pureté.»

II n'y a pas de doute pour moi que Set, soit sous la forme de l'animal carnassier typhonien, soit
sous la forme de cet âne qui le remplace à la basse époque, ne désigne ici le diable égyptien. Dans les
rituels de basse époque l'âne est souvent représenté frappé du glaive à cause de cela, et Hérodote nous
dit que, de son temps, par horreur de l'esprit du mal, on immolait chaque année un âne rouge (âne rouge
que nous retrouvons jusque dans notre diction actuel : «Méchant comme un âne rouge»). L'esprit du mal
ou, tranchons le mot, le diable, représenté par son symbole, l'animal typhonien ou l'âne, jouait dans le
jugement de l'âme exactement le même rôle que Vavocat du diable dans ces procès actuels de canonisation
en cour de Rome. On sait, en effet, que dans ces procès il y a toujours un avocat du diable, chargé
de chercher noise au futur saint et de recueillir contre lui tous les prétextes possibles pour empêcher la
cause d'aboutir. Le promoteur de la béatification est, au contraire, chargé de défendre le saint et d'user
de tout son pouvoir pour son apothéose, si je puis me servir ici d'une expression grecque, qui servait
 
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