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Rocznik Historii Sztuki — 35.2010

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Wiatrzyk, Agnieszka: Les strates d'un palimpseste - entre Leon Battista Alberti et l'architecture venitienne de la première renaissance
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https://doi.org/10.11588/diglit.14577#0068
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AGNIESZKA W1ATRZYK

Les grands bas-reliefs qui flanquent le portail principal sont peut-être la partie la plus intéressante de
toute sa décoration sculpturale. Les deux lions, sur un fond réalisé de jeu optique de différentes couleurs de
marbre et renfermé par des arcs en plein cintre à l'intérieur des pseudo-niches imaginaires, « défendent »
l'entrée de la Scuola, l'un du côté de la Terra ferma, l'autre - du côté de la mer. Les motifs ornementaux
des croix, analogiques à ceux de la façade de Santa Maria dei Miracoli, ornent ces pseudo-niches par un fort
contraste avec les extrados en marbre jaune. Les deux portes feintes sont dessinées conformément aux prin-
cipes de la perspective linéaire103. La petite porte de la partie droite de la façade est flanquée de manière
analogue, mais l'architecture feinte révèle des traits différents. Entre deux pilastres, un espace curieux, arti-
culé par trois arcades, s'ouvre, pour s'achever par un arc en plein cintre. Une voûte étroite (un plafond
à caissons) couronne cette organisation et deux médaillons en raccourci remplissent ses écoinçons de l'arcade
située au fond. La vue s'y accorde aussi avec les lois de perspective linéaire104. L'arcade feinte est occupée
par des bas reliefs d'un caractère peu proportionnel, vu la monumentalité de l'espace imaginé par les arcades.
Le premier représente : La guéris on d'Aignan par St. Marc, le deuxième Le baptême d'Aignan par St. Marc.
Enfin, les ornements de la façade ressemblent visiblement à ceux de l'église Santa Maria dei Miracoli, notons
les motifs de la ligne ornementale de feuilles et de fleurs, les denticules, les frises aux griffons et les orne-
ments ressemblant aux écailles.

En somme, deux tendances s'opposent dans la façade de la Scuola. D'un côté, la recherche de cohé-
rence se révèle dans le rythme des pilastres unifiant les deux parties, l'essai de transmettre la structure de la
partie gauche dans la partie droite grâce à l'importance accordée au portail principal, et surtout dans l'agran-
dissement des surélévations. La partie « triomphale » de la façade est ainsi accentuée par un essai de subor-
dination de la décoration, de culmination optique dans l'axe du portail central.

De l'autre côté, la sévérité des lignes du second étage, la richesse de décoration (frises, griffons, marbre
jaune et blanc...) atténue l'organisation tectonique du premier. Cet écart entre l'accent mis sur la cohérence
architecturale et le « besoin » de plasticité, de richesse, de profusion des ornements, divise assurément la
façade. La conception de rez-de-chaussée du sculpteur-architecte, Pietro Lombardo, se croise ici vraisem-
blablement avec l'intervention de Mauro Codussi dans le projet du premier étage.

Ces constats stylistiques nous amènent à réfléchir sur la relation entre les principes de l'esthétique alber-
tienne et la façade de la Scuola. Tout d'abord, l'attention portée par Lombardo à l'égard de l'ornementation
obéit au précepte oYornamentum tel que le perçoit l'auteur de L'art d'édifier, à savoir l'élément le plus indis-
pensable du bâtiment participant à la création du sentiment de la beauté. En outre, l'effet de tridimension-
nalité obtenu dans les trompe-l'œil en bas-relief dans la partie basse de la façade, remplit presque la règle
de la « fenêtre albertienne »105 en accord avec les lois de la perception. S'il est possible d'employer ici, toutes
proportions gardées, la notion d' architectura picta, l'organisation du marbre sur la façade de la Scuola
incarne cette idée non seulement en surface de l'élévation, mais l'introduit aussi dans l'espace urbain par le
jeu de couleurs avec la façade de l'église et toute la piazza devant elle. En effet, « définie » en même temps
dans un langage architectural qu'elle-même formule, la façade devient le lieu d'intégration des éléments
décoratifs par un certain « cadrage »106.

Citons encore un contexte important pour les recherches de Lombardo, mais aussi pour Alberti lui-
même. Il est admis que les fruits artistiques du séjour de Donatello à Padoue, essentiellement le développe-
ment de la perspective dans l'autel des miracles de Saint-Antoine dans la Basilique II Santo (env. 1447-1450),
entrent à Venise grâce à Pietro Lombardo et son fils Tullio, mais aussi grâce à l'activité d'Antonio Rizzo
(vers 1440-1499)107. L'axe de recherche padouan devient significatif pour la formulation de l'espace archi-
tectural enrichi par l'utilisation du relief108. Vu que la connaissance de principales règles de géométrie intro-

103 C. Tr e v i s a n, 7 rilievi prospettici di Sant'Aniano nella facciata délia Scuola grande di San Marco a Venezia. Studio
prospettico e proporzionale, [in :] Guerra, M о r r e s i et S с h o f i e 1 d, op. cit., p. 216-223.

104 Ibidem.

105 Qui fut introduite par Alberti dans De Pictura [De Pittura / De la Peinture], mais joua également un rôle d'une grande
importance pour sa conception de l'architecture dans L'art d'édifier.

106 S с h о fi e 1 d, La facciata..., p. 178. Schoficld utilise, quant à lui, le terme de / 'architecture simulée [l'architettura simulata].

107 R. S с ho fi e 1 d, Architettura e scultura veneziana nel secondo Quattrocento : due probierni aperti e un fantasma, [in :]
Guerra, Morresi et Schoficld, op. cit., p. 3 33 ; С e r i a n a. La scultura veneziana..., p. 253 299.

108 S с h о fi e 1 d, Architettura e scultura..., p. 6-7 et 19. L'auteur remarque que certains d'entre les éléments architectoniques
du langage décoratif des Lombardo (introduit à l'église Santa Maria dei Miracoli, dans l'atrium de Scuola Grande di San Giovanni
 
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