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*** VOYAGE PITTORESQUE
l'Europe. L'efpèce de fafte qui y eft le plus en ufage eft le nombre d'attelages
magnifiques qu'on y entretient, c'eft le goût dominant & la principale dépenfe
des Nobles Napolitains ; dépenfe à laquelle ils font fans doute portés par la
beauté ÔC l'excellence des chevaux de leur pays.
Un des plus grands plaifirs de la ville eft de former des courfes ou prome-
nades , fur les quais &t le long des bords de la mer ; la quantité de voitures
attelées de huit & dix chevaux qui s'y raftemblent , forme un coup-d'oeil
très - amufant 5 outre les grands équipages de la NoblefTe , il s'y joint une
multitude de petites voitures appellées Calejfe, qui, bien que voitures publi-
ques & louées par le Peuple à très-bon marché , font prefqué toutes dorées
& fort bien attelées. L'enfemble de tout ce mouvement forme un fpeétacle
très-animé, & eft embelli encore par la vue de ce fuperbe Golfe de Naples
& du rivage de la mer, prefque toujours couverte d'une multitude de barques
& de Pêcheurs.
Il y a fur-tout certains jours de l'année où le concours prodigieux du Peuple
rend ces fortes de promenades plus magnifiques que dans d'autres temps.
Rien n'égale le fpectacle de la ville de Naples le jour deftiné à la Fête de
Pie ai Grotta. C'eft une Eglife fituée près de la Grotte de Paufilippe où on
conferve une Image, prétendue miraculeufe , de la Vierge , à laquelle le
Peuple a la plus grande dévotion. Le 8 Septembre, le Roi s'y rend en grand
cortège avec toute fa Cour & beaucoup de Troupes fous les armes. Tout le
rivage de la mer le long du Fauxbourg de Chiaïa eft couvert de Peuple. On
ne peut voir effectivement un lieu plus favorable au développement de la
multitude immenfe que forme à cette Fête la Nation Napolitaine , la plus
bruyante, la plus avide de Spectacles &c la plus fuperftitieufe de toutes les
Nations de l'Europe (i).
C'eft fur-tout aux Théâtres que fe forment les rendez-vous les plus
ordinaires de la bonne compagnie. La longueur des Spectacles , la grandeur
&£ la commodité des Loges font que l'on y peut recevoir beaucoup de
(i) On ne peut dputer que le Gouvernement
de Naples n'ait fes raifons pouf approuver toutes
ces fuperftitions du Peuple Napolitain, elles impor-
tent plus qu'on ne penfc a la tranquillité publique.
Saint Janvier , que les Lcqaroni appellent leur
protecteur & leur appui, eft bien plutôt celui du
Trône & de fes Miniftrcs que celui des Particu-,
liers. Dans les grandes calamités, comme font les
éruptions du Véfuvc, les difettes, &c., les Napo-
litains ont recours à Saint Janvier, & c'eft de lui
qu'ils attendent un remède à des maux fi preflans.
Avec moins de fupcrftition, ce Peuple s'adreffe-
roit au Gouvernement & ne s'adrefferoit qu'à lui
feul; de-là des révolutions, des foulèvemens, qui,
eu égard à la population de Naples & au caractère
hardi de fes Habitans, ne pourraient manquer de
devenir funeftes au Miniftère, & compromettraient
fùrement l'autorité du Prince, fi elles ne mettoient
même fa vie en danger.
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*** VOYAGE PITTORESQUE
l'Europe. L'efpèce de fafte qui y eft le plus en ufage eft le nombre d'attelages
magnifiques qu'on y entretient, c'eft le goût dominant & la principale dépenfe
des Nobles Napolitains ; dépenfe à laquelle ils font fans doute portés par la
beauté ÔC l'excellence des chevaux de leur pays.
Un des plus grands plaifirs de la ville eft de former des courfes ou prome-
nades , fur les quais &t le long des bords de la mer ; la quantité de voitures
attelées de huit & dix chevaux qui s'y raftemblent , forme un coup-d'oeil
très - amufant 5 outre les grands équipages de la NoblefTe , il s'y joint une
multitude de petites voitures appellées Calejfe, qui, bien que voitures publi-
ques & louées par le Peuple à très-bon marché , font prefqué toutes dorées
& fort bien attelées. L'enfemble de tout ce mouvement forme un fpeétacle
très-animé, & eft embelli encore par la vue de ce fuperbe Golfe de Naples
& du rivage de la mer, prefque toujours couverte d'une multitude de barques
& de Pêcheurs.
Il y a fur-tout certains jours de l'année où le concours prodigieux du Peuple
rend ces fortes de promenades plus magnifiques que dans d'autres temps.
Rien n'égale le fpectacle de la ville de Naples le jour deftiné à la Fête de
Pie ai Grotta. C'eft une Eglife fituée près de la Grotte de Paufilippe où on
conferve une Image, prétendue miraculeufe , de la Vierge , à laquelle le
Peuple a la plus grande dévotion. Le 8 Septembre, le Roi s'y rend en grand
cortège avec toute fa Cour & beaucoup de Troupes fous les armes. Tout le
rivage de la mer le long du Fauxbourg de Chiaïa eft couvert de Peuple. On
ne peut voir effectivement un lieu plus favorable au développement de la
multitude immenfe que forme à cette Fête la Nation Napolitaine , la plus
bruyante, la plus avide de Spectacles &c la plus fuperftitieufe de toutes les
Nations de l'Europe (i).
C'eft fur-tout aux Théâtres que fe forment les rendez-vous les plus
ordinaires de la bonne compagnie. La longueur des Spectacles , la grandeur
&£ la commodité des Loges font que l'on y peut recevoir beaucoup de
(i) On ne peut dputer que le Gouvernement
de Naples n'ait fes raifons pouf approuver toutes
ces fuperftitions du Peuple Napolitain, elles impor-
tent plus qu'on ne penfc a la tranquillité publique.
Saint Janvier , que les Lcqaroni appellent leur
protecteur & leur appui, eft bien plutôt celui du
Trône & de fes Miniftrcs que celui des Particu-,
liers. Dans les grandes calamités, comme font les
éruptions du Véfuvc, les difettes, &c., les Napo-
litains ont recours à Saint Janvier, & c'eft de lui
qu'ils attendent un remède à des maux fi preflans.
Avec moins de fupcrftition, ce Peuple s'adreffe-
roit au Gouvernement & ne s'adrefferoit qu'à lui
feul; de-là des révolutions, des foulèvemens, qui,
eu égard à la population de Naples & au caractère
hardi de fes Habitans, ne pourraient manquer de
devenir funeftes au Miniftère, & compromettraient
fùrement l'autorité du Prince, fi elles ne mettoient
même fa vie en danger.