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( 49 ) '

Quels changements dans cette ville de Smyrne, que j'avais laissée il y a quelques
années si brillante et si animée! Le déplorable incendie de 1841 a ravagé la majeure
partie des quartiers turcs et des bazars. Le quartier franc a été épargné, il est vrai ;
mais, en i834, il avait été consumé en grande partie, de sorte qu'on peut dire qu'en
J'espace de six ans toute la ville a été détruite par l'incendie. On ne peut concevoir
comment les habitants ne prennent pas plus de précautions pour se garantir d'un fléau
qui les menace sans cesse, et qu'on semble perpétuera plaisir par les constructions les
plus vicieuses. iVinsi, dans un pays où le terrain est presque pour rien, on s'obstine à
construire des rues tellement étroites, qu'un chameau chargé peut à peine y passer, et
de plus, l'usage des chah-nichin{x\ espèces de balcons ou fenêlres en surplomb, rétrécit tel-
lement la rue par le haut, que bien souvent le jour y pénètre à peine, et les toitures se
touchent d'un travers de la rue à l'autre. L'autorité turque ne se mêle en rien de la po-
lice des constructions, qui sont abandonnées aux caprices des kalfats, espèces d'archi-
tectes grecs et arméniens qui vivent dans lapins affreuse routine, et qui au fond ne sont
pas fâchés de voir de temps en temps le feu leur donner occasion d'exercer leur in-
dustrie.

Tous les bazars que l'on était occupé à rebâtir au moment de notre arrivée, sont
construits en planches tellement minces, qu'il suffît d'une étincelle pour allumer un in-
cendie.

Les alignements sont la chose dont on a le moins de souci, et chacun a le droit, selon
son caprice, d'intercepter la voie publique par des baraques, des amas de bois et des bâ-
tisses de tout genre. Une des choses les plus nécessaires à la ville de Smyrne serait un
beau quai, qui donnerait des facilités pour le débarquement des marchandises, et qui
assainirait ce quartier appelé à juste titre Tais Copriais (les ordures), où sont construites
cependant les plus belles maisons des négociants et des consuls européens.

Ce quai est déjà construit dans une partie parallèle à la rue Franque, et avec peu de
dépenses: en achetant quelques baraques de cafés, on aurait pu le continuer dans toute
l'étendue de la rade. Mais un habitant a imaginé de bâtir une maison assise au bord
de la mer et qui intercepte à tout jamais la prolongation du quai; car ni le gouverne-
ment ni les particuliers ne voudront faire les frais d'acquisition de cette maison pour la
démolir. Le terrain, dans cette localité, coûtait, en i833, 5 piastres (1 fr. 25e) le pick, c'est-
à-dire, quatre pieds carrés; il coûte aujourd'hui 20 piastres (4 fr. 5oc). C'était un excellent
calcul pour les négociants établis à Smyrne; c'en était un également pour le gouvernement,
car, le bord de la mer étant ainsi occupé par des maisons et des baraques, la sur-
veillance de la contrebande devient impossible. Les constructions qu'on avait commen-
cées il y a quelques aimées, au nord de la ville, se sont multipliées rapidement. Le
quartier qu'on appelle Gul-Mahallé (la rue des Roses) n'est plus le plus beau quartier
de Smyrne, et la population européenne se transporte peu à peu vers le quartier de
l'hôpital français, qui était autrefois isolé au milieu des jardins, et qui est aujourd'hui
entouré de maisons.

J'avais fait prévenir mon vieux cawas Méhémet Tounouslou, qui m'avait accompagné
dans mes précédents voyages, et qui se trouva prêt à notre arrivée. Les cawas appar-
tiennent à un corps militaire, organisé dans toutes les villes, sous les ordres des gou-
verneurs; ils sont chargés de la police, et remplissent, près des étrangers qui voyagent
avec des fermans, les fonctions de maréchal des logis. Ce sont eux qui répondent de la

(1) Trône royal.

Tome III. ï 3
 
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