Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel
Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne a la renaissance (Band 1) — Paris, 1858

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.1313#0454
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
426 CONCLUSION.

coup se soucient médiocrement qu'un meuble remplisse son objet,
pourvu qu'il sorte des ateliers de tel fabricant en vogue. Tout cela
n'est pas très-sérieux, et nous avouons qu'il faut avoir l'esprit mal
fait pour s'en fâcher ; mais ce qui n'est qu'un travers d'esprit chez
un particulier devient une inconvenance au premier chef lorsqu'il
s'agit des objets destinés à l'usage du culte religieux, par exemple.
Or, depuis qu'il s'est fait une réaction chez nous en faveur des arts
du moyen âge, nous voyons nos églises se remplir de meubles
soi-disant gothiques, ridicules par la forme, insuffisants par la
matière et l'exécution, et qui n'ont d'autre avantage que de périr
promptement. Le zèle, respectable mais peu éclairé souvent, des
ecclésiastiques, la modicité des ressources dont ils disposent, les
ont mis à la discrétion de cette classe de fabricants qui avilissent
leur profession en produisant à bas prix des objets qui, par leur
nature et leur destination, exigent sinon du luxe, au moins du soin,
un travail consciencieux, du savoir et le respect pour tout ce qui
tient au culte. C'est là une chose funeste, et à laquelle les esprits
éclairés dans le clergé apporteront certainement un remède : car,
pour quelques dignes dévotes émerveillées devant ces productions
barbares, il est beaucoup de gens qui s'attristent en voyant nos
églises se garnir de meubles d'un goût déplorable, prêtant à rire,
mal faits, inconvenants même, et qui, sous la dorure et les oripeaux,
cachent les matières les plus fragiles ou les plus grossières, un art
sans forme, une exécution misérable. La pauvreté décente et
modeste commande partout le respect et la sympathie; mais la
pauvreté qui se cache sous l'apparence du luxe et de la richesse,
et laisse voir, malgré qu'elle en ait, les haillons sous la pourpre,
n'est plus la pauvreté : c'est la misère vaniteuse, qui n'excite que
la pitié et la raillerie.

Parmi ces splendeurs à bon marché, ce faux goût et ce faux luxe,
nous sommes ravis quand nous trouvons un banc bien fait, une
bonne table de chêne portant d'aplomb sur ses pieds, des rideaux
de laine qui paraissent être en laine, une chaise commode et solide,
une armoire qui s'ouvre et se ferme bien, nous montrant en dedans
et en dehors le bois dont elle est faite et laissant deviner son usage.
Espérons un retour vers ces idées saines, et qu'en fait de mobilier,
comme en toute chose, on en viendra à comprendre que le goût
consiste à paraître ce que l'on est et non ce que l'on voudrait être.
 
Annotationen