NOTES SUR LA RELIURE STRASBOURGEOISE
AU XVIe SIÈCLE
PARTICULIÈREMENT SUR PHILIPPE HOFFOTT
par ALPHONSE MORGENTHALER
IE premier des fous que Sébastien Brant embarque dans sa fameuse Nef
j est le fou des livres. Dans l'édition de 1494, on voit le bonhomme biblio-
mane dans sa stalle, entouré de gros in-folio qui présentent tous une reliure
uniforme aux plats garnis de clous : on pourrait l’appeler la reliure d’incu-
nable* n’était qu’on voit dans nos bibliothèques des reliures de la fin du
xve siècle, qui sont décorées d’une manière moins simple. C’est encore des
in-folio à ais, aux nervures saillantes qu’on voit autour de la table de travail
d’Erasme de Rotterdam, sur la gravure de Dürer (1526). Mais voici, contras-
tant fortement avec cette manière archéologique, sur une toile de H. Bal-
dung-Grien qui se trouve au Musée des Beaux Arts de Strasbourg et qui re-
présente la Lapidation de saint Étienne, un petit in-8° avec une reliure en
vélin, largement couvert d’un ornement d’acanthe d’un effet très déco-
ratif. Si l’on peut regretter que chez nous la décoration du livre ne se soit
pas alors engagée dans cette voie nouvelle, on est cependant heureux de cons-
tater qu’elle ne s’est pas non plus laissée entraîner à cette manière fantaisiste,
que plus tard, vers la fin du xixe siècle, on cultivait dans l’entourage des frères
de Concourt. On a justement reproché à cette reliure de fin de siècle l’abus
qu’elle faisait de l’ornementation à figures humaines et du portrait. Il y a
là une erreur fondamentale, une contradiction entre la matière et la forme,
dont notre xvie siècle sut se garder, quand il entreprit une décoration ana-
logue des plats du livre dans la manière dite allemande. La reliure décorée
par des figures allégoriques ou par des portraits, c’est le xvie siècle qui l’a
AU XVIe SIÈCLE
PARTICULIÈREMENT SUR PHILIPPE HOFFOTT
par ALPHONSE MORGENTHALER
IE premier des fous que Sébastien Brant embarque dans sa fameuse Nef
j est le fou des livres. Dans l'édition de 1494, on voit le bonhomme biblio-
mane dans sa stalle, entouré de gros in-folio qui présentent tous une reliure
uniforme aux plats garnis de clous : on pourrait l’appeler la reliure d’incu-
nable* n’était qu’on voit dans nos bibliothèques des reliures de la fin du
xve siècle, qui sont décorées d’une manière moins simple. C’est encore des
in-folio à ais, aux nervures saillantes qu’on voit autour de la table de travail
d’Erasme de Rotterdam, sur la gravure de Dürer (1526). Mais voici, contras-
tant fortement avec cette manière archéologique, sur une toile de H. Bal-
dung-Grien qui se trouve au Musée des Beaux Arts de Strasbourg et qui re-
présente la Lapidation de saint Étienne, un petit in-8° avec une reliure en
vélin, largement couvert d’un ornement d’acanthe d’un effet très déco-
ratif. Si l’on peut regretter que chez nous la décoration du livre ne se soit
pas alors engagée dans cette voie nouvelle, on est cependant heureux de cons-
tater qu’elle ne s’est pas non plus laissée entraîner à cette manière fantaisiste,
que plus tard, vers la fin du xixe siècle, on cultivait dans l’entourage des frères
de Concourt. On a justement reproché à cette reliure de fin de siècle l’abus
qu’elle faisait de l’ornementation à figures humaines et du portrait. Il y a
là une erreur fondamentale, une contradiction entre la matière et la forme,
dont notre xvie siècle sut se garder, quand il entreprit une décoration ana-
logue des plats du livre dans la manière dite allemande. La reliure décorée
par des figures allégoriques ou par des portraits, c’est le xvie siècle qui l’a