DÉCORATIF
On a vu tout-à-l'heure que lorsqu'il s'est
agi d'embeiiir i'imprimë, on n'a. pas hésité sur
le choix des moyens. Personne n'u jamais eu
i'idée de demander ia beauté du livre à des
recherches de forme. Quelqu'un s'est-il avisë
de ie faire ovale, ou d'en prohier ia tranche
suivant une courbe étudiée, ou de le bomber
comme une ientille? Ce quelqu'un, s'ii eût
existé, aurait bien sûr gardé sa marchandise
pour compte ! Celà n'eût pourtant pas été
beaucoup plus singuiier que de chercher la
beauté d'un objet dans des hgurations qui lui
sont ëtrangères, quand ii ne doit agir sur nous
que par sa forme et sa matière. Or, c'est là
qu'en tont la plupart des artistes qui cherchent
à mettre l'art dans l'objet. Le mot dLart
appliqué)) par iequei se désignent ieurs travaux
en dit long. Que nos anciens s'exprimaient
mieux, avec ieur modeste barbarisme: //////<?r/
S'iis commettaient i'erreur que nous continuons,
au moins iis ne l'érigeaient pas en principe!
Comment, dans cet état de choses, i'industrie
pourrait-elle -xrépandre de bonnes formuies?»
Où les prendrait-elies? Où sont-elles? Qrtand
les artistes eux-mêmes montrent par i'ensemble
de leurs œuvres que ie principe de ces «bonnes
formules» reste inaperçu de tant d'eux, peut-on
lui reprocher de n'être pas mieux instruite? Le
jour où l'accord sera fait chez ceux dont la
mission est de ies trouver, ces formules, sur
ce qu'elies doivent être, sur le mode de beauté
propre à chaque classe d'objets, sur ce qui est
séant dans celui-ci, déplacé dans celui-là, ies
industries ne seront pas plus embarrassées pour
bien faire, n'en doutez pas, que l'imprimerie ne
i'est depuis qu'eiie s'y est mise. L'incapacité
congénitale à «faire beau», dont on accuse
voiontiers i'industrie, n'existe que dans l'ima-
ginationde ses dëtracteurs. Eile «fait iaid» aujour-
d'hui, on ne ie iui dira jamais assez ; mais ce
n'est pas sa faute, et de ce qu'elie embarque
la lame par une mer démontée, il ne s'ensuit
pas qu'eiie soit impropre à marcher sans tanguer
quand le beau temps viendra.
Une autre accusation souvent formulèe contre
i'industrie est ceüe «d'eniever à l'objet ia heur
de ia chose faite à la main», ainsi que dit
M. Arsène Alexandre en ia reprenant pour son
compte. Evidemment ii y a des choses que
les machines ou les procédés ne reproduiront
jamais qu'imparfaitement; si imparfaitement,
qu'on a tort d'essayer. La question est de
savoir si c'est un si grand mal qu'on veut bien
ie dire, en d'autres termes, si ies procèdès indus-
triels ne peuvent suihre à l'artiste pour crèer
des œuvres d'art. Tei n'est point, paraît-il, i'avis
de Grasset, ni d'Henri Rivière, ni d'Auriol, des
maîtres, ni de vingt autres artistes d'un taient
reconnu, qui consacrent ies trois quarts de leur
temps et de leur peine à des oeuvres destinèes
tout exprès à la reproduction en masse. Quand
Grasset fait une estampe dècorative, Rivière ses
«aspects de ia nature», Aurioi une couverture
de partition, ils ne cherchent pas à faire un
tableau. Iis savent ce que le procédé peut
donner, et ont la sagesse de ne pas lui demander
autre chose, de s'astreindre à crèer sans en dè-
passer les limites. Ceià ne ies empëche pas
de produire des œuvres admirèes de tout le
monde, y compris ies moins chauds partisons
de la machine; ie bel article de M. Arsène
Alexandre sur Auriol le prouve.
Ces artistes là sont de ieur temps . . . ils
trouvent qu'on peut faire de l'art avec d'autres
instruments que le pinceau et ie ciseau, et que
puisque ie gènie moderne en a inventès par les-
queis on peut crèer des œuvres dont tout le
monde jouisse, ii y a miüe raisons de ne pas
faire h de ces nouveaux outils. 11 faut s'en
servir autrement que des vieux, voilà tout.
L'artiste vèritable sait faire de l'art avec tous
les moyens, et en mettre en tout ce qu'il fait.
Puis, si l'incapacitë de la machine à rendre
exactement ie travail à la main dans certaines
sortes d'ouvrages ne peut être contestèe, il y
en a d'autres sortes dans lesquelles elie est apte à
l'ègaler et même à ie surpasser, et d'autres
sortes encore où ceci n'est qu'une question de
temps. Tout praticien au courant du travai!
mècanique du bois dans les grandes usines
amèricaines et angiaises vous dira que teis
meubles, dessinès par un architecte en renom
et recherchés des amateurs d'un goût sùr, pour-
raient, au moyen de machines existantes, se
faire industriellement par grandes quantitès à
un prix inhniment plus bas que leur prix actuel,
absoiument avec la même perfection que ceux
qui sortent des mains des ouvriers de cet artiste.
11 ne faut pas ètre démesurèment optimiste pour
entrevoir les ravissants verres de table de M.
Koepping — objets d'art dans ie plus haut sens
du mot. quoique non dècorès d'allëgories, de
heurs, de rameaux, ni de petites femmes —
ou les superbes vases de M. Tiffany faits en
masse par l'industrie, aussi bien qu'aujourd'hui
par leurs auteurs, dans un avenir pas très-
lointain. Ahaire de chimistes et de mècaniciens!
ceux-la font des prodiges, par le temps qui
court. Leur tâche sera du reste facilitée par
ceci, que l'art dans l'objet (le mot vaut mieux
que celui d'art appliqué) — que i'art dans
l'objet doit fatalement, dans beaucoup de ses
branches, tendre vers une voie de simplihcation
où les difhcultés actueiles d'exècution s'attè-
nueront.
Tout ceci n'est pas ècrit en vue de dèfendre
M<$
On a vu tout-à-l'heure que lorsqu'il s'est
agi d'embeiiir i'imprimë, on n'a. pas hésité sur
le choix des moyens. Personne n'u jamais eu
i'idée de demander ia beauté du livre à des
recherches de forme. Quelqu'un s'est-il avisë
de ie faire ovale, ou d'en prohier ia tranche
suivant une courbe étudiée, ou de le bomber
comme une ientille? Ce quelqu'un, s'ii eût
existé, aurait bien sûr gardé sa marchandise
pour compte ! Celà n'eût pourtant pas été
beaucoup plus singuiier que de chercher la
beauté d'un objet dans des hgurations qui lui
sont ëtrangères, quand ii ne doit agir sur nous
que par sa forme et sa matière. Or, c'est là
qu'en tont la plupart des artistes qui cherchent
à mettre l'art dans l'objet. Le mot dLart
appliqué)) par iequei se désignent ieurs travaux
en dit long. Que nos anciens s'exprimaient
mieux, avec ieur modeste barbarisme: //////<?r/
S'iis commettaient i'erreur que nous continuons,
au moins iis ne l'érigeaient pas en principe!
Comment, dans cet état de choses, i'industrie
pourrait-elle -xrépandre de bonnes formuies?»
Où les prendrait-elies? Où sont-elles? Qrtand
les artistes eux-mêmes montrent par i'ensemble
de leurs œuvres que ie principe de ces «bonnes
formules» reste inaperçu de tant d'eux, peut-on
lui reprocher de n'être pas mieux instruite? Le
jour où l'accord sera fait chez ceux dont la
mission est de ies trouver, ces formules, sur
ce qu'elies doivent être, sur le mode de beauté
propre à chaque classe d'objets, sur ce qui est
séant dans celui-ci, déplacé dans celui-là, ies
industries ne seront pas plus embarrassées pour
bien faire, n'en doutez pas, que l'imprimerie ne
i'est depuis qu'eiie s'y est mise. L'incapacité
congénitale à «faire beau», dont on accuse
voiontiers i'industrie, n'existe que dans l'ima-
ginationde ses dëtracteurs. Eile «fait iaid» aujour-
d'hui, on ne ie iui dira jamais assez ; mais ce
n'est pas sa faute, et de ce qu'elie embarque
la lame par une mer démontée, il ne s'ensuit
pas qu'eiie soit impropre à marcher sans tanguer
quand le beau temps viendra.
Une autre accusation souvent formulèe contre
i'industrie est ceüe «d'eniever à l'objet ia heur
de ia chose faite à la main», ainsi que dit
M. Arsène Alexandre en ia reprenant pour son
compte. Evidemment ii y a des choses que
les machines ou les procédés ne reproduiront
jamais qu'imparfaitement; si imparfaitement,
qu'on a tort d'essayer. La question est de
savoir si c'est un si grand mal qu'on veut bien
ie dire, en d'autres termes, si ies procèdès indus-
triels ne peuvent suihre à l'artiste pour crèer
des œuvres d'art. Tei n'est point, paraît-il, i'avis
de Grasset, ni d'Henri Rivière, ni d'Auriol, des
maîtres, ni de vingt autres artistes d'un taient
reconnu, qui consacrent ies trois quarts de leur
temps et de leur peine à des oeuvres destinèes
tout exprès à la reproduction en masse. Quand
Grasset fait une estampe dècorative, Rivière ses
«aspects de ia nature», Aurioi une couverture
de partition, ils ne cherchent pas à faire un
tableau. Iis savent ce que le procédé peut
donner, et ont la sagesse de ne pas lui demander
autre chose, de s'astreindre à crèer sans en dè-
passer les limites. Ceià ne ies empëche pas
de produire des œuvres admirèes de tout le
monde, y compris ies moins chauds partisons
de la machine; ie bel article de M. Arsène
Alexandre sur Auriol le prouve.
Ces artistes là sont de ieur temps . . . ils
trouvent qu'on peut faire de l'art avec d'autres
instruments que le pinceau et ie ciseau, et que
puisque ie gènie moderne en a inventès par les-
queis on peut crèer des œuvres dont tout le
monde jouisse, ii y a miüe raisons de ne pas
faire h de ces nouveaux outils. 11 faut s'en
servir autrement que des vieux, voilà tout.
L'artiste vèritable sait faire de l'art avec tous
les moyens, et en mettre en tout ce qu'il fait.
Puis, si l'incapacitë de la machine à rendre
exactement ie travail à la main dans certaines
sortes d'ouvrages ne peut être contestèe, il y
en a d'autres sortes dans lesquelles elie est apte à
l'ègaler et même à ie surpasser, et d'autres
sortes encore où ceci n'est qu'une question de
temps. Tout praticien au courant du travai!
mècanique du bois dans les grandes usines
amèricaines et angiaises vous dira que teis
meubles, dessinès par un architecte en renom
et recherchés des amateurs d'un goût sùr, pour-
raient, au moyen de machines existantes, se
faire industriellement par grandes quantitès à
un prix inhniment plus bas que leur prix actuel,
absoiument avec la même perfection que ceux
qui sortent des mains des ouvriers de cet artiste.
11 ne faut pas ètre démesurèment optimiste pour
entrevoir les ravissants verres de table de M.
Koepping — objets d'art dans ie plus haut sens
du mot. quoique non dècorès d'allëgories, de
heurs, de rameaux, ni de petites femmes —
ou les superbes vases de M. Tiffany faits en
masse par l'industrie, aussi bien qu'aujourd'hui
par leurs auteurs, dans un avenir pas très-
lointain. Ahaire de chimistes et de mècaniciens!
ceux-la font des prodiges, par le temps qui
court. Leur tâche sera du reste facilitée par
ceci, que l'art dans l'objet (le mot vaut mieux
que celui d'art appliqué) — que i'art dans
l'objet doit fatalement, dans beaucoup de ses
branches, tendre vers une voie de simplihcation
où les difhcultés actueiles d'exècution s'attè-
nueront.
Tout ceci n'est pas ècrit en vue de dèfendre
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