AOÙT 1899
la peinture ou ia scuipture hguuttives, c'est-à-
dire un mode de la beauté sans mpport avec
ie mode par lequel iis doivent nous toucher.
Un second exemple va conhrmer cette con-
clusion : celui de l'orfèvrerie, qui n'empioie
pas la machine et ne produit pas i'objet en
masse, naais qui n'en est pas moins aux rnains
d'hommes qui sont, en générai, non des artistes
mais des industriels.
L'orfèvrerie est, comme i'intprimerie, en
voie d'heureuse transformation dans ie sens
de la beautë et pour une raison
anaiogue. Ici, la beauté ne relève
que de ia fantaisie de l'artiste ; plus
cette fantaisie est briiiante, pius sera
grande ia fascination du bijou. Tout
est permis ; aucune ioi, aucune con-
venance n'enchaine i'imagination de
l'artiste crèateur; elie ne peut iaire
fausse route, puisque tous ies che-
mins peuvent la conduire au but.
L'artiste est libre de faire tout ce
qu'ii lui piait: pius ce sera inattendu,
pius son caprice eniantera i'irrëei,
mieux celà vaudra. Dans des con-
ditions de liberté si grandes, les artistes
du bijou, comme ceux du iivre, étaient trouvés
d'avance; tout bon sculpteur doué de queique
richesse d imagination avec une pointe d'ama-
biiité est, pour ainsi dire, orfèvre de naissance;
ii iui sufht de s'initier aux particuiarités du
métier. Le jour où un orfèvre-artiste a montré
à ses conirères, simples industrieis,
ce que c'est qu'un beau bijou,
ceux-ci ne se le sont pas iait dire
deux iois, et le personnel de la
nouveiie orfèvrerie n'a pas été long
à iormer. Résultat: passez par la
rue de ia Paix, ceià sufht pour
voir que la haute et ia moyenne
orfèvrerie commerciales produisent
des objets dont la moyenne va
s'éievant de semestre en semestre.
Ici encore, on ne pouvait se tromper
sur ie mode de beautë de i'objet;
ii a sufh qu'une circonstance quei-
conque déterminât i'industriei à
faire beau pour qu'ii sût faire beau.
Et ce n'est pas seuiement à l'orfèvrerie de
luxe, mais au bijou commun que ia conséquence
s'étend déjà. Les boucles de ceinture repro-
duites dans cet article, prises au hasard entre
dix autres de même genre, donnent un exemple
de ce que fait aujourd'hui i'ndustrie parisienne
du bijou à bon marchë. Comme dessin, c'est
incomparablement meilieur que ce qui se
faisait avant; comme exécution, c'est très-
proprement estampé en un métal bianc d'un
aspect agréable, pareii au vieii argent. Et ceià
coûte 2 fr. à ^ fr. 75. En y mettant 10
ou 12 francs, on a des choses tout-à-fait bien.
Voyons à présent ce qui se passe dans d'autres
branches de i'art dit appiiqué; prenons le
meuble, par exemple. En ne considërant d'abord
que ies œuvres des artistes, on se trouve en
prësence des objets ies pius disparates qui se
puissent imaginer. L'un cherche la beauté
dans i'harmonie des iignes, i'autre dans la sin-
gularitë des formes; ceiui-ci dans l'introduction
de peintures, celui-là dans celie de
sculptures; sans parler de ceux qui
s'en tiennent à rabacher non îes
vieiiles chansons — M. Arsëne
Alexandre a raison de dire qu'eiles
redeviennent nouvciies, dites par
une voix nouveiie — mais les fausses
notes de nos aïeux. Tout ie monde
ne saurait pourtant avoir raison, là-
dedans! li y a cent manières d'acco-
moder ie poisson, et tout bon cui-
sinier peut en inventer d'autres;
ntais ceiui qui ie servirait assaisonné
de iraises serait sommè sur i'heure
de rendre son tabiier. Est-ce ia
sauce du peintre ou du scuipteur, ou ceiie de
i'architecte, ou celie de i'archëoiogue qui con-
vient au meuble? Ii s'agirait de savoir à quoi
s'en tenir là-dessus. Qu'on n'invoque pas ici
ia iibertè de i'artiste; s'ii est entendu qu'eiie
doit rester entière, si chacun doit parier selon
son tempèrament, si personne ne
tente ia folie entreprise d'eniermer
i'art dans une sorte de grammaire,
en dictant à l'artiste pour chaque
objet ia «scène à faire» de feu Sar-
cey, il n'en faut pas conclure qu'ii
soit permis à i'artiste plus qu'à
d'autres de danser ie pas de quatre
quand ii s'agit de faire une mui-
tipiication. Du moment qu'on admet
que l'ensemble des meubies d'un
intèrieur — continuons i'exemple
— doit faire naître un certain mode
d'impressions, on reconnait par ia
même que sa beauté doit être d'un
mode dèterminè, incompatibie avec ies autres
modes du beau. Quant vous entrez dans votre
chambre à coucher, est-ce pour vous trouver à
i'instant plongé dans un bain de sentiments
lyriques, pastoraux, épiques, èiègiaques? En
ce cas, les architectes ont tort de ne vous
mettre sous les yeux que de belle menuiserie.
Mais si c'est le contraire, les peintres et ies
scuipteurs doivent garder ieur littèrature pour
d'autres occasions. Si ies uns ont raison, ceià
sufht pour que les autres se trompent.
BOUCLE DE CEINTURE EN
MÉTAL BLANC (2 fr. 75) ts
BOUCLE DE CEtNTURE EN
MÉTAL BLANC (3 fr. 75)
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la peinture ou ia scuipture hguuttives, c'est-à-
dire un mode de la beauté sans mpport avec
ie mode par lequel iis doivent nous toucher.
Un second exemple va conhrmer cette con-
clusion : celui de l'orfèvrerie, qui n'empioie
pas la machine et ne produit pas i'objet en
masse, naais qui n'en est pas moins aux rnains
d'hommes qui sont, en générai, non des artistes
mais des industriels.
L'orfèvrerie est, comme i'intprimerie, en
voie d'heureuse transformation dans ie sens
de la beautë et pour une raison
anaiogue. Ici, la beauté ne relève
que de ia fantaisie de l'artiste ; plus
cette fantaisie est briiiante, pius sera
grande ia fascination du bijou. Tout
est permis ; aucune ioi, aucune con-
venance n'enchaine i'imagination de
l'artiste crèateur; elie ne peut iaire
fausse route, puisque tous ies che-
mins peuvent la conduire au but.
L'artiste est libre de faire tout ce
qu'ii lui piait: pius ce sera inattendu,
pius son caprice eniantera i'irrëei,
mieux celà vaudra. Dans des con-
ditions de liberté si grandes, les artistes
du bijou, comme ceux du iivre, étaient trouvés
d'avance; tout bon sculpteur doué de queique
richesse d imagination avec une pointe d'ama-
biiité est, pour ainsi dire, orfèvre de naissance;
ii iui sufht de s'initier aux particuiarités du
métier. Le jour où un orfèvre-artiste a montré
à ses conirères, simples industrieis,
ce que c'est qu'un beau bijou,
ceux-ci ne se le sont pas iait dire
deux iois, et le personnel de la
nouveiie orfèvrerie n'a pas été long
à iormer. Résultat: passez par la
rue de ia Paix, ceià sufht pour
voir que la haute et ia moyenne
orfèvrerie commerciales produisent
des objets dont la moyenne va
s'éievant de semestre en semestre.
Ici encore, on ne pouvait se tromper
sur ie mode de beautë de i'objet;
ii a sufh qu'une circonstance quei-
conque déterminât i'industriei à
faire beau pour qu'ii sût faire beau.
Et ce n'est pas seuiement à l'orfèvrerie de
luxe, mais au bijou commun que ia conséquence
s'étend déjà. Les boucles de ceinture repro-
duites dans cet article, prises au hasard entre
dix autres de même genre, donnent un exemple
de ce que fait aujourd'hui i'ndustrie parisienne
du bijou à bon marchë. Comme dessin, c'est
incomparablement meilieur que ce qui se
faisait avant; comme exécution, c'est très-
proprement estampé en un métal bianc d'un
aspect agréable, pareii au vieii argent. Et ceià
coûte 2 fr. à ^ fr. 75. En y mettant 10
ou 12 francs, on a des choses tout-à-fait bien.
Voyons à présent ce qui se passe dans d'autres
branches de i'art dit appiiqué; prenons le
meuble, par exemple. En ne considërant d'abord
que ies œuvres des artistes, on se trouve en
prësence des objets ies pius disparates qui se
puissent imaginer. L'un cherche la beauté
dans i'harmonie des iignes, i'autre dans la sin-
gularitë des formes; ceiui-ci dans l'introduction
de peintures, celui-là dans celie de
sculptures; sans parler de ceux qui
s'en tiennent à rabacher non îes
vieiiles chansons — M. Arsëne
Alexandre a raison de dire qu'eiles
redeviennent nouvciies, dites par
une voix nouveiie — mais les fausses
notes de nos aïeux. Tout ie monde
ne saurait pourtant avoir raison, là-
dedans! li y a cent manières d'acco-
moder ie poisson, et tout bon cui-
sinier peut en inventer d'autres;
ntais ceiui qui ie servirait assaisonné
de iraises serait sommè sur i'heure
de rendre son tabiier. Est-ce ia
sauce du peintre ou du scuipteur, ou ceiie de
i'architecte, ou celie de i'archëoiogue qui con-
vient au meuble? Ii s'agirait de savoir à quoi
s'en tenir là-dessus. Qu'on n'invoque pas ici
ia iibertè de i'artiste; s'ii est entendu qu'eiie
doit rester entière, si chacun doit parier selon
son tempèrament, si personne ne
tente ia folie entreprise d'eniermer
i'art dans une sorte de grammaire,
en dictant à l'artiste pour chaque
objet ia «scène à faire» de feu Sar-
cey, il n'en faut pas conclure qu'ii
soit permis à i'artiste plus qu'à
d'autres de danser ie pas de quatre
quand ii s'agit de faire une mui-
tipiication. Du moment qu'on admet
que l'ensemble des meubies d'un
intèrieur — continuons i'exemple
— doit faire naître un certain mode
d'impressions, on reconnait par ia
même que sa beauté doit être d'un
mode dèterminè, incompatibie avec ies autres
modes du beau. Quant vous entrez dans votre
chambre à coucher, est-ce pour vous trouver à
i'instant plongé dans un bain de sentiments
lyriques, pastoraux, épiques, èiègiaques? En
ce cas, les architectes ont tort de ne vous
mettre sous les yeux que de belle menuiserie.
Mais si c'est le contraire, les peintres et ies
scuipteurs doivent garder ieur littèrature pour
d'autres occasions. Si ies uns ont raison, ceià
sufht pour que les autres se trompent.
BOUCLE DE CEINTURE EN
MÉTAL BLANC (2 fr. 75) ts
BOUCLE DE CEtNTURE EN
MÉTAL BLANC (3 fr. 75)
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