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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,2.1899

DOI issue:
No.XII (Septembre 1899)
DOI article:
Meier-Graefe, Julius: Ornement floral, ornement linéaire
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https://doi.org/10.11588/diglit.34202#0260
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SEPTEMBRE 1899

quelque chose d'autre que lâ prairie où paissent
les animaux qu'on reprësentait, que c'était, par
exempie, une pièce de bois ronde, ou l'about
d'une poutre, ii failut que l'animal de i'orne-
ment devînt tout autre que l'animai du pré,
qu'ii eût, dans ses nouvelies fonctions, quelque
chose d'organique qui rendît sa prësence ad-
missible à cette piace, de même que l'animal
sur le pré est organique à celui-ci ; comme les
conditions étaient autres, cet organisme lui-
mème dut devenir autre. Ce ne fut que bien
plus tard, après une période inhniment longue
dedéveloppements successifs,quei'artfutdétourné
de son but primitif, purement ornementai, et
qu'on ht des «irnages» qui ne faisaient plus
partie d'un objet, mais qui se trouvaient sur
un fond neutre, bois, toile ou papier, et qu'on
pouvait suspendre à voionté à n'importe queiie
place des murs. Et c'est de ce détournement
du but immédiat de i'art que naquit ia con-
fusion ; c'est de là qu'on perdit la nation de
i'essence de i'art, qu'on ne sut plus si ces
«images)) étaient là pour raconter des citoses
tristes ou joyeuses, ou pour réjouir l'œil par
de beiles couieurs et de beiles iignes, qu'on
arriva à ignorer s'il s'agissait de reprèsenter ia
prairie et la vache si hdèlement, qu'eltes parussent
une vraie prairie et une vraie vache à celà près
que la vache ne donnait pas de lait et ia prairie
pas de foin, ou bien de faire une chose
diificiiement déhnissabie, sur laqueiie très-peu
sont hxés.
Un ornement n'est pas un tabieau qu'on
puisse transporter à voionté d'une piace à
une autre; ii appartient à un objet parfaite-
ment déterminé. Par consèquent, on ne peut
soulever sèrieusement la question de savoir s'ii
doit consister en une heur, un vase ou un
triangie. Du moment qu'ii remplit son but,
c'est à dire qu'ii orne le mieux possibie l'objet
dont ii fait partie, ii est bon. Pour celà, l'expérience
a fait connaître certaines iois fondamentaies.
Nous savons qu'ii est nécessaire que le motif
de l'ornement se repète, pour reposeret contenter
i'œii et par suite i'esprit. Cette répétition doit
avoir dès i'abord une inhuence sur le motif.
11 est possible de discuter si, dans un tableau,
ii est conforme au but de l'art de peindre une
vache dont la particularité principale soit une
ressemblance saisissante avec une vraie vache ;
mais ii est parfaitement inutile de se demander
s'il est permis de peindre vingt ou cinquante
fois sur le mur la mème vache très-ressembiante.
Ce serait exposer l'habitant du lieu à en
devenir fou. Celà ne veut pas dire que la
vache ne puisse servir de motif d'ornement ;
seuiement, il faut qu'elie soit transformée en
quelque chose d'autre, de manière que ie

spectateur qui l'a constamment sous les yeux
soit préservé du délire. Ce spectateur ne doit
pas reconnaître dans la tenture tant et tant de
vaches, mais y voir de belles surfaces et de
belles lignes se rèpétant en une tranquiiie har-
monie, et sur lesquelies ies meubles et les
autres objets garnissant la pièce apparaissent en
un rapport agrèabie.
Ce qui est vrai pour la vache i'est aussi
pour la heur. Si beile que soit une rose, avoir
èterneiiement devant les yeux cent roses peut
aussi devenir pèriileux. Certes, leur emploi
comme ornement est moins choquant, parceque
ia vie de la rose nous saute moins aux yeux,
parcequ'elie n'est pas douèe du mouvement
comme l'animal, parceque ia nature lui a donnè
des couleurs aimables qu'ii est doux de con-
templer, parcequ'elle èveiiie en nous ie souvenir
de son parfum et d'autres idèes agrèabies; mais
tout homme d'un sens hn se dèfendra de toute
rèpètition des images de ia nature, même dans
ce qu'eiie oifre de plus admirabie, pour la même
raison qu'il se garderait de dèsirer sentir èter-
neilement le parium de l'essence de rose : il sait
que ce serait alier au-devant du malaise, et de
pire à la longue. La rèpètition d'images dèhnies
est iatale à l'organisme de l'homme; ceiui-ci diifère
en celà de l'animal, pour qui c'est une condition
de bien-ètre.
Mais on se mèprendrait sur ie sens de cette
loi en en iaisant une arme dirigèe uniquement
contre les «horalistesx). Les artistes qui se
servent de motiis abstraits — les «linèaristes)) —
èvitent le danger que nous venons d'évoquer ; mais
iis n'en sont pas le moins du monde plus artistes
pour celà que les premiers; leurs motifs peuvent
devenir aussi intolèrabies que les motiis natura-
listes s'iis ne possèdent la proprièté de supporter
ia rèpétition. Cette propriètè n'est pas attachèe
exciusivement à la ligne ; la surface, Ja couleur,
les rapports de l'ornement à ia place qu'ii occupe,
n'ont pas moins d'importance. Tei ornement,
superbe sur ie papier, peut n'ètre nuilement à
sa place sur un meuble ou devenir un non-sens
s'il couronne une colonne. C'est le but à
remplir qui donne ici ia mesure. La conrbinaison
de lignes la plus simpie, un de ces dessins qui
viennent par hasard sous le crayon d'un enfant,
peut avoir plus de valeur, mis à la juste place,
qu'une œuvre de génie mai employèe.
L'antagonisme du principe des artistes «ho-
ralistes)) et des «linéaristes» dans notre art
appliquè est donc imaginaire, comme l'ètait
ceiui des rèalistes et des idèalistes en peinture.
Quant au compromis conciliateur de ceux qui
ne veuient de l'ornement abstrait que pour les
objets de caractère constructif, et de l'ornement
horal que pour ies surfaces, il doit ètre aussi
 
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