2 ÉCOLE HOLLANDAISE.
dont il portait le nom, sans avoir, à ce qu’il paraît, appartenu à sa famille, n’est pas moins un titre
d’honneur qu’une marque d’infériorité ; car on peut se contenter d’une place après Van Dyck, et c’est
beaucoup que d’en être assez près pour avoir fait songer à la nécessité d’une distinction L »
Cette page de M. Guizot est déjà sans doute une excellente appréciation de Philippe Van Dyck et de
l’école en décadence qu’il représenta ; nous dirons seulement, à l’inverse du grave écrivain que nous
venons de citer, que le surnom de petit Van Dyck donné à Philippe est beaucoup plus une marque
d’infériorité qu’un titre d’honneur. Personne assurément n’a pu croire à la nécessité d’une distinction entre
ces deux peintres qui n’ont entre eux aucun rapport, et dont l’un est souvent si près de la perfection quand
l’autre en est toujours si loin. A plus forte raison ne peut-on souscrire à cet emphatique éloge de Descamps :
« Philippe Van Dyck, si digne du nom qu’il portait, est encore aujourd’hui regretté de la Hollande, qui le
considère comme le dernier de ses plus grands peintres. »
Élève d’Arnould de Boonen, le petit Van Dyck ne voulut quitter son maître que lorsqu’il jugea n’avoir
plus rien à apprendre de lui. Aussi était-il encore à l’école quand déjà ses petits ouvrages précieusement
finis trouvaient des acheteurs empressés. Au commencement du dix-neuvième siècle, et même dès la fin
du siècle précédent, la peinture hollandaise s’était mise à la recherche du style, et, sous l’influence de
Gérard de Lairesse, avait abandonné son principe, qui était la pure observation de la nature, pour se livrer
à la poursuite d’un idéal de beauté qu’elle ne pouvait atteindre. Les curieux eux-mêmes encourageaient de
préférence les imitateurs de Van der Werff et voulaient que l’on respectât dorénavant ces convenances
académiques dont leurs pères s’étaient si bien passé. Le naïf Ostade, le simple Wynants, le fantastique
Rembrandt avaient beaucoup perdu de leur prestige, et l’école de Hollande en était venue à ce point qu’elle
exigeait non-seulement des formes choisies dans les figures historiques, mais du style jusque dans le
paysage, de sorte, que perdant ses qualités originales pour en chercher qui étaient hors de sa portée, la
peinture hollandaise ne produisait que des ouvrages bâtards. Ce qu’on voyait florir dans ce temps-là,
c’étaient des paysagistes décorateurs, tels que Jean Van Huysum et Isaac Moucheron; des peintres d’histoire,
tels que Limborgh, Verkolie et Philippe Van Dyck.
Celui-ci s’était marié à Amsterdam, au sortir de chez Boonen; mais, craignant de ne pas brûler
suffisamment dans une ville remplie alors de peintres en renom, il alla s’établir à Middlebourg, en l’année
1710. Là, il se fit connaître de quelques amateurs distingués et fort riches, entre autres l’amiral Ockkerse
et le bourgmestre Kouwerven, qui le chargèrent de leur composer des collections de tableaux flamands et
hollandais. Philippe Van Dyck se mit donc en route pour leur compte, et sa double qualité de collectionneur
•et de peintre lui ouvrit la porte de tous les cabinets de Flandre, du Brabant et des autres provinces des
Pays-Bas. Retenu quelque temps dans les villes qu’il visitait, il eut le loisir d’y peindre un certain nombre
de ces tableaux de chevalet que l’on trouvait jolis parce qu’ils étaient proprement peints et finement
soignés, de façon que durant son voyage, ou plutôt ses voyages, car il en fit plusieurs, il vendit presque
autant de ses propres tableaux qu’il en acheta de ceux des autres. Comme il était à La Haye, il apprit la
mort de ses protecteurs, et, se croyant plus libre, il résolut de fixer sa demeure dans cette capitale dont
le séjour lui plaisait et où il espérait s’enrichir. Il fut chargé, en effet, de former des galeries de tableaux
aux amateurs les plus opulents : MM. Fagel et Van Schuylenburg, le comte de Wassenaer et le prince
Guillaume de Hesse. Ce dernier personnage présenta lui-même Philippe Van Dyck au prince d’Orange,
stathouder de la Frise, qui se fit peindre avec sa mère et sa sœur dans un même tableau, qu’il offrit en
présent au prince de Hesse.
Employé tour à tour comme connaisseur et comme peintre, le petit Van Dyck décora pour M. Van
Schuylenburg, un plafond où il réprésenta le sujet d’Iphigénie enlevée au ciel, donnant à chacune de ses
figures la ressemblance d’un des membres de la famille Schuylenburg. Il fut amené ensuite à Cassel par le
prince de Hesse pour y faire, sur une seule toile, tous les portraits des parents de ce prince, et il en fut
Guizot, Études sur les beaux arts, page 397. Paris, Didier, 1852.
dont il portait le nom, sans avoir, à ce qu’il paraît, appartenu à sa famille, n’est pas moins un titre
d’honneur qu’une marque d’infériorité ; car on peut se contenter d’une place après Van Dyck, et c’est
beaucoup que d’en être assez près pour avoir fait songer à la nécessité d’une distinction L »
Cette page de M. Guizot est déjà sans doute une excellente appréciation de Philippe Van Dyck et de
l’école en décadence qu’il représenta ; nous dirons seulement, à l’inverse du grave écrivain que nous
venons de citer, que le surnom de petit Van Dyck donné à Philippe est beaucoup plus une marque
d’infériorité qu’un titre d’honneur. Personne assurément n’a pu croire à la nécessité d’une distinction entre
ces deux peintres qui n’ont entre eux aucun rapport, et dont l’un est souvent si près de la perfection quand
l’autre en est toujours si loin. A plus forte raison ne peut-on souscrire à cet emphatique éloge de Descamps :
« Philippe Van Dyck, si digne du nom qu’il portait, est encore aujourd’hui regretté de la Hollande, qui le
considère comme le dernier de ses plus grands peintres. »
Élève d’Arnould de Boonen, le petit Van Dyck ne voulut quitter son maître que lorsqu’il jugea n’avoir
plus rien à apprendre de lui. Aussi était-il encore à l’école quand déjà ses petits ouvrages précieusement
finis trouvaient des acheteurs empressés. Au commencement du dix-neuvième siècle, et même dès la fin
du siècle précédent, la peinture hollandaise s’était mise à la recherche du style, et, sous l’influence de
Gérard de Lairesse, avait abandonné son principe, qui était la pure observation de la nature, pour se livrer
à la poursuite d’un idéal de beauté qu’elle ne pouvait atteindre. Les curieux eux-mêmes encourageaient de
préférence les imitateurs de Van der Werff et voulaient que l’on respectât dorénavant ces convenances
académiques dont leurs pères s’étaient si bien passé. Le naïf Ostade, le simple Wynants, le fantastique
Rembrandt avaient beaucoup perdu de leur prestige, et l’école de Hollande en était venue à ce point qu’elle
exigeait non-seulement des formes choisies dans les figures historiques, mais du style jusque dans le
paysage, de sorte, que perdant ses qualités originales pour en chercher qui étaient hors de sa portée, la
peinture hollandaise ne produisait que des ouvrages bâtards. Ce qu’on voyait florir dans ce temps-là,
c’étaient des paysagistes décorateurs, tels que Jean Van Huysum et Isaac Moucheron; des peintres d’histoire,
tels que Limborgh, Verkolie et Philippe Van Dyck.
Celui-ci s’était marié à Amsterdam, au sortir de chez Boonen; mais, craignant de ne pas brûler
suffisamment dans une ville remplie alors de peintres en renom, il alla s’établir à Middlebourg, en l’année
1710. Là, il se fit connaître de quelques amateurs distingués et fort riches, entre autres l’amiral Ockkerse
et le bourgmestre Kouwerven, qui le chargèrent de leur composer des collections de tableaux flamands et
hollandais. Philippe Van Dyck se mit donc en route pour leur compte, et sa double qualité de collectionneur
•et de peintre lui ouvrit la porte de tous les cabinets de Flandre, du Brabant et des autres provinces des
Pays-Bas. Retenu quelque temps dans les villes qu’il visitait, il eut le loisir d’y peindre un certain nombre
de ces tableaux de chevalet que l’on trouvait jolis parce qu’ils étaient proprement peints et finement
soignés, de façon que durant son voyage, ou plutôt ses voyages, car il en fit plusieurs, il vendit presque
autant de ses propres tableaux qu’il en acheta de ceux des autres. Comme il était à La Haye, il apprit la
mort de ses protecteurs, et, se croyant plus libre, il résolut de fixer sa demeure dans cette capitale dont
le séjour lui plaisait et où il espérait s’enrichir. Il fut chargé, en effet, de former des galeries de tableaux
aux amateurs les plus opulents : MM. Fagel et Van Schuylenburg, le comte de Wassenaer et le prince
Guillaume de Hesse. Ce dernier personnage présenta lui-même Philippe Van Dyck au prince d’Orange,
stathouder de la Frise, qui se fit peindre avec sa mère et sa sœur dans un même tableau, qu’il offrit en
présent au prince de Hesse.
Employé tour à tour comme connaisseur et comme peintre, le petit Van Dyck décora pour M. Van
Schuylenburg, un plafond où il réprésenta le sujet d’Iphigénie enlevée au ciel, donnant à chacune de ses
figures la ressemblance d’un des membres de la famille Schuylenburg. Il fut amené ensuite à Cassel par le
prince de Hesse pour y faire, sur une seule toile, tous les portraits des parents de ce prince, et il en fut
Guizot, Études sur les beaux arts, page 397. Paris, Didier, 1852.