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Blanc, Charles
Histoire des peintres de toutes les écoles (École Hollandaise, 1): École Hollandaise — Paris: Librairie Renouard, Henri Laurens, éditeur, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.68747#0196
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2

ÉCOLE HOLLANDAISE.

des premiers qui allèrent à l’école de Rembrandt, et il n’en sortit qu’à la mort de son maître1. Elevé
dans une de ces monastiques cellules où Rembrandt avait casematé chacun de ses élèves, Eeckhout fut
mis, comme les autres, en présence de la nature; mais il ne sut la voir que par les yeux du grand peintre
qui la lui montrait. D’après les dessins que l’on trouve de lui dans les collections privées, sans parler
de ceux qui ont été si bien imités par Ploos van Amstel, on voit qu’en disciple docile, Eeckhout a
regardé naïvement la nature et l’a rendue avec franchise, accusant d’abord les grands plans, mettant
à leur place les principales ombres et ménageant les plus vives lumières, sans se perdre dans les accidents,
sans se noyer dans les demi-teintes. Procéder par masses et n’aller aux détails qu’après la charpente
bien établie de l’ensemble : c’est là le véritable secret de l’art de dessiner, et ce secret, Van Eeckhout le
tenait d’un des plus grands dessinateurs qui aient existé, si l’on prend ce mot dans le sens que les peintres
y attachent et non dans son acception pédantesque. Pour Rembrandt, la couleur se confondait avec le
clair-obscur, car il ne tirait pas son effet, comme Rubens, du choix et du rapprochement des tons, de leurs
heureuses dissonances, de leur solidarité, de leur accord, il le tirait seulement du jeu des rayons et des
ombres. Les tons n’étaient guère pour lui que des valeurs2. Or, cette façon d’être impressionné par les miracles
de la lumière, Rembrandt la communiquait à tous ses élèves, et tous en gardèrent quelque chose dans
leur peinture; mais aucun n’entra plus avant dans la pensée du maître que Gerbrandt Van Eeckhout. Au
lieu de voir la nature diaprée de ces mille nuances qui eussent captivé l’admiration de Véronèse ou
enchanté l’œil de Rubens, il s’accoutumait à lavoir telle que le soleil la colore en l’éclairant, c’est-à-dire
la fait avancer ou fuir, s’effacer dans l’ombre ou s’affirmer dans le clair, se préciser à proximité du regard
ou s’évanouir à distance. 11 apprit aussi de Rembrandt l’art de concentrer l’intérêt par de grands sacrifices
et celui de mettre en scène. Enfin, Van Eeckhout s’efforça de ressembler à son maître et il lui ressembla
par les apparences, par les procédés, par le costume; mais il n’eut point son âme.
Ainsi élevé, le jeune peintre devait réussir principalement dans le portrait, chez un peuple qui ne
voulait dans ces sortes de peintures qu’un accent de bonhomie et de vérité, une belle exécution, du
relief, de la vie. Van Eeckhout débuta par le portrait de son père, et il le peignit avec tant d’énergie ,
au dire de son biographe, qu’il étonna Rembrandt lui-même. Toutefois, il ne voulut point se borner au
portrait, qui ne l’attirait que par le côté lucratif, et il se livra au genre historique, choisissant, à l’exemple
de son maître, les sujets de l’Ècriture, qui du reste étaient fort goûtés en Hollande dans ce temps-là. Je
prends au hasard une des compositions bibliques de Van Eeckhout , celle qui est gravée dans la Galerie
des Peintres flamands de Lebrun, Agar renvoyée par Abraham: l’ordonnance, l’encadrement, les
draperies, l’intention du geste, tout est pris à Rembrandt, tout est emprunté de cette belle eau-forte
tant recherchée par les amateurs, et qui représente la même scène. Mais quelle différence dans
l’expression! Combien cette expression est profonde chez le maître et insuffisante chez le disciple! Les
personnages de Van Eeckhout jouent la douleur ou la joie par une contenance étudiée ; ceux de
Rembrandt l’éprouvent, et leur pantomime vient du cœur. Celui-ci n’ajoute rien d’inutile, et il n’est pas
d’accessoire qui, dans son tableau, ne réponde à une pensée; celui-là multiplie les détails insignifiants,
et par exemple, au lieu de faire intervenir le chien du logis, ce chien si intéressant et si expressif dans
son mouvement d’hésitation entre Sarah et Agar, entre Isaac qui demeure et Ismaël qui s’en va,
Eeckhout a placé en évidence, parmi des oiseaux de basse cour, un paon! Quant aux figures, elles sont
dépourvues de caractère, et rien n’est moins vrai que celte observation de Descamps, qui semble par fois
tirerau sort ses jugements sur les peintres hollandais: « ]1 surpassa tous ceux de son temps dans le rare
talent de marquer les différents caractères des physionomies. »
' Collection d’imitations de dessins des peintres hollandais et flamands, commencée par Ploos van Amstel, continuée par Josi.
Londres, 1821.
2 On entend par valeur, en peinture, la somme de noir et de blanc que représente chaque ton de la palette. Le jaune, par
exemple, étant plus clair que le bleu, a plus de valeur, c’est-à-dire qu’il joue un rôle plus brillant dans le clair-obscur du tableau.
Le graveur, en traduisant une peinture, fait abstraction du ton local de chaque objet, pour ne voir dans ce ton que sa valeur.
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