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ÉCOLE HOLLANDAISE.
dans son Histoire de l’art du paysage, mais en homme qui n’avait pas encore vu de tableaux d’Hobbema
ou qui en avait trop peu vu pour le bien connaître. Depuis, la réputation de cet artiste a franchi les frontières
de la Hollande où elle s’était conservée parmi un très-petit nombre d’amateurs; le nom d’Hobbema a retenti
dans des enchères fameuses, et le moment est venu, je ne dis pas de lui élever un monument, puisque les
matériaux nous manquent, mais du moins d’essayer ici une épitaphe pour sa tombe inconnue.
Les Anglais furent les premiers qui firent attention aux ouvrages d’Hobbema ; l’on citait même un tableau
de ce maître — nous en parlerons plus bas — qui était conservé depuis près d’un siècle dans la famille Cobbe,
à Dublin : aussi n’est-il pas surprenant qu’il soit fait mention d’Hobbema dans le Dictionnaire des Peintres
de Pilkington, alors que ni Houbraken, ni Campo Veyermann, ni Van Gool ni de Bie n’avaient dit un seul mot
de ce grand paysagiste sur lequel Descamps et d’Argenville gardent également le silence. On lit dans
Pilkington1 qu’Hobbema serait né dans la ville d’Anvers en 1611 : mais il est facile de voir que c’est là une
supposition gratuite et complètement erronée. Comment croire, d’abord, que le révérend Pilkington ait
jamais vu un seul tableau d’Hobbema, quand il ajoute que David Téniers et Adrien Van Ostade peignaient
habituellement les petites figures qui animent les tableaux de ce paysagiste? Evidemment Pilkington disait tout
cela au hasard. Pour quiconque a vu des Hobbema, il est clair que ce maître n’est pas flamand, que sa manière
de voir et de peindre est toute hollandaise; qu’il n’a rien de cette largeur facile et un peu décorative qui
distingue les Van Artois et même les Huysmans de Malines, comme en général l’école de Flandre; que, tout
au contraire, sa poésie a ce caractère intime qui se remarque chez tous les maîtres de Hollande; que sa
couleur est celle de Ruysdael, plus éclairée; qu’enfm son nom d’Hobbema, loin d’être belge, est tout-à-fait
frison, comme l’a observé M. Henri Héris, de Bruxelles2.
Selon Van Eynde et Van Willingen3, Hobbema naquit dans la province de Gueldre, au village de
Middelharnis, et il apprit la peinture à Harlem, chez Salomon Ruysdael; mais cette opinion n’est elle-même,
en ce qui touche la naissance de l’artiste, basée sur aucune donnée authentique, à moins qu’on ne veuille
accepter comme pièce probante un tableau d’Hobbema qui représente l’entrée du village de Middelharnis,
et qui orne la fameuse collection de feu sir Robert Peel, à Londres. Pour ce qui est de l’éducation du peintre,
il n’est pas non plus vraisemblable que Salomon Ruysdael ait été son maître, non-seulement parce qu’il n’y a
point de rapport entre la manière du disciple et celle de Salomon, mais aussi parce que Minderhout Hobbema,
s’il eût vécu à Harlem, n’eût pas manqué de reproduire les sites des environs de cette ville, comme le firent
tant de fois les deux Ruysdael; au lieu qu’il a presque toujours pris ses points de vue et les divers motifs de
ses compositions pittoresques dans les provinces de Frise et de Groningue, particulièrement dans le pays de
Benthem. De son côté, Smith, dont l’ouvrage s’est acquis en Angleterre une certaine autorité, pense
qu’Hobbema naquit à Harlem en 1629, et il est certain, quant à cette date, qu’elle est beaucoup plus près de la
vérité que celle de Pilkington; Smith cite en effet un tableau qu’il a possédé et qui portait le millésime 1689,
et comme il est difficile de croire que l’artiste avait près de quatre-vingts ans quand il peignit de pareils
ouvrages, il est impossible d’admettre la date de 1611, donnée par Pilkington, et de ne pas adopter plutôt
celle de 1629, donnée par Smith, ou du moins de ne pas s’en rapprocher.
De tant de versions, la plus probable, et c’est aussi la plus conforme aux traditions locales, est celle qui fait
naître Hobbema dans la province de Frise, où furent découverts la plupart de ses tableaux. Nous ajouterons
avec M. Héris que la naissance de ce grand peintre doit être fixée à l’année 1635, suivant toute apparence, et
d’après la moyenne des millésimes inscrits par lui-même sur ses tableaux. Maintenant, quelle fut la vie
1 Dictionary of pamters.
2 On peut consulter à ce sujet la notice insérée par M. Héris dans le journal la Renaissance, en 1839. Ce connaisseur qui a
possédé des Hobbema, et qui fit une vente dont les amateurs ont conservé précieusement le catalogue, n’a pu faire que des con-
jectures en parlant de l’origine d’Hobbema et de sa vie ; mais il a du moins apprécié le paysagiste frison avec sentiment et en
parfaite connaissance de cause.
3 Dans le Woordenboek der Kuntschilders. . etc. Haarlem, 1816, cité parM. Héris.
ÉCOLE HOLLANDAISE.
dans son Histoire de l’art du paysage, mais en homme qui n’avait pas encore vu de tableaux d’Hobbema
ou qui en avait trop peu vu pour le bien connaître. Depuis, la réputation de cet artiste a franchi les frontières
de la Hollande où elle s’était conservée parmi un très-petit nombre d’amateurs; le nom d’Hobbema a retenti
dans des enchères fameuses, et le moment est venu, je ne dis pas de lui élever un monument, puisque les
matériaux nous manquent, mais du moins d’essayer ici une épitaphe pour sa tombe inconnue.
Les Anglais furent les premiers qui firent attention aux ouvrages d’Hobbema ; l’on citait même un tableau
de ce maître — nous en parlerons plus bas — qui était conservé depuis près d’un siècle dans la famille Cobbe,
à Dublin : aussi n’est-il pas surprenant qu’il soit fait mention d’Hobbema dans le Dictionnaire des Peintres
de Pilkington, alors que ni Houbraken, ni Campo Veyermann, ni Van Gool ni de Bie n’avaient dit un seul mot
de ce grand paysagiste sur lequel Descamps et d’Argenville gardent également le silence. On lit dans
Pilkington1 qu’Hobbema serait né dans la ville d’Anvers en 1611 : mais il est facile de voir que c’est là une
supposition gratuite et complètement erronée. Comment croire, d’abord, que le révérend Pilkington ait
jamais vu un seul tableau d’Hobbema, quand il ajoute que David Téniers et Adrien Van Ostade peignaient
habituellement les petites figures qui animent les tableaux de ce paysagiste? Evidemment Pilkington disait tout
cela au hasard. Pour quiconque a vu des Hobbema, il est clair que ce maître n’est pas flamand, que sa manière
de voir et de peindre est toute hollandaise; qu’il n’a rien de cette largeur facile et un peu décorative qui
distingue les Van Artois et même les Huysmans de Malines, comme en général l’école de Flandre; que, tout
au contraire, sa poésie a ce caractère intime qui se remarque chez tous les maîtres de Hollande; que sa
couleur est celle de Ruysdael, plus éclairée; qu’enfm son nom d’Hobbema, loin d’être belge, est tout-à-fait
frison, comme l’a observé M. Henri Héris, de Bruxelles2.
Selon Van Eynde et Van Willingen3, Hobbema naquit dans la province de Gueldre, au village de
Middelharnis, et il apprit la peinture à Harlem, chez Salomon Ruysdael; mais cette opinion n’est elle-même,
en ce qui touche la naissance de l’artiste, basée sur aucune donnée authentique, à moins qu’on ne veuille
accepter comme pièce probante un tableau d’Hobbema qui représente l’entrée du village de Middelharnis,
et qui orne la fameuse collection de feu sir Robert Peel, à Londres. Pour ce qui est de l’éducation du peintre,
il n’est pas non plus vraisemblable que Salomon Ruysdael ait été son maître, non-seulement parce qu’il n’y a
point de rapport entre la manière du disciple et celle de Salomon, mais aussi parce que Minderhout Hobbema,
s’il eût vécu à Harlem, n’eût pas manqué de reproduire les sites des environs de cette ville, comme le firent
tant de fois les deux Ruysdael; au lieu qu’il a presque toujours pris ses points de vue et les divers motifs de
ses compositions pittoresques dans les provinces de Frise et de Groningue, particulièrement dans le pays de
Benthem. De son côté, Smith, dont l’ouvrage s’est acquis en Angleterre une certaine autorité, pense
qu’Hobbema naquit à Harlem en 1629, et il est certain, quant à cette date, qu’elle est beaucoup plus près de la
vérité que celle de Pilkington; Smith cite en effet un tableau qu’il a possédé et qui portait le millésime 1689,
et comme il est difficile de croire que l’artiste avait près de quatre-vingts ans quand il peignit de pareils
ouvrages, il est impossible d’admettre la date de 1611, donnée par Pilkington, et de ne pas adopter plutôt
celle de 1629, donnée par Smith, ou du moins de ne pas s’en rapprocher.
De tant de versions, la plus probable, et c’est aussi la plus conforme aux traditions locales, est celle qui fait
naître Hobbema dans la province de Frise, où furent découverts la plupart de ses tableaux. Nous ajouterons
avec M. Héris que la naissance de ce grand peintre doit être fixée à l’année 1635, suivant toute apparence, et
d’après la moyenne des millésimes inscrits par lui-même sur ses tableaux. Maintenant, quelle fut la vie
1 Dictionary of pamters.
2 On peut consulter à ce sujet la notice insérée par M. Héris dans le journal la Renaissance, en 1839. Ce connaisseur qui a
possédé des Hobbema, et qui fit une vente dont les amateurs ont conservé précieusement le catalogue, n’a pu faire que des con-
jectures en parlant de l’origine d’Hobbema et de sa vie ; mais il a du moins apprécié le paysagiste frison avec sentiment et en
parfaite connaissance de cause.
3 Dans le Woordenboek der Kuntschilders. . etc. Haarlem, 1816, cité parM. Héris.