Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Blanc, Charles
Histoire des peintres de toutes les écoles (École Hollandaise, 1): École Hollandaise — Paris: Librairie Renouard, Henri Laurens, éditeur, 1861

DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.68747#0400
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
2 ÉCOLE HOLLANDAISE.
des diamants; les glaces du pôle lui ont fourni les fourrures qui bordent le casaquin de velours grenat dont sa
femme ou sa fille aînée sont vêtues dans l’intérieur de la maison. Les oiseaux, les insectes, les coquillages et
les minéraux des terres les plus éloignées, remplissent son cabinet, parfaitement rangées sous des vitrines bien
nettes. Les plantes rares, les tiges les plus recherchées, les introuvables tulipes, fleurissent cultivées par
lui-même et sous ses yeux. Son mobilier, travaillé d’un goût exquis, entretenu avec un soin, avec une propreté
incessantes, ne subit pas les transformations de la mode; il se transmet de père en fils et dure des siècles.
L’alcôve de son lit est soutenue par des colonnes en bois d’ébène et enveloppée de courtines en damas vert.
Suspendu au plafond, un lustre de cuivre doré étend ses branches tourmentées en volutes élégantes. Les
parquets sont cirés à faire plaisir, les vitres sont polies, le boulon de la porte est reluisant, les meubles
font miroir, et cependant la lumière du jour, traversant des taffetas légèrement colorés, ne répand sur tous
ces objets qu’une clarté douce, modérée et harmonieuse.
Les mœurs de la Hollande, aussi bien que sa physionomie matérielle dans la vie civile, ses intérieurs, son
mobilier, la décoration et le luxe de ses appartements, tout cela est écrit dans les tableaux de Metsu avec une
netteté charmante, et qui plaît d’autant plus que ce mérite semble involontaire chez le peintre. Son œuvre,
après deux cents ans, peut servir à la restitution complète d’un intérieur bourgeois, tel que le composaient
au xvue siècle, le climat du pays, le caractère de ses habitants et les circonstances historiques au milieu
desquelles vivaient alors les marchands hollandais, maîtres du commerce de l’univers. Et ceux à qui rien
n’est indifférent de ce qui touche à la vie intime, aux habitudes familières d’une nation dont le monde s’est
occupé, ceux-là ne trouveront rien de puéril dans de telles remarques et se plairont au contraire à les vérifier.
N’est-il pas charmant, en effet, d’entrer, à la faveur d’un Metsu, au fond de ces intérieurs où pénètrent si
difficilement les étrangers? Le plus souvent c’est par une fenêtre figurant le cadre de son tableau, que Metsu
nous donne accès dans le boudoir des femmes à la mode, et nous les fait surprendre, tantôt en déshabillé de
velours, écrivant leurs secrets, tantôt achevant leur toilette en vue d’une visite espérée, tantôt enfin exhalant
sur les touches de leur clavecin les soupirs de leur âme inexpansive et les pensées qu’on ne dit point.
Metsu a le talent d’intéresser, je ne dis pas l’œil seulement, mais l’esprit lui-même, à la représentation des
actes les plus simples de la vie domestique. Une dame occupée à cacheter une lettre que la servante va porter
à la poste : c’est là un sujet bien modeste, et pourtant, grâce au fini de l’œuvre et à l’excellence de la touche,
grâce aux soins attentifs avec lesquels est rendu ce banal épisode de la vie de chaque jour, le peintre attire et
retient fortement nos regards. Si le travail était moins précieux, si les détails n’étaient pas si bien choisis,
si discrètement ménagés, le spectateur s’arrêterait tout au plus quelques instants devant le tableau. Mais
comment n’y pas donner toute son attention, quand l’auteur paraît y avoir mis tant d’importance? quand la
composition est si bien ordonnée pour la concentration de l’intérêt, pour l’éveil de la curiosité? Comment ne
pas se demander : à qui donc écrit-elle de si bonne heure cette dame blonde en négligé du matin, qui, d’un
air préoccupé, présente la cire d’Espagne à la bougie... et que signifie l’imperceptible sourire de la suivante
qui attend la lettre, son tablier relevé sur la hanche et sa jatte au lait sous le bras? Dans le fond, les rideaux
du lit bien fermés annoncent que le lit est encore défait, et la lettre écrite au petit lever fait voir aussi que la
dame a passé la nuit à songer plutôt qu’à dormir.
L’expression, chez Gabriel Metsu, est tellement fine que souvent elle n’est pas saisissable au premier
coup d’œil. Les visages de ses Hollandaises paraissent d’une tranquillité désespérante, d’un flegme inaltérable.
C’est à peine si l’on y voit poindre un sourire ou se dessiner un sentiment vague. Cependant si l’on y regarde
de bien près, on verra qu’il n’est pas une de ces figures qui, même dans le calme le plus parfait, n’ait un
certain jeu de physionomie. Et je parle ici des tableaux de la main du maître, car dans les estampes exécutées
d’après lui, quelle que soit la fidélité du graveur, il y a toujours des nuances que la gravité du burin laisse
échapper, nuances fugitives qui tiennent au sentiment de la touche, à tel clair posé juste dans la prunelle de
l’œil, à tel pli de la peau, qui, s’il est omis ou s’il est chargé, forme une différence de caractère et dénature
l’expression. Les fraîches bourgeoises de Metsu ont sur leurs traits une placidité qui indique, non pas
l’indifférence ou l’ennui, mais la sérénité de l’âme et le sentiment d’un repos dont la jouissance est savourée.
Bildbeschreibung
Für diese Seite sind hier keine Informationen vorhanden.

Spalte temporär ausblenden
 
Annotationen