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Blouet, Abel [Hrsg.]; Ravoisié, Amable [Hrsg.]
Expedition scientifique de Morée: ordonnée par le Gouvernement Français ; Architecture, Sculptures, Inscriptions et Vues du Péloponèse, des Cyclades et de l'Attique (Band 1) — Paris, 1831

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https://doi.org/10.11588/diglit.666#0031
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ARRIVÉE EN MORÉE.

NAVARIN.

Le 3 mars 1829, les premiers rayons du jour nous permirent d'apercevoir à peu de distance les
montagnes arides qui entourent la rade de Navarin. Je n'essaierai pas d'exprimer notre joie à l'aspect
de cette terre si désirée; nous touchions le port où tendaient tous nos vœux, nous arrivions enfin au
terme d'une traversée pénible de vingt-un jours. Quoique l'impression à la fois délicieuse et profonde
que nous éprouvâmes en ce moment ne se soit pas affaiblie, et que nos souvenirs nous en fassent goûter
encore tout le charme, nous ne tenterons point de la peindre, car ici les paroles manqueraient aux
sensations. Pénétrés d'ailleurs du but de notre mission, nous n'oublierons pas dans le cours de cette
relation, que nous devons faire une description exacte et simple de ce que nous avons vu, plutôt qu'une
histoire pompeuse et poétique de nos émotions. Nos lecteurs, nous l'espérons, sauront bien apprécier
d'eux-mêmes tout ce que nos cœurs de Français et d'artistes ont éprouvé en abordant au rivage grec.
Nous laissons donc entière liberté à leur imagination, que nous n'avons la prétention ni de diriger, ni
d'exalter, persuadés que pour cela, des lieux communs admiratifs et des phrases ambitieuses feront bien
moins que les noms seuls des villes, des sites, des monuments que nous citerons pour les avoir vus.

Continuons notre récit. A notre droite, nous apercevions les îles Sapience et Cabrera, à gauche, celle de
Prodano, nommée par les anciens Proté; au fond, le bel ensemble des monts de la Messénie, qui se
terminent au nord par les hautes montagnes de l'Arcadie, dont les cimes, encore couvertes de neige,
forment le dernier plan de ce magnifique tableau. Enfin, à trois heures, après bien des alternatives
d'espérances et de contrariétés causées par le caprice des vents, nous entrons, heureux impatients, dans
cette vaste rade de Navarin qui, après avoir vu l'orgueil de Sparte humilié par les armes d'Athènes *,
devait, quelques siècles plus tard, devenir le glorieux théâtre du triomphe de la civilisation et de la
chrétienté sur le fanatisme et la barbarie.

Nous entrons dans la rade en passant entre les rochers à pic qui terminent l'île Sphagie ou Sphactérie,
et celui du continent sud sur lequel est située la petite ville forte de Navarin. Une mosquée, un palmier,
sont, au milieu des ruines de cette malheureuse ville, les seuls monuments apparents qui aient survécu
à ses désastres. Nous mouillâmes auprès des bâtiments français et grecs, non loin du petit port situé
sur une plage au bas de la ville.

RADE DE NAVARIN.



La rade de Navarin où, dans l'antiquité, les Messéniens vinrent de l'exil se venger avec leurs frondes
des Lacédémoniens 2, et où se livra, en 1827, le grand combat naval dans lequel les escadres
combinées française, anglaise et russe anéantirent la flotte turco-égyptienne, peut contenir plus de deux
mille vaisseaux 3. Elle est fermée à l'est par l'île Sphactérie qui, comme un mur du sud au nord, semble
se rattacher au continent dont elle est séparée par un canal étroit qui ne peut, dit Thucydide, recevoir
que deux vaisseaux de front 4 ; or, nous savons quelle était la dimension des vaisseaux d'alors, dont nos
bateaux de cabotage peuvent nous donner une idée. Le promontoire Coryphasium 5 forme un des côtés
de ce détroit; son sommet, qui domine majestueusement au fond de la baie, est couronné par un château
fort appelé Zonchio, ou Vieux-Navarin, qui est construit sur l'emplacement de la Pylos de Thucydide,
que l'examen des lieux nous fait présumer être aussi celle décrite par Homère, et à laquelle on peut
aller du continent par un isthme très-bas qui termine au nord le fond de la rade.

Maintenant, revenant à la passe du sud, qui est la véritable entrée de la rade, suivons le continent qui,
faisant une saillie en avant de la pointe de Sphactérie, de manière à ne laisser qu'une médiocre ouverture,

1 Thucydide, siege.de Pylos, liv. iv, chap. 2.
a Pausanias, liv. îv, chap. 26, p. 256.—Thucyd., liv. iv, chap. 26,
p. 192.

3 Pouqueville, Premier Voyage en Grèce.

* Thucyd., siège de Pylos, liv. îv, chap. 8, p. i43.

5 Pausan., liv. iv, chap. 36, p. 492.
 
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