— 39 —
Je crois qu’il est à propos que je commence par dire que le Sr Gamps1
eut le malheur sur la fin de l’année 1704 de tomber en demence, et que
de son aveu même il est resté en cet Etat jusqu’à la fin de l’année 1715,
il prétend être à present parfaitement rétabli, mais il est seul dans cette
opinion, je l’ay entretenu il y a quelques jours à l’occasion de son me-
moire, et je puis dire qu’il ne me parut nullement être dans une Situation
d’esprit, susceptible d’aucune administration publique. Je vais à present
entrer en matières.
La ville de Strasbourg est gouvernée par un College très nombreux de
Magistrats qui se divisent en plusieurs chambres. A la teste de tous ces
officiers sont douze personnes, six Gentilshommes, qu’on appelle Stadt-
meistres, six bourgeois appelés ammeistres, sur le tout est un Prêteur
Royal, pourveu par le Roy; je n’ay à parler que des ammeistres.
On Elit chaque année un Ammeistre dont les fonctions principales sont
de présider au Sénat, où l’on administre la justice et de pourvoir par luy
même à tout ce qui peut arriver d’urgent à la ville.
Au moyen de cette disposition chaque Ammeistre est hors de Regence
pendant cinq ans et n’y rentre que la Sixième année.
Par un Reglement fait en 1482 entre les Gentilshommes et les bour-
geois de la ville de Strasbourg, il est porté que nul ne pourra être élu
pour Regent qu’il n’ait vaqué cinq ans, c’est une regle qui a toujours été
littéralement observée depuis.
Lorsqu’un Ammeistre vient à mourir, on attend pour luy donner un
Successeur que l’année revienne dans laquelle la Regence appartient à la
place vaccante, en sorte que le dernier Elu entre toujours sur le champ
en Regence.
Je reviens au Sr Gambs : au mois de may 1704 il fut élu pour ameistre
Regent, il exerça toute l’année, mais neanmoins sur la fin on s’apperçut
des nuages qui commençoient à le troubler.
Pendant les cinq années suivantes on ne le vit plus à l’hôtel de ville,
ni ailleurs, personne n’ignorait la raison qui l’obligeait à ne point paraître
et le dérangement de son esprit fut porté au point que les Ministres de la
communion luthérienne dont il fait proffession cessèrent de l’admettre à
la cene.
En 1710 son tour revint de rentrer en regence; quelques jours avant
celuy marqué pour remplir la formalité de l’Election, plusieurs personnes
1. Gambs n’était pas complètement dans son tort. Jean-Baptiste de Klinglin fraya la
voie à son fils qui a laissé dans les annales de Strasbourg une détestable réputation.
Je crois qu’il est à propos que je commence par dire que le Sr Gamps1
eut le malheur sur la fin de l’année 1704 de tomber en demence, et que
de son aveu même il est resté en cet Etat jusqu’à la fin de l’année 1715,
il prétend être à present parfaitement rétabli, mais il est seul dans cette
opinion, je l’ay entretenu il y a quelques jours à l’occasion de son me-
moire, et je puis dire qu’il ne me parut nullement être dans une Situation
d’esprit, susceptible d’aucune administration publique. Je vais à present
entrer en matières.
La ville de Strasbourg est gouvernée par un College très nombreux de
Magistrats qui se divisent en plusieurs chambres. A la teste de tous ces
officiers sont douze personnes, six Gentilshommes, qu’on appelle Stadt-
meistres, six bourgeois appelés ammeistres, sur le tout est un Prêteur
Royal, pourveu par le Roy; je n’ay à parler que des ammeistres.
On Elit chaque année un Ammeistre dont les fonctions principales sont
de présider au Sénat, où l’on administre la justice et de pourvoir par luy
même à tout ce qui peut arriver d’urgent à la ville.
Au moyen de cette disposition chaque Ammeistre est hors de Regence
pendant cinq ans et n’y rentre que la Sixième année.
Par un Reglement fait en 1482 entre les Gentilshommes et les bour-
geois de la ville de Strasbourg, il est porté que nul ne pourra être élu
pour Regent qu’il n’ait vaqué cinq ans, c’est une regle qui a toujours été
littéralement observée depuis.
Lorsqu’un Ammeistre vient à mourir, on attend pour luy donner un
Successeur que l’année revienne dans laquelle la Regence appartient à la
place vaccante, en sorte que le dernier Elu entre toujours sur le champ
en Regence.
Je reviens au Sr Gambs : au mois de may 1704 il fut élu pour ameistre
Regent, il exerça toute l’année, mais neanmoins sur la fin on s’apperçut
des nuages qui commençoient à le troubler.
Pendant les cinq années suivantes on ne le vit plus à l’hôtel de ville,
ni ailleurs, personne n’ignorait la raison qui l’obligeait à ne point paraître
et le dérangement de son esprit fut porté au point que les Ministres de la
communion luthérienne dont il fait proffession cessèrent de l’admettre à
la cene.
En 1710 son tour revint de rentrer en regence; quelques jours avant
celuy marqué pour remplir la formalité de l’Election, plusieurs personnes
1. Gambs n’était pas complètement dans son tort. Jean-Baptiste de Klinglin fraya la
voie à son fils qui a laissé dans les annales de Strasbourg une détestable réputation.