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Bulletin du Musée National de Varsovie — 16.1975

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Jakimowicz, Irena: La collection de peintures de Stanisław Ignacy Witkiewicz (Witkacy): essai d'interpretation
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https://doi.org/10.11588/diglit.18860#0041
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la période après 1924, lorsque Witkacy, ayant abandonné la peinture de la Forme Pure4, non
seulement ouvrait à l'art de nouvelles perspectives intellectuelles qui ne nous sont pas étran-
gères aujourd'hui, mais encore ne niait pas totalement par ce geste l'existence de l'art dans
son activité.

Si j'entreprends d'analyser comme un tout l'ensemble, en somme fortuit, des travaux que
constitue la collection réunie au Musée National de Varsovie, c'est que ces 81 toiles, pastels
et dessins, englobant toute la période de près de 30 ans d'expériences artistiques de Witkacy,
permettent de suivre — en se référant à d'autres de ses travaux — tous les problèmes essen-
tiels de son art.

II ne fut jamais facile de donner une interprétation dépourvue d'ambiguité de la peinture de
Witkacy. Ses tableaux aux couleurs criardes, à composition dynamique compliquée, semblaient
en contradiction flagrante avec son idée de la Forme Pure, comprise d'ailleurs le plus souvent
à rebours comme théorie de l'art abstrait. Witkiewicz lui-même ne facilitait pas la tâche. Son
langage philosophique n'est pas clair, sa terminologie n'est pas toujours suffisamment précise.
Il n'était pas rare qu'il pratiquât sous les apparences d'épanchements personnels, la mystifica-
tion, qu'il se cachât derrière la raillerie et l'auto-ironie pour lesquelles son activité de critique
et de polémiste de même que le roman et le drame où la limite entre la vérité et la fiction s'efface,
étaient un terrain bien commode.

A côté de ces contradictions apparentes qu'une patiente analyse permet d'élucider, la per-
sonnalité même de l'artiste recelait une dissonance profonde, que lui-même avait de la peine
à résoudre. Il existait en lui comme deux hommes dont un personnifiant l'élément intellectuel,
apollinien, le second étant soumis aux forces dyonisiaques. L'un, au-dessus du hasard de la
vie, s'élevait jusqu'aux hautes zones de la Forme Pure, le second était sans reste plongé dans
cette vie, non sans un sentiment de culpabilité du reste. L'un était ennemi de l'irrationalisme
philosophique, le second entreprenait des expériences qui dévoilaient les mystères du subcon-
scient; l'un décrivait les phénomènes avec un objectivisme positiviste et cherchait les lois qui
les régissaient, le second — proche du comportement existantialiste et même des idées surré-
alistes — était un subjectiviste extrémiste. L'artiste s'en rendait déjà compte assez tôt quand,
en écrivant en 1910, son roman autobiographique "Les 622 chutes de Bungo", il caractérisait
ainsi son héros: "Bien que théoriquement et même parfois affectivement, il n'admettait que
la décoration pure et méprisait tout son faux démonisme, bien qu'il ne voyait la possibilité
d'une telle création que comme justification d'une chute dans sa vie, il revenait au passé avec
l'entêtement d'un buveur invétéré, et même désirait une rechute afin de pouvoir de nouveau
s'adonner à ses compositions destructrices et dépravantes"5. Dans son activité réelle aussi,
malgré des principes théoriques, semblait-il, inébranlables, Witkacy se trouvait empêtré dans
une double compréhension de l'art: comme expression des sentiments et comme moyen de réali-
sation de l'idéal de la forme, empêtré dans la contradication de l'héritage moderniste qui pesait
sur lui et de sa pensée novatrice qui s'avançait loin dans l'avenir.

Witkacy qui avait grandi dans l'atmosphère intellectuelle animée de Zakopane de son époque,
qui avait reçu une instruction universelle mais très individuelle, en famille, demeura jusqu'à
la fin de sa vie un autodidacte dans de nombreux domaines. En peinture toutefois, ayant étudié
quelque temps à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, il possédait sans nul doute un bagage
suffisant de connaissances professionnelles et une grande routine du dessin. Le mûrissement

4. Witkiewicz indiquait on lettres majuscules les notions essentielles de son système philosophique et esthétique; on a admis
d'observer ce principe comme non indifférent pour le contenu.

5. S.I. Witkiewicz, 622 upadki Buuga czyli demoniczna kobieta (Les 622 chutes de Bungo ou la femme démoniaque),
Warszawa, 1972, p. 135.

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