2e ANNÉE. N° 10
PARAISSANT TOUS LES MOIS
JUILLET 1903
BULLETIN
DES MUSÉES ROYAUX
DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS
(Antiquités, Industries d'Art, Art monumental et décoratif, Armes et Armures, Ethnographie)
A BRUXELLES
ABONNEMENTS :
Pour la Belgique.5 francs. | Pour l'Etranger.é fr. 50.
Le numéro : 50 centimes.
UN CASQUE A L'ÉPREUVE.
JUSQUE dans ces derniers temps on ne s’était
pas rendu bien clairement compte de ce que
signifiait la présence sur les armures d’un poinçon
répété deux fois. D’autre part, l’expression armure
à l’épreuve semblait, aux yeux de certains amateurs,
n’avoir d’autre signification que celle d’une armure
pouvant,le cas échéant,résister aux coups de l’arme
à laquelle elle devait être opposée, sans pour cela
faire entendre que cette armure avait réellement
subi l’épreuve de cette arme préalablement à son
emploi sur les champs de bataille ou dans les joutes.
Cette question a fait l’objet, il n’y a pas bien
longtemps, d’une remarquable étude dans laquelle
son savant auteur, M. Charles Buttin, archéologue
français ès armes, ne se sert, au cours de sa lumi-
neuse démonstration, que de documents contem-
porains des différentes époques qu’il étudie succes-
sivement. A M. Buttin revient l’honneur d’avoir
le premier présenté une étude fouillée de la ques-
tion si intéressante des armures éprouvées.
Après nous avoir montré qu’en T 340 l’épreuve
faisait déjà l’objet de règlements d’usage, l’auteur
nous apprend les distinctions à établir entre les
différentes épreuves quant aux moyens employés
pour y soumettre les armes défensives.
Aux coups des arbalètes à croc étaient soumises
les armures dites à de mi-épreuve; l’essai des armures
à l’épreuve, à toute épreuve ou à double épreuve était
fait par les projectiles que lançait l’arbalète à tour
ou à moufle,infiniment plus puissante que sa devan-
cière.
Il semblerait résulter de l’emploi des expressions
demi-épreuve, épreuve et double épreuve que la
coutume se fût établie d’éprouver les harnois de
trois manières différentes, correspondant à trois
degrés de résistance. Les documents établissent
pourtant avec netteté que les défenses de corps se
poinçonnaient du sigle de l’armurier, apposé une
fois seulement pour la demi-épreuve et deux fois
pour les autres épreuves ; on 11e pratiquait donc que
deux sortes d’épreuves. «Cet usage, généralisé chez
les plus célèbres batteurs d’armures, nous dit
M. Buttin, ne tarda pas à être réglementé par les
bans et ordonnances ». C’est ainsi qu’en 1451, les
statuts des armuriers de Paris portent que les ou-
vrages d’épreuves seront marqués de deux marques
et qu’en 1488, ceux des armuriers fourbisseurs d’An-
gers mentionnent que les harnois, blancs « de toute
épreuve », seront marqués de deux poinçons.
A remarquer ce point important que les expres-
sions « ouvrages àéépreuve » et « harnois de toute
épreuve » doivent être nécessairement considérées
comme étant synonymes, ce qui vient confirmer
l’exactitude de l’observation faite plus haut.
Entre ces deux dates, en 1467, « l’ordonnance
sur les mestiers des armeuriers du royaume de
France, dit M. Buttin, avait reproduit les statuts
des armuriers de Paris en termes à peu près iden-
tiques ».
Ces coutumes qui jusqu’alors n’étaient soumises
qu’à des usages locaux furent donc codifiées dès
cette époque.
Il résulte de ces ordonnances que lorsqu’une
pièce d’armure, antérieure à la fin du XVe siècle,
PARAISSANT TOUS LES MOIS
JUILLET 1903
BULLETIN
DES MUSÉES ROYAUX
DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS
(Antiquités, Industries d'Art, Art monumental et décoratif, Armes et Armures, Ethnographie)
A BRUXELLES
ABONNEMENTS :
Pour la Belgique.5 francs. | Pour l'Etranger.é fr. 50.
Le numéro : 50 centimes.
UN CASQUE A L'ÉPREUVE.
JUSQUE dans ces derniers temps on ne s’était
pas rendu bien clairement compte de ce que
signifiait la présence sur les armures d’un poinçon
répété deux fois. D’autre part, l’expression armure
à l’épreuve semblait, aux yeux de certains amateurs,
n’avoir d’autre signification que celle d’une armure
pouvant,le cas échéant,résister aux coups de l’arme
à laquelle elle devait être opposée, sans pour cela
faire entendre que cette armure avait réellement
subi l’épreuve de cette arme préalablement à son
emploi sur les champs de bataille ou dans les joutes.
Cette question a fait l’objet, il n’y a pas bien
longtemps, d’une remarquable étude dans laquelle
son savant auteur, M. Charles Buttin, archéologue
français ès armes, ne se sert, au cours de sa lumi-
neuse démonstration, que de documents contem-
porains des différentes époques qu’il étudie succes-
sivement. A M. Buttin revient l’honneur d’avoir
le premier présenté une étude fouillée de la ques-
tion si intéressante des armures éprouvées.
Après nous avoir montré qu’en T 340 l’épreuve
faisait déjà l’objet de règlements d’usage, l’auteur
nous apprend les distinctions à établir entre les
différentes épreuves quant aux moyens employés
pour y soumettre les armes défensives.
Aux coups des arbalètes à croc étaient soumises
les armures dites à de mi-épreuve; l’essai des armures
à l’épreuve, à toute épreuve ou à double épreuve était
fait par les projectiles que lançait l’arbalète à tour
ou à moufle,infiniment plus puissante que sa devan-
cière.
Il semblerait résulter de l’emploi des expressions
demi-épreuve, épreuve et double épreuve que la
coutume se fût établie d’éprouver les harnois de
trois manières différentes, correspondant à trois
degrés de résistance. Les documents établissent
pourtant avec netteté que les défenses de corps se
poinçonnaient du sigle de l’armurier, apposé une
fois seulement pour la demi-épreuve et deux fois
pour les autres épreuves ; on 11e pratiquait donc que
deux sortes d’épreuves. «Cet usage, généralisé chez
les plus célèbres batteurs d’armures, nous dit
M. Buttin, ne tarda pas à être réglementé par les
bans et ordonnances ». C’est ainsi qu’en 1451, les
statuts des armuriers de Paris portent que les ou-
vrages d’épreuves seront marqués de deux marques
et qu’en 1488, ceux des armuriers fourbisseurs d’An-
gers mentionnent que les harnois, blancs « de toute
épreuve », seront marqués de deux poinçons.
A remarquer ce point important que les expres-
sions « ouvrages àéépreuve » et « harnois de toute
épreuve » doivent être nécessairement considérées
comme étant synonymes, ce qui vient confirmer
l’exactitude de l’observation faite plus haut.
Entre ces deux dates, en 1467, « l’ordonnance
sur les mestiers des armeuriers du royaume de
France, dit M. Buttin, avait reproduit les statuts
des armuriers de Paris en termes à peu près iden-
tiques ».
Ces coutumes qui jusqu’alors n’étaient soumises
qu’à des usages locaux furent donc codifiées dès
cette époque.
Il résulte de ces ordonnances que lorsqu’une
pièce d’armure, antérieure à la fin du XVe siècle,