102
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
veut, etc. ; mais de là aux véritables appréciations d'un art qui a souffert tant de vicissitudes
il y a loin. Si j'en juge par moi-même, qui n'entends pas bien distinctement la vingtième
partie des noms inscrits à chaque pas sous mes yeux par les magasins de tissus plus ou moins
à la mode, on serait très excusable de ne point savoir traduire cent expressions relatives à ce
genre d'articles (comme on dit) qui reparaissent mainte et mainte fois chez les écrivains du
moyen âge. Du reste, celui qu'arrêteraient ces difficultés des vieux textes, fût-il bien disposé
à en être fort confus, aurait un beau refuge à son amour-propre dans l'hésitation où pareil
langage jette des hommes comme Du Cange. C'est que tous les textes du monde n'expliquent
pas clairement certaines choses où la plume la plus habile a besoin d'être secourue par le
crayon et le pinceau. Mais, si je ne me trompe, on pourra désormais, grâce aux planches que
voici, soit comprendre, soit percer d'un coup d'œil plus net certaines phrases des vieux chro-
niqueurs que de savants antiquaires, réduits aux seuls textes, avaient désespéré d'entendre,
ou avaient interprétées un peu vaguement.
Quanta moi, qui aurais beaucoup à apprendre même sur les tissus du dix-neuvième siècle,
et qui n'ai point vu ceux du temps passé dont il faudrait rendre compte ici, je me rappellerai
que j'ai toute sorte de motifs pour être modeste en cette matière; aussi me réduirai-je à
placer ici une pierre d'attente pour que d'une part l'ordre des planches ne soit point en désac-
cord avec celui des matières, et que de l'autre mon collaborateur puisse à son retour décrire
en artiste et ^ l'aspect, la matière, l'espèce de travail, l'état de conservation et les sou-
venirs locaux qui compléteront passablement ce que l'on peut savoir de ces fragiles monu-
ments parvenus jusqu'à nous à travers sept ou huit siècles. Toute ma tâche sera donc de
chercher dans les exemples que réunit ce volume quelques glanures pour l'histoire générale
des étoffes de luxe au moyen âge. Porter mes vues plus loin c'eût été méconnaître l'insuffi-
sance de mes études sur cette matière, et devancer un travail grave dont on me dit que la
publication se prépare.
De quelle contrée précisément revenaient les moines qui sous Justinien apportèrent à
Constantinople la de vers à soie, et jusqu'à quel point les Grecs du sixième siècle
avaient-ils besoin d'apprendre ce qu'était la soie? Ce n'est pas mon affaire de l'examiner au-
jourd'hui. Ce qui est certain, c'est que de bonne heure nous voyons Bysance citée comme un
grand entrepôt (si ce n'est un grand centre de fabrication) des riches étoffes de soie. On disait
PoeMM faunes aa daaztème stéc/e, p. 396),
l'animal réclame comme siens les tapis espagnols :
a Nil adeo sacri testatur gaudia festi
Quam sacra festivis clara domus titulis:
Tune pretiosa suis surgunt auiæa liguris,
Ac in se raptis ora tenent animis;
Tune operosa suis /n'spnM fupetia villis
Mine rubcas, virides inde ferunt species.
Tune statio sacri, tune ipsa sedilia cleri
Demulcent oculos munere tecta meo. a
Mais abandonnons ces détaiis aux savants qui, en ayant fait
une étude spéciale, pourront peser le pour et le contre des
diverses questions. Ce qui est certain, c'est qu'Alexandrie li
vrait au commerce des étoffes de lin et de soie aussi bien que
des tapis. Les Musulmans d Espagne pourraient bien aussi
avoir réuni ces diverses fabrications.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
veut, etc. ; mais de là aux véritables appréciations d'un art qui a souffert tant de vicissitudes
il y a loin. Si j'en juge par moi-même, qui n'entends pas bien distinctement la vingtième
partie des noms inscrits à chaque pas sous mes yeux par les magasins de tissus plus ou moins
à la mode, on serait très excusable de ne point savoir traduire cent expressions relatives à ce
genre d'articles (comme on dit) qui reparaissent mainte et mainte fois chez les écrivains du
moyen âge. Du reste, celui qu'arrêteraient ces difficultés des vieux textes, fût-il bien disposé
à en être fort confus, aurait un beau refuge à son amour-propre dans l'hésitation où pareil
langage jette des hommes comme Du Cange. C'est que tous les textes du monde n'expliquent
pas clairement certaines choses où la plume la plus habile a besoin d'être secourue par le
crayon et le pinceau. Mais, si je ne me trompe, on pourra désormais, grâce aux planches que
voici, soit comprendre, soit percer d'un coup d'œil plus net certaines phrases des vieux chro-
niqueurs que de savants antiquaires, réduits aux seuls textes, avaient désespéré d'entendre,
ou avaient interprétées un peu vaguement.
Quanta moi, qui aurais beaucoup à apprendre même sur les tissus du dix-neuvième siècle,
et qui n'ai point vu ceux du temps passé dont il faudrait rendre compte ici, je me rappellerai
que j'ai toute sorte de motifs pour être modeste en cette matière; aussi me réduirai-je à
placer ici une pierre d'attente pour que d'une part l'ordre des planches ne soit point en désac-
cord avec celui des matières, et que de l'autre mon collaborateur puisse à son retour décrire
en artiste et ^ l'aspect, la matière, l'espèce de travail, l'état de conservation et les sou-
venirs locaux qui compléteront passablement ce que l'on peut savoir de ces fragiles monu-
ments parvenus jusqu'à nous à travers sept ou huit siècles. Toute ma tâche sera donc de
chercher dans les exemples que réunit ce volume quelques glanures pour l'histoire générale
des étoffes de luxe au moyen âge. Porter mes vues plus loin c'eût été méconnaître l'insuffi-
sance de mes études sur cette matière, et devancer un travail grave dont on me dit que la
publication se prépare.
De quelle contrée précisément revenaient les moines qui sous Justinien apportèrent à
Constantinople la de vers à soie, et jusqu'à quel point les Grecs du sixième siècle
avaient-ils besoin d'apprendre ce qu'était la soie? Ce n'est pas mon affaire de l'examiner au-
jourd'hui. Ce qui est certain, c'est que de bonne heure nous voyons Bysance citée comme un
grand entrepôt (si ce n'est un grand centre de fabrication) des riches étoffes de soie. On disait
PoeMM faunes aa daaztème stéc/e, p. 396),
l'animal réclame comme siens les tapis espagnols :
a Nil adeo sacri testatur gaudia festi
Quam sacra festivis clara domus titulis:
Tune pretiosa suis surgunt auiæa liguris,
Ac in se raptis ora tenent animis;
Tune operosa suis /n'spnM fupetia villis
Mine rubcas, virides inde ferunt species.
Tune statio sacri, tune ipsa sedilia cleri
Demulcent oculos munere tecta meo. a
Mais abandonnons ces détaiis aux savants qui, en ayant fait
une étude spéciale, pourront peser le pour et le contre des
diverses questions. Ce qui est certain, c'est qu'Alexandrie li
vrait au commerce des étoffes de lin et de soie aussi bien que
des tapis. Les Musulmans d Espagne pourraient bien aussi
avoir réuni ces diverses fabrications.