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M1ÎL A NG ES D ’ A R CHÉOLOGIE.

ici dans des miniatures du xne siècle; et l’on peut croire que ce retour à l’archaïsme
syriaque 1 peut avoir été amené dans l’Occident par le culte du saint Voult de Lucques,
précisément attribué à Nicodème. C’est alors aussi, sans doute par suite des premières
croisades, que reparurent, chez les Latins, plusieurs crucifix demeurés célèbres jusqu’à
nos jours (comme le saint Sauve ou saint Sauf d’Amiens). Le roi normand d’Angleterre,
Guillaume le Roux (assez peu dévot d’ailleurs), jurait volontiers par lesaint Voult de Lucques-,
ce qui établirait assez bien déjà la réputation de cette célèbre image, sans authentiquer
pourtant son attribution à Nicodème. *
Nous la retrouvons passablement reproduite dans notre peinture allemande de la même
époque 2. Mais ici nous avons divers accompagnements où la rudesse de l’expression ne
permet pas de méconnaître une merveilleuse grandeur de pensées. Oublions un instant
l’ornementation hère çà et là, et d’une richesse quelque peu sauvage, pour ne nous
occuper que des personnifications et des symboles qui complètent ce tableau étrange
à première vue.
Notre-Seigneur, outre la couronne, y porte une sorte d’étoile; en quoi on semble avoir
voulu nous remettre en mémoire Je sacerdoce et la royauté sans égale du Verbe divin fait
homme. Sous ses pieds, une reine, à droite, et un personnage barbare, à gauche, tournent
leurs regards vers Je Seigneur qui déjà triomphe sur la croix. Deux monogrammes, de
part et d’autre, indiquent que la reine pleine d’espérance est la Vie; et que l’adversaire
(jui tombe est la Mort. Nous avons là, sous des formes accessibles aux regards, ce
que l’Église dit aux fidèles depuis des siècles dans la prose pascale3. J’en donne la tra-
duction d’après nos livres d’office divin du xvne siècle, où le texte est parfois amplifié,
mais généralement bien senti :

« 0 merveilleux duel! où la vie et la mort
Signalent leur effort.
Le chef des vivants meurt; mais, reprenant sa vie
Qu'on lui croyait ravie,
11 terrasse la mort, et trouve un jour plus beau
Dans la nuit du tombeau4. »
L’ennemi (la Mort) a déjà l’épaule droite entamée par un vigoureux coup qui
semble l’effet d’une hache; il tombe à la renverse, et sa lance est brisée en trois
morceaux, si bien que la pointe se tourne vers lui. De la main gauche il tient

1. J’en ai dit quelques mots, qui suffisent absolument
pour la question présente, dans la Ire série de ces Mélanges
d'archéologie, etc., t. I, p. 208, 237, sv.; t. II, p. h9; et
ailleurs. Mais il ne faut pas trop se répéter quand une
chose a été dite tout de bon.
2. Le P. Arth. Martin s’est contenté de réduire légère-
ment ces grandes pages dont l’original a près de 30 centi-
mètres en hauteur.
Ses dessins inédits donnent encore le croquis d’un cal-
vaire (ms. de Munich, n° 37; fol. 107, v°) que je crois
exécuté à Ratisbonne, et Notre-Seigneur y est crucifié tout
vêtu. De même encore dans un manuscrit d’Àix-la-Cha-

pelle qui appartenait à M. de Horsbach lorsque le P. Martin
le copiait vers 1842.
3. Victimœ paschali :
« Mors et vita duello
Conflixere mirando ;
Dux vitæ, mortuus,
Régnât vivus. »
Cf. Breviar., in exaltat. s. crucis (14 sept.), ad Laudes :
« O magnum pietatis opus ! Mors rnortua tune est
In ligno quando rnortua vita fuit. »
4. Sans plus de recherches, je ne crois pas me tromper
 
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