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MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.

peu la forme des idées; en sorte qu’un commentaire est parfois très-utile pour les
rendre intelligibles. D’ailleurs le P. A. Martin, avec son entente exceptionnelle des
formes de ce temps, ne laissait pas que d’être artiste dans toute la force du mot :
c’est-à-dire un peu prime-sautier. Aussi, quand il avait saisi l’aspect général d’un
sujet, surtout dans l’ornementation, il lui arrivait càet là de faire bon marché des détails.
Quelque lettre pourrait donc lui avoir échappé de temps à autre, et je ne prétendrai
pas le donner pour un paléographe de profession.
Faisons pourtant observer le texte qui court le long de la croix, horizontalement
et verticalement. C’est un souvenir des enseignements de saint Paul [Eph. ni, 14-18),
dont la trace persiste fréquemment chez les auteurs ecclésiastiques L A ce point de
vue, la hauteur, la largeur (envergure) et la profondeur de la croix nous donnent
à comprendre quelque chose sur les grands desseins de Dieu dans la Rédemption qu'il
a envoyée au genre humain par son Fils.
Nous avons en outre, à droite et à gauche de la croix, près des pieds du Sauveur,
certains diagrammes techniques qui méritent d’être expliqués. Si peu versé qu’on soit
dans la théorie musicale, il n’est pas malaisé de reconnaître là l’explication pythagori-
cienne de l’harmonie, que Raphaël a introduite dans son immortelle Ecole d’Athènes. Que
vient donc faire ici, près de Jésus-Christ mourant, cette échelle des sept notes et de
leurs diverses combinaisons acceptables à l’oreille2? Les A-ers plus ou moins recherchés
qui prétendent l’expliquer dans la miniature, laissent percer une doctrine dont il est
impossible de méconnaître la grandeur. Le Verbe incarné, en s’immolant pour nous,
rétablit l’harmonie des deux mondes; et voilà que par la mort de cette grande
Victime, Dieu, les anges et les hommes seront désormais réconciliés. Pour ne pas
multiplier les citations latines, empruntons à Pierre Corneille son langage, qui entre
si bien dans l’esprit de l’Église, quand il paraphrase les hymnes du Bréviaire romain.

1. Il en a été question dans les Mélanges d’archéologie,
t. I, p. 196-198. Mais pour faire voir combien le xne siècle
tenait compte de ces leçons, il est bon de citer Honorius
d’Autun, qui résume parfois merveilleusement les Pères
de l’Église dans son langage semi-poétique.
Le Spéculum Ecclesiœ (Patrologie latine de Migne,
t. CLXXII, p. 9A5) s’exprime ainsi ; mais je rétablis la forme
rhythmoïde que l’auteur me paraît avoir voulu rendre
sensible, et que les éditeurs ont dissimulée ou méconnue :
« Denique in crucis forma
Continetur totius christianæ religionis norma.

Hujus... sanctæ crucis profundum mysterium
Pandit nobis profundum Pauli apostoli ingenium

Latitudo sanctæ crucis illæ duæ partes accipiuntur
Per quas manus distendunlur ;
Per hanc latitudinem gemina dilectio intelligitur
Quæ amicos inDeo, et inimicos propter Deum... complectitur.
Longitudo vero crucis ilia pars accipitur
Per quam corpus pendentis extenditur; .
Per hanc longitudinem
Instruimur perseverantiam in bono usque ad finem.

Sublimitas crucis, ilia pars quæ capiti supereminens erat,
Quam titulum... continentem Pilatus affixerat;
Per hanc spes cælestium insinuatur
Qua æqualitas angelorum... superatur.
Profundum crucis, pars sub pedibus notatur
Quæ terræ infixa occultatur ;
Occulta autem Dei mysteria declarantur
Per quæ lotus mundus... ne pereat sustentatur. Etc. »
D’autres interprètent différemment ces données primi-
tives qui venaient du Grand Apôtre, mais on les prenait
partout pour graves, lors même qu’on ne s’accordait pas
sur la manière de les comprendre. Cependant Honorius
d’Autun semblait bon à citer, parce que la forme brève et
sententieuse de ses résumés était toute propre à répandre
son enseignement, surtout parmi les monastères de femmes,
où l’étude des SS. Pères ne pouvait devenir commune ;
aussi voyons-nous que, sous divers titres, d’assez nom-
breux emprunts lui ont été faits dans le célèbre Hortus
deliciarum d’Hohenbourg (ou Odilienberg). C’est même là
que j’en avais pris d’abord plusieurs fragments pour expli-
quer les vitraux de Bourges, faute de posséder encore le
texte complet, dont l’ancienne édition (1531) était presque
introuvable.
2. Cf. Joseph Mone, Reinardus vulpes, p. 271, sqq.; et
320, sq. — Isidor. hispal. Etijmolog., lib. III, cap. viit et xx
 
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