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MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
dégénérescence qui se montre souvent au ve siècle, et dont nous aurons à donner
plus tard quelque exemple dans un autre volume.
Le petit personnage qui s’approche du trône principal pour recevoir un livre,
donne lieu de conjecturer que nous assistons à la nomination de quelque magistrat
qui va prendre le commandement d’une province. D’après la Notilia dignitatum, un
livre était l’insigne des préfets du prétoire, des vicaires et des prœsides. C’était le
recueil des lois et décrets {lecjes salutares, ou salubres ; comme s’il s’agissait d’un codex
pharmaceutique). Cela indiquant, et la conduite à suivre dans l’administration, et les
formules ou protocoles de chancellerie à conserver dans les actes officiels, et la garantie
de la nomination souveraine, se plaçait avec l’image impériale dans le palais où
résidait le magistrat. Exposés à la vue, ces insignes civils étaient accompagnés de
candélabres qui portaient des flambeaux de cire ; et les vieilles peintures donnent
à cette exhibition solennelle l’aspect d’un autel avec retable C
Sous Je portique, en manière d’exergue, une femme à demi drapée repose au
milieu d’un champ couvert d’épis. Sa tête s’appuie sur le bras droit, comme si elle
se réveillait pour écouter la parole du souverain. Une corne d’abondance pose sur
son sein et dépasse sou épaule ; une couronne de laurier ou d’olivier ombrage son
front. On pourrait prétendre y voir l’Espagne; mais ce n’est pas mon avis.
Deux petits génies dans Je tympan du fronton, et trois autres auprès de la femme
couchée, semblent apporter en bâte des fleurs ou des fruits aux princes.
On lit autour de la scène principale :
I). N. TllEODOSILS . PERRET. AEG. OR. DI EM . FELICISSIMUM X.
Les lettres, gravées en creux et entourées de points, conservent des traces de
dorures.
Au revers, nul ornement; mais seulement une attache large et saillante, qui
devait être destinée à fixer Je disque sur un soutien pour l’exposer aux regards. On
y lit assez difficilement une courte inscription gravée en points, qui importe peu à
des recherches aussi sommaires que les nôtres 2.
dent. Je suppose que l’on voudra bien consulter à ce sujet
les diverses éditions importantes avant de me donner tort.
Quant aux manuscrits, j’avoue ne les avoir plus examinés
depuis vingt ans.
1. L’Église aurait-elle été prêteuse ou emprunteuse,
dans l’échange qui s’est fait de cet appareil (abacus) entre
le palais et le sanctuaire ? C’est ce qu’il ne faut pas tran-
cher sans informations préalables, non plus que toute
autre question d’histoire ou de droit.
Le père A. Martin écrivait ici sur son brouillon une
phrase que je me garderai bien de contredire en thèse
générale : « La seconde majesté n’abandonnait pas assez,
sous le christianisme, son ancienne tendance à se mettre
au même rang que la première; et la parole du prince
s’attribuait sans gêne, comme de plein droit, les honneurs
rendus par tout bon chrétien à celle de Dieu. »
Je n’ai guère parlé autrement du style officiel de Justi-
nien dans les Souvenirs de l’ancienne Église d’Afrique (p. 70,
226, 229-238). Mais, pour la question présente, je doute
que mon ancien collaborateur entendît attribuer aux
autels des premiers siècles chrétiens le retable avec gra-
din garni de chandeliers. Quoi qu’il en soit, la lecture
quelque peu attentive des Scriptores historiée augustœ, ou
du cérémonial antique, fait reconnaître que plus d’une
étiquette de la cour papale a ses précédents incontestables
dans la pragmatique du Sacré palais des césars païens. Je
ne m’en plains pas, ni ne le critique ; je le signale tout
bonnement. Si l’on tient à le constater, ce qui n’est pas
l’objet de cette note, il suffit de recourir aux sources dont
je ne fais pas mystère.
2. 11 se peut que ce fût un signe conventionnel expri-
mant, soit l’atelier ou l’artiste, soit quelque indication
cryptographique réservée aux gens d’affaires pour prévenir
des abus: par exemple, afin qu’on ne fît pas payer ce mé-
daillon officiel au delà de sa valeur. Car nous avons des lois
de l’époque théodosienne contre divers genres d’exaction,
mais surtout pour réprimer les exigences des courriers qui
apportaient d’heureuses nouvelles. On y voit particulière-
MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
dégénérescence qui se montre souvent au ve siècle, et dont nous aurons à donner
plus tard quelque exemple dans un autre volume.
Le petit personnage qui s’approche du trône principal pour recevoir un livre,
donne lieu de conjecturer que nous assistons à la nomination de quelque magistrat
qui va prendre le commandement d’une province. D’après la Notilia dignitatum, un
livre était l’insigne des préfets du prétoire, des vicaires et des prœsides. C’était le
recueil des lois et décrets {lecjes salutares, ou salubres ; comme s’il s’agissait d’un codex
pharmaceutique). Cela indiquant, et la conduite à suivre dans l’administration, et les
formules ou protocoles de chancellerie à conserver dans les actes officiels, et la garantie
de la nomination souveraine, se plaçait avec l’image impériale dans le palais où
résidait le magistrat. Exposés à la vue, ces insignes civils étaient accompagnés de
candélabres qui portaient des flambeaux de cire ; et les vieilles peintures donnent
à cette exhibition solennelle l’aspect d’un autel avec retable C
Sous Je portique, en manière d’exergue, une femme à demi drapée repose au
milieu d’un champ couvert d’épis. Sa tête s’appuie sur le bras droit, comme si elle
se réveillait pour écouter la parole du souverain. Une corne d’abondance pose sur
son sein et dépasse sou épaule ; une couronne de laurier ou d’olivier ombrage son
front. On pourrait prétendre y voir l’Espagne; mais ce n’est pas mon avis.
Deux petits génies dans Je tympan du fronton, et trois autres auprès de la femme
couchée, semblent apporter en bâte des fleurs ou des fruits aux princes.
On lit autour de la scène principale :
I). N. TllEODOSILS . PERRET. AEG. OR. DI EM . FELICISSIMUM X.
Les lettres, gravées en creux et entourées de points, conservent des traces de
dorures.
Au revers, nul ornement; mais seulement une attache large et saillante, qui
devait être destinée à fixer Je disque sur un soutien pour l’exposer aux regards. On
y lit assez difficilement une courte inscription gravée en points, qui importe peu à
des recherches aussi sommaires que les nôtres 2.
dent. Je suppose que l’on voudra bien consulter à ce sujet
les diverses éditions importantes avant de me donner tort.
Quant aux manuscrits, j’avoue ne les avoir plus examinés
depuis vingt ans.
1. L’Église aurait-elle été prêteuse ou emprunteuse,
dans l’échange qui s’est fait de cet appareil (abacus) entre
le palais et le sanctuaire ? C’est ce qu’il ne faut pas tran-
cher sans informations préalables, non plus que toute
autre question d’histoire ou de droit.
Le père A. Martin écrivait ici sur son brouillon une
phrase que je me garderai bien de contredire en thèse
générale : « La seconde majesté n’abandonnait pas assez,
sous le christianisme, son ancienne tendance à se mettre
au même rang que la première; et la parole du prince
s’attribuait sans gêne, comme de plein droit, les honneurs
rendus par tout bon chrétien à celle de Dieu. »
Je n’ai guère parlé autrement du style officiel de Justi-
nien dans les Souvenirs de l’ancienne Église d’Afrique (p. 70,
226, 229-238). Mais, pour la question présente, je doute
que mon ancien collaborateur entendît attribuer aux
autels des premiers siècles chrétiens le retable avec gra-
din garni de chandeliers. Quoi qu’il en soit, la lecture
quelque peu attentive des Scriptores historiée augustœ, ou
du cérémonial antique, fait reconnaître que plus d’une
étiquette de la cour papale a ses précédents incontestables
dans la pragmatique du Sacré palais des césars païens. Je
ne m’en plains pas, ni ne le critique ; je le signale tout
bonnement. Si l’on tient à le constater, ce qui n’est pas
l’objet de cette note, il suffit de recourir aux sources dont
je ne fais pas mystère.
2. 11 se peut que ce fût un signe conventionnel expri-
mant, soit l’atelier ou l’artiste, soit quelque indication
cryptographique réservée aux gens d’affaires pour prévenir
des abus: par exemple, afin qu’on ne fît pas payer ce mé-
daillon officiel au delà de sa valeur. Car nous avons des lois
de l’époque théodosienne contre divers genres d’exaction,
mais surtout pour réprimer les exigences des courriers qui
apportaient d’heureuses nouvelles. On y voit particulière-