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RELIQUAIRE DE TONGRES (p. 102).
que se passèrent plus tard en ce genre les Byzantins du moyen âge et les Mogols de
l’Hindoustan font assez voir que ces profusions sont tout à fait dans le goût asiatique.
Quant à prêter au conquérant perse le désir d’imiter les deux, on en aperçoit
quelque trace dans un coin de notre émail; et le style de chancellerie orientale montre
que les princes s’y réclament volontiers de quelque parenté avec les astres. Mais que
les Sassanides fussent positivement idolâtres ou adorateurs du ciel étoilé (ce qui eût
mieux convenu aux Assyriens ou aux Chaldéens), cela ne gênait pas plus nos pères
que de prêter des idoles à l’islamisme et de lui faire adorer Mahomet. On connais-
sait à peu près les Juifs par la Bible, et pour les avoir coudoyés sur la place publique;
tout autre infidèle était classé in globo dans le paganisme. N’en rions pas trop fort :
Rome, aux siècles d’Auguste et de Tacite, n’était guère mieux renseignée sur le judaïsme
et le christianisme, qui pourtant vivaient dans ses murs.
De fait, la grande tour de Borsippa (complétée par Nabuchodonosor et détruite
par Xercès), à Babylone, contenait une représentation du firmament dans son prin-
cipal sanctuaire, outre les édicules des sept grandes planètes qui la couronnaient. Un
souvenir quelconque de ce sabéisme grandiose aura jeté ses reflets sur les Sassanides.
INTÉRIEUR DU RELIQUAIRE.
(Page 102.)
A l’ouverture des volets, la relique de la vraie croix se présente enchâssée dans
un fond constellé d’étoiles à quatre rayons (mais tronquées çà et là). Les quatre
coins sont occupés par les symboles évangéliques distribués conformément à l’or-
donnance qu’on peut regarder comme constante au moyen âge. Au-dessus de la croix
apparaît le buste de Jésus-Christ, dans la forme que j’appelle le Christ législateur L
A droite et à gauche de la croix se tiennent debout la très-sainte Vierge et saint
Jean, de même que dans les représentations du Calvaire. Plus bas, à peu près
comme dans un ivoire de Cividale del Friuli, publié par Gori1 2, l’Église et la Syna-
gogue sont bien reconnaissables à leurs attributs les plus ordinaires3, car la tête d’agneau
ou de chevreau que tient ici la Synagogue, et qui rappelle probablement la pàque 4 5,
se retrouve dans plusieurs monuments. Ainsi, toute cette pièce centrale n’offre rien
qui puisse arrêter un observateur quelque peu initié à la connaissance du moyen
âge. Cependant la Synagogue, découronnée en face de l’Église, me paraît donner lieu
à interpréter une figure de reine qui se tient près du serpent d’airain. Je serais porté
à croire que c’est encore la Synagogue, mais dans sa gloire, avant qu’elle eût été
rejetée pour être remplacée par l’Église8. Les deux revers des volets demandent
quelque explication. C’est la légende de la découverte de la vraie croix par sainte
Hélène ; grand événement dont la mémoire est encore célébrée dans l’Église par la
1. Cf. Mélanges d’archéologie, Ire série, t. I, p. 81, 86, sv. » gregationis tuœ quam possedisti ab initio. Numquid ista
2. Thesaur. diptigchor., t. III, pl. xvi. » potest esse vox Gentium ? Numquid Gentes possedit ab
3. Cf. Mélanges, Ire série, t. II, p. 50, svv. » initio? Sed possedit semen Abrahæ, populum Israël,
U. A l’agneau pascal on pouvait substituer un chevreau. » etiam secundum carnem natum de patriarchis, patribus
Cf. Exod. xii, 5. » nostris; quorum nos fllii facti sumus : non veniendo de
5. Augustin, loc. cü. (inpsalm. lxxiii, 2): « Memento con- » carne, sed imitando fidem, etc., etc. »
RELIQUAIRE DE TONGRES (p. 102).
que se passèrent plus tard en ce genre les Byzantins du moyen âge et les Mogols de
l’Hindoustan font assez voir que ces profusions sont tout à fait dans le goût asiatique.
Quant à prêter au conquérant perse le désir d’imiter les deux, on en aperçoit
quelque trace dans un coin de notre émail; et le style de chancellerie orientale montre
que les princes s’y réclament volontiers de quelque parenté avec les astres. Mais que
les Sassanides fussent positivement idolâtres ou adorateurs du ciel étoilé (ce qui eût
mieux convenu aux Assyriens ou aux Chaldéens), cela ne gênait pas plus nos pères
que de prêter des idoles à l’islamisme et de lui faire adorer Mahomet. On connais-
sait à peu près les Juifs par la Bible, et pour les avoir coudoyés sur la place publique;
tout autre infidèle était classé in globo dans le paganisme. N’en rions pas trop fort :
Rome, aux siècles d’Auguste et de Tacite, n’était guère mieux renseignée sur le judaïsme
et le christianisme, qui pourtant vivaient dans ses murs.
De fait, la grande tour de Borsippa (complétée par Nabuchodonosor et détruite
par Xercès), à Babylone, contenait une représentation du firmament dans son prin-
cipal sanctuaire, outre les édicules des sept grandes planètes qui la couronnaient. Un
souvenir quelconque de ce sabéisme grandiose aura jeté ses reflets sur les Sassanides.
INTÉRIEUR DU RELIQUAIRE.
(Page 102.)
A l’ouverture des volets, la relique de la vraie croix se présente enchâssée dans
un fond constellé d’étoiles à quatre rayons (mais tronquées çà et là). Les quatre
coins sont occupés par les symboles évangéliques distribués conformément à l’or-
donnance qu’on peut regarder comme constante au moyen âge. Au-dessus de la croix
apparaît le buste de Jésus-Christ, dans la forme que j’appelle le Christ législateur L
A droite et à gauche de la croix se tiennent debout la très-sainte Vierge et saint
Jean, de même que dans les représentations du Calvaire. Plus bas, à peu près
comme dans un ivoire de Cividale del Friuli, publié par Gori1 2, l’Église et la Syna-
gogue sont bien reconnaissables à leurs attributs les plus ordinaires3, car la tête d’agneau
ou de chevreau que tient ici la Synagogue, et qui rappelle probablement la pàque 4 5,
se retrouve dans plusieurs monuments. Ainsi, toute cette pièce centrale n’offre rien
qui puisse arrêter un observateur quelque peu initié à la connaissance du moyen
âge. Cependant la Synagogue, découronnée en face de l’Église, me paraît donner lieu
à interpréter une figure de reine qui se tient près du serpent d’airain. Je serais porté
à croire que c’est encore la Synagogue, mais dans sa gloire, avant qu’elle eût été
rejetée pour être remplacée par l’Église8. Les deux revers des volets demandent
quelque explication. C’est la légende de la découverte de la vraie croix par sainte
Hélène ; grand événement dont la mémoire est encore célébrée dans l’Église par la
1. Cf. Mélanges d’archéologie, Ire série, t. I, p. 81, 86, sv. » gregationis tuœ quam possedisti ab initio. Numquid ista
2. Thesaur. diptigchor., t. III, pl. xvi. » potest esse vox Gentium ? Numquid Gentes possedit ab
3. Cf. Mélanges, Ire série, t. II, p. 50, svv. » initio? Sed possedit semen Abrahæ, populum Israël,
U. A l’agneau pascal on pouvait substituer un chevreau. » etiam secundum carnem natum de patriarchis, patribus
Cf. Exod. xii, 5. » nostris; quorum nos fllii facti sumus : non veniendo de
5. Augustin, loc. cü. (inpsalm. lxxiii, 2): « Memento con- » carne, sed imitando fidem, etc., etc. »