108
MÉLANGES D’ARC'HÉOLOGïE.
sur le ventre, on acceptai la tâche de vider nettement une question d’histoire littéraire
dont j’avais jalonné la route avec quelque soin dès l’abord. Comptant alors y revenir, je
ne disais pas tout; mais les réserves étaient claires et motivées à plus d’une reprise,
comme pierres d’attente (amorces) qui veulent s’adapter aux constructions futures.
Quand l’avocat se désintéresse à ce point, il n’en est que plus libre pour défendre
son client opprimé outre mesure, et pour plaider à tout le moins quelques circon-
stances atténuantes. Voyons donc quelles sont les charges articulées par l’instruction
du procès ; car c’est bien un procès que l’on intente au Bestiaire, au lieu d’en tracer
une histoire qui eût été plus utile. La sentence, du reste, est encore à rendre ; ou
bien elle est très-susceptible d’appel.
S’il ne s’agissait que de savoir qui a mis décidément le Physiologus en lumière au
xixe siècle, ce serait question personnelle où le public a droit de ne s’intéresser
que froidement. Un premier éditeur peut s’attendre à défrayer les critiques, ce doit
même être son désir pour l’avancement de l’œuvre qu’il a prise à cœur et portée
entre ses bras avec une sollicitude quasi paternelle (sauf charlatanisme, qui serait
égoïsme tout pur et parfaitement méprisable). Mais si la présentation du nouveau venu
dans le monde n’est pas scandale intolérable, si sa recommandation n’est pas absolument
sans fond ni consistance, la critique a trop tôt fait de l’éconduire sommairement.
Quelques bonnes raisons ne gâteraient pas une censure si brève, quand elle veut
survivre au prononcé ; ou bien il serait avantageux à l’édification du public de montrer
avec toute la politesse possible que l’auteur n’a pas le sens commun. La question
serait ainsi résolue d’emblée; du moins jusqu’à ce qu’il intervînt appel, et que la
première juridiction, fût maintenue après débat légal. Tel dira que ce sont là querelles
sur menus intérêts. Dans l’espèce, oui; en question générale de procédés, non.
Mais un autre aspect mérite plus d’attention. Ce livre, bizarre tant qu’on le voudra,
a-t-il quelque valeur (historique, symbolique, archéologique ou toute autre) ? Voilà qui ne
laisse pas de réclamer discussion; et je ne vois pas qu’elle ait obtenu les débats suffisants.
Quels sont les motifs allégués pour mettre cet opuscule hors de cause, comme incapable
d’être admis à faire valoir ses droits d’admission dans une controverse régulière *?
1° Le Bestiaire, nous dit-on, serait une sorte de peste pour le symbolisme chrétien 1 2; et il
n’aurait pas tenu à ce vilain livre que formulaires3 et liturgie perdissent tout leur
bon effet dans l’Lglise.
1. On ne s’explique pas aisément l’indignité d’une com-
pilation qui aurait mérité néanmoins le concours de
M. Dübner pour plusieurs manuscrits grecs, et celui d’un
docteur arménien pour le texte asiatique. Si l’éditeur
croyait lui-mème à ses censures, pourquoi donner tant de
soin aux collationnements, ou même à la publication quel-
conque ? Serait-ce parce que le souci n’en retombait que
sur d’autres ?
2. Spicileg. Solesm., ibid., etp. lxxiij, sq.
3. Formulaire veut dire à peu prés Manuel, à la façon
des recueils de protocoles pour le notariat et les chancel-
leries. Nous en avons pour le symbolisme, c’est vrai ; mais,
comme pour les autres, reste à savoir quelle est la valeur
réelle de ce qu’on y enregistre, et même du régistraleur.
Ce ne serait point peine perdue que de rechercher si par
hasard ce n’étaient pas des ébauches destinées à plus mûre
révision, des compilations un peu interpolées par un zèle
maladroit, ou des matériaux rassemblés vaille que vaille
pour être mis en état présentable par les gens de loisir qui
auraient à peser attentivement chaque assertion. Quant
à moi, j’éprouve peu de regrets pour la perte des formu-
laires symboliques, tant qu’on ne découvrira pas un filon
de minerai supérieur à ce qui existe généralement au-
jourd’hui. Mais enfin, puisque liturgie et formulaires il y a,
le Physiologus a droit d’en bénéficier aussi pour maintes
données qu’on lui emprunte dans ces manuels. Item,
d’anciennes litanies de Lorette appelaient la Très-Sainte
Vierge calandra sancta. (Cf. Trombelli, De vita et cultu
B. M. V., t. V, p. 375.)
Les liturgistes avaient donc cru pouvoir vivre en assez
bonne intelligence avec la calandre admise déjà (comme
la licorne, l’aigle, etc.) dans un vitrail de la cathédrale
MÉLANGES D’ARC'HÉOLOGïE.
sur le ventre, on acceptai la tâche de vider nettement une question d’histoire littéraire
dont j’avais jalonné la route avec quelque soin dès l’abord. Comptant alors y revenir, je
ne disais pas tout; mais les réserves étaient claires et motivées à plus d’une reprise,
comme pierres d’attente (amorces) qui veulent s’adapter aux constructions futures.
Quand l’avocat se désintéresse à ce point, il n’en est que plus libre pour défendre
son client opprimé outre mesure, et pour plaider à tout le moins quelques circon-
stances atténuantes. Voyons donc quelles sont les charges articulées par l’instruction
du procès ; car c’est bien un procès que l’on intente au Bestiaire, au lieu d’en tracer
une histoire qui eût été plus utile. La sentence, du reste, est encore à rendre ; ou
bien elle est très-susceptible d’appel.
S’il ne s’agissait que de savoir qui a mis décidément le Physiologus en lumière au
xixe siècle, ce serait question personnelle où le public a droit de ne s’intéresser
que froidement. Un premier éditeur peut s’attendre à défrayer les critiques, ce doit
même être son désir pour l’avancement de l’œuvre qu’il a prise à cœur et portée
entre ses bras avec une sollicitude quasi paternelle (sauf charlatanisme, qui serait
égoïsme tout pur et parfaitement méprisable). Mais si la présentation du nouveau venu
dans le monde n’est pas scandale intolérable, si sa recommandation n’est pas absolument
sans fond ni consistance, la critique a trop tôt fait de l’éconduire sommairement.
Quelques bonnes raisons ne gâteraient pas une censure si brève, quand elle veut
survivre au prononcé ; ou bien il serait avantageux à l’édification du public de montrer
avec toute la politesse possible que l’auteur n’a pas le sens commun. La question
serait ainsi résolue d’emblée; du moins jusqu’à ce qu’il intervînt appel, et que la
première juridiction, fût maintenue après débat légal. Tel dira que ce sont là querelles
sur menus intérêts. Dans l’espèce, oui; en question générale de procédés, non.
Mais un autre aspect mérite plus d’attention. Ce livre, bizarre tant qu’on le voudra,
a-t-il quelque valeur (historique, symbolique, archéologique ou toute autre) ? Voilà qui ne
laisse pas de réclamer discussion; et je ne vois pas qu’elle ait obtenu les débats suffisants.
Quels sont les motifs allégués pour mettre cet opuscule hors de cause, comme incapable
d’être admis à faire valoir ses droits d’admission dans une controverse régulière *?
1° Le Bestiaire, nous dit-on, serait une sorte de peste pour le symbolisme chrétien 1 2; et il
n’aurait pas tenu à ce vilain livre que formulaires3 et liturgie perdissent tout leur
bon effet dans l’Lglise.
1. On ne s’explique pas aisément l’indignité d’une com-
pilation qui aurait mérité néanmoins le concours de
M. Dübner pour plusieurs manuscrits grecs, et celui d’un
docteur arménien pour le texte asiatique. Si l’éditeur
croyait lui-mème à ses censures, pourquoi donner tant de
soin aux collationnements, ou même à la publication quel-
conque ? Serait-ce parce que le souci n’en retombait que
sur d’autres ?
2. Spicileg. Solesm., ibid., etp. lxxiij, sq.
3. Formulaire veut dire à peu prés Manuel, à la façon
des recueils de protocoles pour le notariat et les chancel-
leries. Nous en avons pour le symbolisme, c’est vrai ; mais,
comme pour les autres, reste à savoir quelle est la valeur
réelle de ce qu’on y enregistre, et même du régistraleur.
Ce ne serait point peine perdue que de rechercher si par
hasard ce n’étaient pas des ébauches destinées à plus mûre
révision, des compilations un peu interpolées par un zèle
maladroit, ou des matériaux rassemblés vaille que vaille
pour être mis en état présentable par les gens de loisir qui
auraient à peser attentivement chaque assertion. Quant
à moi, j’éprouve peu de regrets pour la perte des formu-
laires symboliques, tant qu’on ne découvrira pas un filon
de minerai supérieur à ce qui existe généralement au-
jourd’hui. Mais enfin, puisque liturgie et formulaires il y a,
le Physiologus a droit d’en bénéficier aussi pour maintes
données qu’on lui emprunte dans ces manuels. Item,
d’anciennes litanies de Lorette appelaient la Très-Sainte
Vierge calandra sancta. (Cf. Trombelli, De vita et cultu
B. M. V., t. V, p. 375.)
Les liturgistes avaient donc cru pouvoir vivre en assez
bonne intelligence avec la calandre admise déjà (comme
la licorne, l’aigle, etc.) dans un vitrail de la cathédrale