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MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
1Y. — DE LA BÊTE NOMMÉE SCIE L
Dans la mer se trouve un être appelé la scie. Il a de longues ailes. Lorsqu’il
aperçoit un vaisseau dont les voiles sont enflées par le vent, il rivalise avec lui, sem-
blable aux matelots (sic), et parcourt trente ou quarante lieues. Alors, fatigué, il laisse
tomber ses ailes, et on le saisit (il est repris par les flots ?) pour le reporter (qui le
ramènent?) où il était.
La mer, c’est le monde ; le vaisseau figure les saints prophètes 2, qui rencontrèrent
les périls du monde, comme le navire rencontre souvent des tempêtes et des orages.
Quant à la scie qui ne peut soutenir sa lutte avec le vaisseau, elle est l’image de
ceux qui commencent à pratiquer la vertu, mais manquent d’énergie pour sou-
tenir leur effort jusqu’au bout ; ne pouvant tenir bon contre les flots de l’avarice,
de l’orgueil, de la luxure, de la fornication et de tant d’autres vices.
Y. — LE CHARATRIUS, ESPÈCE DE HIBOU 3.
Il est un oiseau qu’on nomme cbaratrius. Moïse en parle dans le Deutéronome. Il
est entièrement blanc, aucune tache ne s’aperçoit sur ses ailes (sur son manteau?).
1. C’est bien le même sens que pour la Serra des mss.
latins, et le rvpiwv des mss. grecs. — Cf. Mélanges, ibid.,
t. II, p. 122, sv. — Spicil. Solesm., t. III, p. 3/i2, et 535.—
Pétri Damiani Opp. t. III, p. 813.
Cependant il semble qu’on en ait fait aussi un composé
de la sirène et du typlion antiques. Cf. Cel. Cavedoni,
Memorie di religione, etc. (Modena), série II, t. XVII,
p. 191. Les Harpies de la Grèce ne semblent être pour lien
en tout cela.
Ailleurs on trouverait matière à conclure que ce soit
l’énorme cétacé des livres chinois qui est censé se trans-
former en oiseau gigantesque (rokh, griffon, Æpigor-
nis, etc.). — Cf. Pauthier, le Livre de Marco Polo, p. 681 ;
et Introduction, p. lxxiv, sv.
Pourquoi ne pas faire observer, en outre, qu’une pro-
priété bien réelle pourrait avoir donné lieu à ces inven-
tions singulières ? La scie (Pristis) est connue pour son
antipathie agressive contre les grands cétacés, au point
de se précipiter parfois sur la carène d’un navire qu’elle
prend apparemment pour baleine. Dans ces fureurs du
squale, qui le font bondir au-dessus des eaux, on aura
sans doute remarqué l’ampleur de ses. nageoires pecto-
rales ; ainsi la voie s’ouvrait à l’imagination de matelots
peu naturalistes, pour supposer que la scie prétend mas-
quer les voiles du vaisseau poursuivi.
2. Le grec disait Apôtres et martyrs. Ceci appartiendrait-
il à un texte qui se rapprochait davantage de l’original?
La gnose considérait volontiers les prophètes comme en
lutte habituelle contre l’Ancien Testament, et comme ligués
pour sa déchéance. D’ailleurs on s’expliquera sans peine
qu’à l’époque de Tatien, vu le peu de temps encore tra-
versé par l’Église, les modèles aient été cherchés parmi
les fondateurs du christianisme et dans l’ancienne loi. Le
latin, qui ne parle ici que de justes, appuierait peut-être
cette conjecture d’une variante où les Arméniens auront
puisé leur version.
3. Je suis très-porté à croire que cette addition au titre
estentièrement le fait du traducteur, qui aura pensé devoir
expliquer un mût obscur.—Cf. Mélanges, ibid., t. II,
p. 130, svv. —Pétri Damiani Opp. t. III, p. 811, sq.
Voici comment la calandre figure dans le Spéculum Eccle-
sfœpour l’Ascension (édition de 1531, fol. 14Zi) :
« Est avis, albicolor... quæ caradrius vocatur,
Per quam æger utrum evadere possit probatur.
Adducta enim ad ægrum, si moriturus erit,
Faciem ab eo avertit ;
Si vero victurus, visum in eum l'ortiter infigit,
Hianti ore ægritudinem ab eo ebibit.
In altum contra radium solis volât ;
Infirmitas hausta de ea exsudât,
Æger sospitate exultât.
Caradrius albus
Est Christus de Virgine natus,
Hic ad ægrum adducitur
Dum a Pâtre ad infirmum genus humanum mittilur.
Qui faciem suarn a Judæis avertit,
Eosque in morte reliquit;
Ad nos autem vultum convertens, a morte revocavit,
Et infirmitates nostras, crucem subiens, ipse portavit ;
Sudorque sanguinis de eo manavit.
Deinde in alla cælorum cum carne nostra ad Patrem volavit,
Etperpetuam salutem omnibus fidelibus dauavit. »
MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.
1Y. — DE LA BÊTE NOMMÉE SCIE L
Dans la mer se trouve un être appelé la scie. Il a de longues ailes. Lorsqu’il
aperçoit un vaisseau dont les voiles sont enflées par le vent, il rivalise avec lui, sem-
blable aux matelots (sic), et parcourt trente ou quarante lieues. Alors, fatigué, il laisse
tomber ses ailes, et on le saisit (il est repris par les flots ?) pour le reporter (qui le
ramènent?) où il était.
La mer, c’est le monde ; le vaisseau figure les saints prophètes 2, qui rencontrèrent
les périls du monde, comme le navire rencontre souvent des tempêtes et des orages.
Quant à la scie qui ne peut soutenir sa lutte avec le vaisseau, elle est l’image de
ceux qui commencent à pratiquer la vertu, mais manquent d’énergie pour sou-
tenir leur effort jusqu’au bout ; ne pouvant tenir bon contre les flots de l’avarice,
de l’orgueil, de la luxure, de la fornication et de tant d’autres vices.
Y. — LE CHARATRIUS, ESPÈCE DE HIBOU 3.
Il est un oiseau qu’on nomme cbaratrius. Moïse en parle dans le Deutéronome. Il
est entièrement blanc, aucune tache ne s’aperçoit sur ses ailes (sur son manteau?).
1. C’est bien le même sens que pour la Serra des mss.
latins, et le rvpiwv des mss. grecs. — Cf. Mélanges, ibid.,
t. II, p. 122, sv. — Spicil. Solesm., t. III, p. 3/i2, et 535.—
Pétri Damiani Opp. t. III, p. 813.
Cependant il semble qu’on en ait fait aussi un composé
de la sirène et du typlion antiques. Cf. Cel. Cavedoni,
Memorie di religione, etc. (Modena), série II, t. XVII,
p. 191. Les Harpies de la Grèce ne semblent être pour lien
en tout cela.
Ailleurs on trouverait matière à conclure que ce soit
l’énorme cétacé des livres chinois qui est censé se trans-
former en oiseau gigantesque (rokh, griffon, Æpigor-
nis, etc.). — Cf. Pauthier, le Livre de Marco Polo, p. 681 ;
et Introduction, p. lxxiv, sv.
Pourquoi ne pas faire observer, en outre, qu’une pro-
priété bien réelle pourrait avoir donné lieu à ces inven-
tions singulières ? La scie (Pristis) est connue pour son
antipathie agressive contre les grands cétacés, au point
de se précipiter parfois sur la carène d’un navire qu’elle
prend apparemment pour baleine. Dans ces fureurs du
squale, qui le font bondir au-dessus des eaux, on aura
sans doute remarqué l’ampleur de ses. nageoires pecto-
rales ; ainsi la voie s’ouvrait à l’imagination de matelots
peu naturalistes, pour supposer que la scie prétend mas-
quer les voiles du vaisseau poursuivi.
2. Le grec disait Apôtres et martyrs. Ceci appartiendrait-
il à un texte qui se rapprochait davantage de l’original?
La gnose considérait volontiers les prophètes comme en
lutte habituelle contre l’Ancien Testament, et comme ligués
pour sa déchéance. D’ailleurs on s’expliquera sans peine
qu’à l’époque de Tatien, vu le peu de temps encore tra-
versé par l’Église, les modèles aient été cherchés parmi
les fondateurs du christianisme et dans l’ancienne loi. Le
latin, qui ne parle ici que de justes, appuierait peut-être
cette conjecture d’une variante où les Arméniens auront
puisé leur version.
3. Je suis très-porté à croire que cette addition au titre
estentièrement le fait du traducteur, qui aura pensé devoir
expliquer un mût obscur.—Cf. Mélanges, ibid., t. II,
p. 130, svv. —Pétri Damiani Opp. t. III, p. 811, sq.
Voici comment la calandre figure dans le Spéculum Eccle-
sfœpour l’Ascension (édition de 1531, fol. 14Zi) :
« Est avis, albicolor... quæ caradrius vocatur,
Per quam æger utrum evadere possit probatur.
Adducta enim ad ægrum, si moriturus erit,
Faciem ab eo avertit ;
Si vero victurus, visum in eum l'ortiter infigit,
Hianti ore ægritudinem ab eo ebibit.
In altum contra radium solis volât ;
Infirmitas hausta de ea exsudât,
Æger sospitate exultât.
Caradrius albus
Est Christus de Virgine natus,
Hic ad ægrum adducitur
Dum a Pâtre ad infirmum genus humanum mittilur.
Qui faciem suarn a Judæis avertit,
Eosque in morte reliquit;
Ad nos autem vultum convertens, a morte revocavit,
Et infirmitates nostras, crucem subiens, ipse portavit ;
Sudorque sanguinis de eo manavit.
Deinde in alla cælorum cum carne nostra ad Patrem volavit,
Etperpetuam salutem omnibus fidelibus dauavit. »