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BAS-RELIEFS MYSTÉRIEUX : LE MANS.

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coiffée comme si l’on avait voulu y représenter des femmes. Cependant leur robe est
courte, et cette coiffe peut être un artifice quelconque pour nous dire qu’ils sont morts
et non encore arrivés à la résurrection. Car le moyen âge avait coutume d’ensevelir
les cadavres la tête couverte, et même le visage totalement masqué parfois.
Il faut dire néanmoins que la tête du personnage qui me fait l’effet d’être Jean-
Baptiste aux limbes, paraît entourée du nimbe des personnes divines ; tandis que
près du Jourdain, sur Je même bas-relief, nous ne lui voyons pas même le nimbe
simple qui caractérise ordinairement les saints. Alors nous aurions affaire aux chapitres
suivants1 du même livre, où l’auteur retrace l’effroi du prince des ténèbres qui se
sent menacé d’une visite redoutable, et la libération des prisonniers par le vainqueur
du trépas [inter mortuos liber). Ce dernier sens du bas-relief serait appuyé encore par
sa comparaison avec d’autres chapiteaux du Yivarais et du Laonnais. Il en existe
sûrement aussi plusieurs du même genre que nous n’avons pas recueillis, mais la
légende attribuée à Nicodème méritait au moins une mention, et pourra s’appliquer
à quelque monument de même famille 2.
Il n’est sûrement pas besoin de faire remarquer toutes les curiosités de la sculpture
dans ce chapiteau naïf. Dès que l’on y reconnaît le sens général, tout peut être dit.
L’homme ou l’ange qui tient si singulièrement la tunique de Notre-Seigneur pendant
que le Fils de Dieu est plongé dans les eaux du Jourdain, se retrouve fréquemment
ailleurs en pareil cas, quoique pas toujours avec une exécution aussi enfantine. J’ignore
si l’on verrait également cette espèce d’ourceau dans la main du Précurseur, avec l’appa-
rence d’administrer à Jésus-Christ une douche d’oreille; quoique, selon M. l’abbé Auber,
le baptême ait dû être jadis symbolisé par une bouteille (!) flottant sur l’eau (sic).
C’est encore des Juifs qu’il s’agit dans le chapiteau D (page 181), à moins que je ne me
trompe beaucoup ; mais les sujets du Bestiaire, réduits à la brièveté qu’ils prennent sous
le ciseau inexpérimenté de notre tailleur de pierre, ne sauraient atteindre une clarté
tout à fait éblouissante. Il faut donc nous aider le mieux possible par la comparaison
de monuments à peu près contemporains, Selon moi, et sans croire trop subtiliser, nous
avons affaire à la hyène 3, décrite ainsi par Philippe de Thaun (ou de Thaon) :

« Hyena est griu num,
Que nus beste apellum ;
Ceo est lucervere (loup-cervier).

Nostre lai le defend
Qu'hom ne l’manjuce nent,
Ne chose à li semblable.
Orde est, nent cuvenable.

D’icesle en sun escrit
Jeremias nus dit :
Faite ert s’heredité
Cum la fosse en malté ;
Et Physiologus
De la beste dit plus,
Que male e femele est
Pur ceo orde beste est. Etc. »

Ce trouvère du xie siècle n’interprète la nature de la hyène que par l’homme
convoiteux. C’est qu’il se met parfois à l’aise a\Tec les manuscrits antérieurs; et du
reste le texte grec publié dans le Spicilége de Solesmes serait d’accord avec lui. Mais

1. Ibid., cap. xx-xxvi, p. 699-779.
2. Pour ne pas sortir entièrement de l’ordre d’idées qui
me faisait voir la Synagogue dans trois de ces chapiteaux,
faisons observer que le même Évangile apocryphe (cap. xx,

p, 706, sq.) montre Satan heureux et lier d’avoir poussé les
Juifs à faire mourir Jésus-Christ.
3. Cf. Mélanges, lrc série, t. III, p. 203-207. — Spicil.
Solesm. t. III, p. 361.— Gervaise (Romania, t. I,p. A30, sv.).
 
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